AORLHAC
Le vent en poupe

Déjà auteur de deux albums juste après ses débuts en 2007 du côté d’Aurillac, à savoir À La Croisée des Vents (2008) et La Cité des Vents (2010), cette jeune formation française nouvellement signée sur le label Les Acteurs de L’Ombre nous a séduits avec son Black Metal aux saveurs occitanes présentes sur son nouveau méfait : L’Esprit des Vents.

[Entretien avec Spellbound (chant) et NKS (guitare) par Seigneur Fred]

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Question basique, mais pouvez-vous tout d’abord résumer la genèse du groupe ? Comment est né Aorlhac ? Une histoire entre amis ?
Spellbound : Au moment où l’idée Aorlhac a pris forme, NKS et Ash (ancien bassiste du groupe) évoluaient dans un groupe Black plutôt traditionnel. Aorlhac est donc né du désir de créer quelque chose de plus personnel dans l’approche musicale et aussi de se tourner vers des thèmes ancrés dans le folklore et l’histoire d’oc, prégnants dans notre région. C’est de cette manière qu’a été mis en place le projet, aux alentours de 2006. À cette époque, ils ont donc quitté leur ancien groupe, et c’est à peu près à cette période que nous sommes entrés en contact et que j’ai intégré la formation en tant que vocaliste. De là, nous avons sorti À la Croisée des Vents en 2007, puis La Cité des Vents en 2010. Des rééditions, splits et compilations ont vu le jour, et nous avons effectué des concerts aux côtés de groupes comme Taake, Himinbjorg, Helheim, Vultures Industries, Brann Bar… Et 2018 voit la sortie de L’Esprit des Vents sous la bannière Les Acteurs de l’Ombre, et nous sommes impatients de faire découvrir ce nouveau méfait.

Vous êtes originaires d’Auvergne (Aurillac et de Clermont-Ferrand et St Flour aussi, je crois), et Aurillac est connu pour ses températures extrêmes en France, là où il fait très froid l’hiver et chaud l’été… Vos albums faisant à chaque fois référence aux vents (le nouvel album s’appelant L’Esprit des Vents), est-ce que d’une certaine manière ce climat plutôt continental qu’océanique a pu façonner votre approche de la musique à l’instar des groupes scandinaves de Black, Pagan, ou Doom Metal qui sont très influencés et inspirés par leur environnement et la nature souvent dure et hostile ?
Spellbound : Le vent, cela représente quelque chose de puissant, d’insaisissable, de dévastateur parfois, et c’est aussi en lien avec les sujets que nous développons, ce côté chaotique et destructeur de toutes ces périodes historiques passées. Il est encore des domaines que la main et le cerveau de l’homme ne peuvent contrôler, et cet élément en fait partie. Effectivement, peut-être même de manière inconsciente, le climat et la rudesse de nos contrées ont contribué à forger nos caractères, et donc notre musique. L’Auvergne étant un territoire chargé d’histoire, il était aussi tout à fait logique et légitime pour nous de nous servir du folklore et des contes locaux qui imprègnent nos environs. En résumé, nous sommes totalement immergés et influencés en tant qu’individus par la région dans laquelle nous évoluons, et cela fait écho en nous et en notre musique.

Toujours sur vos origines, le nom du groupe Aorlhac est emprunté à la langue occitane et signifie Aurillac et vous chantez en français. Et il y a des noms de chansons qui semblent être en occitan : « Alderica », « L’ora es vegunda ». N’avez-vous jamais pensé à chanter totalement en occitan comme Eluveitie peut le faire en gaélique ou vieux gaulois, ou bien en vieux suédois comme Arckanum, ou bien tout simplement en occitan et français comme les Pyrénéens de Stille Volk (Holy Records) le font dans un registre Folk ?
Spellbound : C’est vrai que c’est une question qui revient assez régulièrement, les gens cherchent un sens et une logique à tout cela, ce qui est bien normal. Comme je l’explique souvent, nous ne pouvons laisser croire à nos auditeurs que nous maîtrisons totalement la langue d’oc, c’est donc la raison principale du fait que quatre-vingt-dix pourcent de nos écrits sont en français. La croix cléchée fait partie intégrante du logo, nos textes sont influencés par les histoires et les légendes d’oc, mais nous ne maîtrisons pas suffisamment sa complexité pour nous permettre de tout conter en occitan, c’est aussi simple que ça. Ceci dit, nous travaillons à introduire toujours plus ce côté dans notre univers. Tu citais « L’ora es venguda », sur ce titre par exemple, je chante plus de la moitié du texte en occitan.

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En 2009, vous avez participé à un tribute à Emperor sur le label russe Aspherical Asphyxia Prod. nommé Old crown en reprenant sur le premier volet « With strength I burn » d’Emperor donc et en plus en proposant un titre original « Le miroir des péchés ». Quel(s) retour(s) avez-vous suite à cette participation et peut-on encore se procurer ce disque ?
NKS : En fait pour la petite histoire, nous étions déjà en contact avec John d’Aspherical Asphyxia pour le tribute à Ulver, hélas pour diverses raisons nous n’avions pas pu y participer. Comme nous sommes restés en contact, il nous a proposé de participer au prochain tribute consacré cette fois-ci à Emperor. Tu fais bien de préciser la présence du titre « Le miroir des péchés », car si nous étions cette fois-ci dans les temps concernant la cover d’Emperor, on nous a imposé au dernier moment l’ajout d’un titre inédit. Il s’agit certainement du titre composé le plus rapidement de notre répertoire ! D’ailleurs, si cette participation a eu le mérite de nous faire connaître dans les pays de l’Est, nous avons surtout reçu beaucoup de retours positifs concernant « Le miroir des péchés ». Par contre à ma connaissance, ce tribute, étant également associé à Arcturus et Ved Buens, n’est sorti qu’au format numérique.

Emperor fait-il partie de vos principales influences en matière de (Black) Metal, car paradoxalement, il n’y a aucun clavier ni partie symphonique sur votre nouvel album intitulé L’Esprit des Vents ?
NKS : Même si personnellement « Anthems to the Welkin at Dusk » reste à mon sens un des meilleurs albums de Black Metal, j’ai toujours pensé qu’il était possible de créer des ambiances sans avoir recours à du clavier ou autre type d’instruments synthétiques. Sur nos trois albums, nous avons la fierté d’avoir utilisé au final uniquement des instruments acoustiques, d’ailleurs sur notre dernier opus, tu pourras entendre de la vielle à roue sur l’« Infame Saurimonde ».

Comme influence, même si vous possédez déjà votre style et univers, j’ai trouvé des similitudes avec vos aînés français de Belenos. Vous sentez-vous proches d’un tel groupe par exemple ? Je trouve qu’il y a un certain esprit Pagan qui règne à travers vos chansons…
Spellbound : Personnellement je ne connais pas assez Belenos pour pouvoir te dire que c’est une influence, au niveau du chant par exemple. Je crois qu’Aorlhac développe des thématiques fortes et une identité qui nous est propre, même si bien entendu, certaines influences peuvent ressortir çà et là. Au niveau composition, nous laissons les choses ouvertes. Si un riff joué par NKS est typé Heavy ou Hard Rock et qu’il nous plaît, nous pourrons tout à fait le conserver. Tu retrouves sur le nouvel album certaines parties axées Heavy par exemple sur un titre comme « Mandrin », à l’instar d’autres de nos plus vieilles chansons comme « Le charroi de Nîmes », « Famine et anthropophagie » ou « Sant Flor ». Concernant le chant, c’est pareil, et je crois qu’on pourra se rendre compte que mes parties vocales ne se limitent plus à un registre Black Metal pur, toutes sortes d’émotions passent et sont réinjectées dans la musique, rien n’est calculé à l’avance et c’est ce qui est intéressant. Nous évoluons en tant qu’individus, nous devons laisser aller les choses sans forcément tout intellectualiser ou rationaliser sous prétexte d’appartenance à telle ou telle scène. Cela se ressent directement dans la musique et nous permet de garder notre identité.
NKS : Au commencement de notre trilogie, il se peut que certains aspects Pagan soient audibles. Et s’ils ont probablement été importants au départ du projet, ils se sont naturellement estompés pour laisser place à nos influences et nos inspirations du moment. Il faut rappeler qu’Aorlhac ayant maintenant plus de dix ans d’existence, il est normal d’avoir eu envie de faire évoluer notre manière de composer.

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Ce troisième album fait une fois de plus référence aux vents, mais contient des chansons aux références historiques si je ne m’abuse. Par exemple, pouvez-vous nous détailler la chanson intitulée « 1802 – 1869 Les méfaits de Mornac » ?
Spellbound : Je ne suis pas à l’aise face au présent que nous vivons, donc dès que j’en ai l’opportunité, je me replonge dans notre passé, c’est une sorte d’échappatoire. Nous avons, depuis nos débuts, conté des légendes locales ou évoqué des personnages marquants de différentes périodes de l’histoire, de Georges Couthon sous la révolution en passant par les périodes d’anthropophagie dans l’Auvergne du Moyen-Âge, Anjony et Tournemire… Il est intéressant de voir que se confondent et se répètent les comportements de l’homme à travers les âges, que ce soit il y a trois cent ans ou dix ans, certaines choses n’évolueront pas, la noirceur que l’humain contient en lui en fait partie. Et donc une fois de plus, j’ai voulu me concentrer sur des sujets qui de manière positive ou négative, ont marqué nos terroirs. Antoine Victor Mornac était un brigand « reconnu » et très redouté, qui a fini par pourrir et devenir sénile dans un asile après des années d’errances, de vols, de meurtres et de manière générale, de décadence. Il sévissait particulièrement dans les environs de Laqueuille et d’Hermant et a entraîné un paquet de gens vers la mort et les turpitudes. Bien sûr, l’imaginaire et le temps ont fait leurs effets sur cette histoire, mais on dit qu’il il était une figure locale que les vieilles femmes remplaçaient par le diable ou le loup dans leurs récits lorsqu’il s’agissait d’apeurer les enfants et les dissuader de commettre des imprudences. Il a donc lourdement marqué les esprits à l’époque et avait donc sa place, comme tant d’autres détraqués, dans les dossiers d’Aorlhac.

Vous avez intégré parfois quelques passages folkloriques comme sur la seconde partie d’« Infame Saurimonde ». Est-ce que quelque chose que vous pourriez davantage développer à l’avenir ?
Spellbound : Nous avons utilisé, quoiqu’avec parcimonie, principalement des guitares acoustiques et du violon pour appuyer le propos sur nos réalisations antérieures. La vielle à roue est donc une continuité dans notre expérimentation sonore. Mais je ne crois pas qu’il soit utile à notre musique d’excessivement marquer les compositions avec l’apport de trop d’instruments traditionnels. Nous privilégions l’efficacité et la puissance des guitares principalement, et avons recours à ces passages que lorsque nous pensons cela nécessaire.
NKS : Aorlhac étant devenu un groupe live juste après la sortie de La Cité des Vents, nous avons ensuite souhaité nous concentrer sur la composition de titres pouvant être interprétés sur scène sans tomber dans le compromis. Aussi, notre message ne se prêterait pas véritablement à de longs passages folkloriques et nous n’avons pas non plus exprimé l’envie de composer un album entièrement acoustique.

Au niveau de la scène musicale Black Metal française, vous sentez-vous isolés ou bien êtes-vous en contact avec d’autres confrères français (Belenos comme évoqué plus haut peut-être ?) ou étrangers grâce à internet et étant donné les structures, festivals, et nombreuses formations émergentes actuellement dans le metal en France, vous sentez-vous proches de la scène metal extrême française plus globalement ?
Spellbound : Nous avons quelques contacts par-ci par-là, et même si certains groupes se rapprochent des thèmes que l’on aborde, tu comprendras vite en lisant les remerciements dans notre livret de l’album à venir que nous sommes de manière volontaire, plutôt isolés. De toute façon, à titre personnel, ma sensibilité ne m’amène pas particulièrement à écouter où à être en contact avec les groupes qui gravitent autour de notre univers.
NKS : Disons que nous avons appris à avancer sans trop nous soucier de ce qui nous entoure. Si nos différents concerts nous ont permis de découvrir des structures dirigées par des personnes qui valent le détour ou de rencontrer des groupes avec qui nous ne pensions jamais jouer, nous n’avons au final pas gardé contact avec grand monde. Tu l’auras compris, nous ne sommes pas vraiment mondains.

Enfin, quels sont les projets pour Aorlhac : une tournée française en support d’autres groupes français ou étrangers, une tournée à l’étranger peut-être ? Des participations à des festivals l’été prochain en 2018 ?
Spellbound : Bien entendu la sortie du troisième album, L’Esprit des Vents le 3 mars 2018 chez les Acteurs de l’Ombre Productions. Ensuite, nous serons effectivement amenés à faire des concerts et nous avons remonté un line-up live dans cette optique, nous commençons les répétitions courant janvier et de belles dates sont déjà en place ou en pourparlers concernant 2018. Nous verrons bientôt où le vent nous mène, saches en tout cas que nous ne comptons pas nous arrêter en si bon chemin, le temps passe vite et la pause entre la cité des vents et l’esprit des vents n’a été que trop longue. Nous sommes donc impatients de faire savoir au monde qu’Aorlhac est bel et bien de retour, et plus fort que jamais.

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