ALICE COOPER
Jamais deux sans Detroit

Alors qu’il parcourt à nouveau nos contrées, Alice Cooper affiche une forme olympique, ceux qui ont eu la chance de le voir sur les premières dates à Bordeaux et Marseille ont été unanimes sur les réseaux sociaux… À 71 ans passés, il est plus actif que jamais, outre ses Hollywood Vampires, son groupe « parallèle » il a initié un E.P. Inédit, Breadcrumbs, en hommage à Detroit avec ses amis musiciens et héros de la ville mythique. [Entretien par Jean-Pierre Sabouret – Photo : DR]

En plus de 55 ans de carrière, tu n’as jamais gardé la même équipe aussi longtemps avec toi. À l’évidence, ce n’est pas un cauchemar pour les musiciens de t’accompagner aux quatre coins du monde.

Ahah. Non, en effet ! Je suis accompagné par l’un des groupes les plus solides et épanouis que j’aie jamais vus. C’est très rare dans ce métier, mais il n’y a pas le moindre problème d’ego, ils ne s’engueulent jamais. Ils sont devenus les meilleurs amis du monde. Et ils s’entendent si bien qu’ils éprouvent même le besoin de jouer sans moi dans les bars ou les clubs sous le nom de Goon Squad… Glen Sobel a été élu meilleur batteur par Drummer Magazine, Nita Strauss a été élue meilleure guitariste féminine par Guitar World… Ryan Roxie m’est fidèle depuis plus de 22 ans, Chuck Garric depuis plus de 17 ans et Tommy Henriksen depuis 8 ans. Et comme Glen, Tommy est aussi avec moi depuix le début dans les Vampires… On ne peux malgré tout jurer de rien. L’un ou l’autre va peut-être recevoir une proposition qu’il ne saurait refuser et je serai le premier à lui dire : « Tu dois savoir saisir ta chance ! Pense à ta propre carrière…» Mais pour le moment, ce n’est pas le cas. Personne n’a envie d’aller voir ailleurs.

Contrairement à toi, puisque tu n’as pas pour autant lâché Hollywood Vampires…

La raison principale, c’est que c’est exactement la même situation avec le groupe. Il n’y a pas la moindre querelle d’ego et on se fait plaisir avant tout… Et pourtant, il met dans un même projet trois « mâles alpha ». Joe Perry n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds et Johnny Depp a horreur de perdre son temps. Et moi aussi, j’ai assez traversé d’épreuves pour me laisser pourrir la vie. Ça va faire bientôt cinq ans qu’on s’est lancés dans cette autre aventure de dingues et je vous jure qu’on n’a pas eu la plus petite altercation. Même pas une légère brouille. Tout fonctionne à merveille et on ne perd pas de temps quand on joue ensemble. Nous avons un immense respect mutuel.

Le monde du rock a bien changé depuis l’époque où l’ambiance était plus que malsaine dans la plupart des grands groupes. Et pas seulement au sein d’Oasis… Même les Rolling Stones se parlent poliment aujourd’hui !

Oui, c’est dingue. Et je trouve même que c’est presque exagéré… C’est le monde entier qui est devenu politiquement correct. Même les spectacles humoristiques meurent à petit feu. On ne peut plus se moquer de quoi que ce soit, y compris de soi-même. Il y aura tout des gens qui vont se sentir offensés. La conséquence la plus regrettable, c’est que l’on fait attention à tout ce qu’on dit en permanence et que ça ne fait qu’aggraver les problèmes, alors que c’était une bonne chose de pouvoir pointer du doigt tout ce qui ne va pas, avec humour ou non. Aujourd’hui un professeur va se faire virer de son collège parce qu’il aura fait un compliment à une de ses collègues, et je ne parle même pas d’une élève, et qu’elle aura interprété ça comme du harcèlement ! C’est absurde, mais on retrouve le même genre de situations dans le rock’n’roll.

Crédits Photos : Charlotte Bertrand

Nous serions donc clairement dans le cauchemar que tu prophéties depuis les années 70 ?

Dans ma vie, j’ai été tant de fois traîné dans la boue pour toutes sortes de raisons. Je suis le premier à défendre ceux à qui on cherche des poux pour des raisons ridicules, comme je le ferai pour quelqu’un qui subit un vrai harcèlement. Mais il y a une énorme différence entre la plaisanterie et le harcèlement. Croyez-moi, on m’a reproché plus d’une fois les paroles de mes chansons, mais ça n’est pas demain la veille que je vais m’autocensurer et ne plus dire ce que j’ai envie de dire.

Que réponds-tu à tous ceux qui expliquent que le rock est mort alors que tu est loin d’être le seul à encore rameuter les foules ?

Je n’y crois pas une minute. Je sais parfaitement qu’au moment où je te parle, il y a des milliers de gamins qui sont dans leur garage en train d’apprendre mes morceaux ou ceux d’Aerosmith, de Guns N’ Roses, Nirvana ou de Led Zeppelin… Vous allez voir, dans les prochain mois, il va y avoir toute une nouvelle génération de groupes qui vont tout balayer ! Pour moi, ça ne fait aucun doute. Il va y avoir une violente réaction à tout ce qui se passe dans la musique à l’heure actuelle. Tout est devenu si calculé et prévisible ces dernières années. Le rock’n’roll va une fois encore remettre les pendules à l’heure. Et la leçon sera assénée par des sales gosses bien enragés et coriaces. À l’image de Guns N’ Roses à la fin des années 80, ou comme nous l’étions avant eux… Le rock’n’roll va à nouveau devenir pestiféré et ce sera la meilleure chose qui puisse lui arriver.

Tu as aussi pris le temps d’enregistrer un morceau avec Phil Campbell, l’ancien guitariste de Motörhead, « Swing It » pour son premier album solo, Old Lions Still Roar… Voilà encore un groupe de rock’n’roll qui a changé la face du monde.

Oh oui ! J’en parlais pas plus tard qu’hier dans le tourbus avec les musiciens ? L’un me disait que, pour lui, c’était un groupe de metal, contrairement à moi qui serait plus dans le rock’n’roll Et je n’étais absolument pas d’accord. Je lui ai répondu que l’on colle l’étiquette metal sur tout et n’importe quoi. Je pense par exemple, qu’Iron Maiden est beaucoup plus dans le prog rock que dans le metal pur. J’ai une fondation, Solid Rock, pour aider les adolescents en détresse à travers la musique et j’y ai notamment vu se former un petit groupe prometteur. Après avoir joué, ils m’ont demandé ce que j’en pensait et je leur ai dit : « Mais c’est incroyable, vous venez de réinventer le hard rock. Ce que vous faites, c’est du pur hard rock ! » Avec le recul, même Metallica ou Judas Priest sont plus à associer au hard rock qu’au metal.

On a été surpris d’apprendre du jour au lendemain que tu avais enregistré un E.P., Breadcrumbs, avec quelques légendes de Detroit, comme Wayne Kramer (MC5), Mark Farner (Grand Funk Railroad), Johnny « Bee » Badanjek (Mitch Ryder & The Detroit Wheels, Alice Cooper…)…

C’est un hommage à la capitale américaine du hard rock ! Tous les musiciens sont de Detroit et toutes les chansons évoquent la ville. J’ai réuni une petite équipe de musiciens étroitement associés à Detroit pour reprendre 6 morceaux, dont le « East Side Story » de Bob Seger, « Sister Anne » de MC5, « Devil With A Blue Dress On » des Detroit Wheels… Le E.P . a été produit par mon ami Bob Ezrin et je me demande si je ne vais pas prolonger cette idée sur un album entier. Pourquoi pas enregistrer de nouveau un pur album de Detroit ! J’ai retrouvé des sensations incroyables, avec ce mélange typique de hard rock et de rhythm and blues à la Motown. Et, au passage, je suis très heureux d’avoir Wayne Kramer et son MC50 en première partie de la tournée anglaise.

Alice Cooper sera à La Seine Musicale de Boulogne le 20 septembre

Crédits Photos : Charlotte Bertrand

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