CRYSTAL VIPER
Heavy Metal jusqu’au bout des ongles !

Quand on évoque la scène Métal polonaise, on pense en général à d’obscures formations de Black ou Death Metal underground ou bien celles désormais mondialement réputées (Behemoth, Vader, etc.), mais pas du tout au Heavy Metal de Crystal Viper que pratique pourtant avec ferveur le combo de Katowice depuis 2003. Fort d’un nouveau deal avec le label français Listenable Records (cocorico !), les choses pourraient changer, mais pas leur musique comme nous l’a expliqué sa Wonder Woman de la six cordes, Marta Gabriel, à l’occasion de la sortie de The Cult. [Entretien avec Marta Gabriel (guitare/chant) par Seigneur Fred – Photos : DR]

Pourrais-tu nous résumer rapidement l’histoire du groupe fondé en 2003 à Katowice (Pologne), s’il-te-plaît, afin de faire découvrir Crystal Viper à nos lecteurs car c’est la première fois que nos chemins se croisent ?
J’ai fondé Crystal Viper en 2003, mais les premières années, c’était plutôt un simple projet, car il était difficile de trouver des musiciens avec lesquels je pouvais jouer, en matière de Heavy Metal traditionnel, ce n’était alors pas si facile à trouver. J’ai trouvé ces bonnes personnes ici en Pologne. Nous avons sorti notre premier album en 2007, et pour te le faire en avance rapide, nous sommes sur le point de sortir en 2021 notre huitième album studio : The Cult.

Toujours afin de mieux connaître ce qui anime la flamme Heavy Metal de Crystal Viper, quelles sont vos principales influences musicales au sein de Crystal Viper : plutôt des groupes européens de Heavy et de Speed ​​Metal des années 80 ou peut-être davantage « guitar heroes » comme Yngwie Malmsteen, Steve Vaï, ou John Petrucci par exemple, ou bien tout cela réuni ? (sourires)
Je dirais que le style de Crystal Viper est basé et inspiré des groupes de Heavy Metal classique des années 80, oui, ainsi que des groupes qui les ont eux-mêmes inspirés. Il s’agirait à la fois de groupes européens, comme Iron Maiden, Judas Priest et Black Sabbath, l’ensemble de la vague NWOBHM par conséquent, mais aussi des groupes de Métal américain comme Manilla Road, Omen, Virgin Steele ou Manowar. Chacun de nous dans Crystal Viper aime différents « guitar heroes », tu sais. Dans mon cas, ce serait Glenn Tipton et Tony Iommi !

En tant que guitariste : tu joues sur un instrument à six cordes et es équipée par LTD. Quels sont les atouts de cette sous-marque d’ESP selon toi, techniquement et surtout pour jouer du Heavy Metal ? Quelles sont les différences notables entre les guitares ESP et LTD selon toi, hormis le prix bien sûr, car il n’y a pas beaucoup de différences de nos jours et elles sont toutes fabriquées en Asie de nos jours (Indonésie ou Chine) ?
Je n’ai pas beaucoup d’expérience avec les séries de guitares ESP et E-II, car depuis quelques années j’utilise presque uniquement la série de guitares LTD qu’ils produisent. Vis-à-vis des prix, ce n’est pas non plus tout à fait correct car certains modèles LTD peuvent être parfois plus chers que les modèles E-II ou ESP. Tout dépend de ce dont on a besoin en tant que guitariste et de ce que l’on recherche. La guitare, c’est quelque chose de très personnel, presque tous les guitaristes customisent, modifient ou du moins règlent leurs guitares en fonction de leurs préférences et de leurs besoins avec leur matériel et le son recherché. Et ce fut pareil pour moi : j’ai utilisé de nombreuses guitares différentes dans le passé, mais quand j’ai eu ma première LTD, je savais que je n’avais pas besoin de chercher autre chose. Mais bien sûr, je les règle aussi en fonction de mes propres préférences et de mes besoins. Dans tous les cas, elles sonnent bien à la fois en studio et sur scène, et elles se sentent bien, je les adore ! (sourires)

Pour une artiste féminine, est-ce facile de trouver un parrainage avec une marque/fournisseur d’instrument et que l’on joue de la guitare en Pologne, qui plus du Métal ? Ou plutôt, est-il plus difficile de trouver un contrat de sponsoring et de rester avant tout une musicienne, avant d’être perçue comme une femme qui séduit la foule et les guitaristes amateurs de Métal à majorité masculine car le music business demeure un milieu professionnel très sexiste et macho, tu ne crois pas ?
Tout d’abord, les accords d’endossement avec une signature, et ceux de parrainage sont des choses totalement différentes. Je n’ai jamais été parrainée par personne. De plus, les accords d’affiliation sont généralement très différents, chaque entreprise ayant des conditions et des règles différentes en matière d’approbation. L’affiliation à une marque est toujours une sorte de partenariat. Les producteurs de matériel de musique ont toujours aimé travailler avec des artistes et des personnes qui utilisent leur matériel de manière professionnelle, car c’est bénéfique pour les deux parties, c’est naturel en symbiose avec notre travail. Il en va de même pour les athlètes sportifs et les fabricants de matériel et équipementiers par exemple. Honnêtement, je ne pense pas que le fait que je sois une femme ait beaucoup à voir avec ces choses, cela dépend de ce que tu présentes musicalement, à quel point tu es actif, sérieux et déterminé en tant que musicien. S’il s’agissait d’être une femme uniquement, vous verriez probablement des publicités avec des modèles, pas avec de vrais musiciens. (sourires)

Crystal Viper existant depuis 2003, as-tu noté des évolutions et améliorations envers toi dans l’attitude des fans masculins et des acteurs masculins du milieu de musique, que ce soit en tournée, en coulisse, ou en studio au fil des années et surtout après des mouvements féministes comme #Me Too sur internet et un peu partout à travers le monde avec la libération de la parole féminine ?
Concernant le mouvement #MeToo, je n’ai personnellement jamais subi de harcèlement sexuel sérieux à mon égard dans le monde de la musique. Mais oui, j’entends parfois des choses derrière mon dos, ou je vois des commentaires désagréables à mon sujet sur Internet. Il y a bien entendu une différence entre faire un compliment et être impoli et irrespectueux envers une personne, et malheureusement, c’est triste à dire mais ces choses se produisent parfois encore…

Parlons maintenant de votre nouveau contrat avec le label français Listenable Rec. Pourquoi ce choix après le dernier album Tales With Fire and Ice sorti en 2019 sur AFM Rec. ?
Notre contrat avec AFM Records expirait, et nous avons décidé de terminer d’abord le nouvel album, puis de trouver la nouvelle maison de disques pour l’éditer. Nous avons reçu beaucoup d’offres, mais nous avons décidé de nous engager avec Listenable Records. Rejoindre une nouvelle marque, c’est comme se marier, comme rejoindre une nouvelle famille. Nous sommes très satisfaits de Listenable Records car ils comprennent ce qu’est Crystal Viper et ils sont passionnés par le Heavy Metal.

Sur votre précédent album Tales With Fire And Ice, votre musique était peut-être plus mélodique alors que vos nouvelles chansons sont plus directes et accrocheuses immédiatement, plus lourdes aussi, de manière plus traditionnelle dans ce genre Heavy Metal. Tes racines semblent prendre le dessus, pourquoi ? (l’exemple parfait serait la chanson « Whispers from Beyond » qui mélange ces deux côtés : mélodique et heavy)
Eh bien, ça fait partie du style Crystal Viper, nous n’avons jamais enregistré deux albums qui sonnent de la même manière. Nous modifions toujours un peu notre approche musicale, ça reste dans les limites du Heavy Metal traditionnel ou classique, mais chaque album que l’on fait est un peu différent. L’album précédent était en effet plus proche du Power Metal, il était plus mélodique, et sonnait un peu plus moderne en matière de production. Nous ne planifions jamais ces choses, tu sais. On ne s’assoit pas et ne nous disons pas : « Tiens, d’accord, le prochain album devrait contenir des éléments de Thrash Metal », tu vois. Cela sort très naturellement, et je pense que cela est lié à nos inspirations du moment ou de cette période particulière. Nous écoutons tous différents types de Métal et de musique en général, et nous aimons tous des choses différentes : livres, films, jeux, art. Tout cela nous inspire d’une manière ou d’une autre. Au final, ce que vous entendez sur l’album est le résultat de toutes ces différentes inspirations. Le noyau, les racines de Crystal Viper sont du Heavy Metal, et cela ne changera jamais. C’est la musique que nous avons dans notre ADN, c’est dans notre sang ! Quels seront les prochains ingrédients supplémentaires, me dirais-tu ? On ne sait jamais, et c’est ça qui est toujours excitant quand on commence à travailler sur un nouvel album.

Sur The Cult, vous ne voulez plus innover et préférez alors rendre hommage à vos groupes et artistes cultes des années 80 (comme Dio, Black Sabbath, King Diamond, Iron Maiden, etc. .) que vous adorez réellement ?
Je dirais que nous n’avons jamais essayé d’innover. On n’a jamais essayé de créer un nouveau genre, ou de réinventer la roue pour te dire. Nous aimons le Heavy Metal, nous aimons le jouer, cela nous rend heureux. Et nous adorons le partager avec les gens. Quand nous avons commencé à travailler sur The Cult, cela a commencé à sonner naturellement comme ça, et comme nous aimons tous les stars et les classiques du genre que tu as mentionnés, nous ne pourrions pas être plus heureux à ce sujet, c’est juste génial ! De l’énergie pure de Heavy Metal, je te dis !

Voilà pourquoi on retrouve par exemple en titres bonus à la fin du nouvel album les reprises de « Trial By Fire » de Satan (signé sur le même label que vous) et la chanson « Welcome Home » de King Diamond sur laquelle le célèbre guitariste danois Andy Larocque vient justement jouer de la guitare. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette collaboration spéciale ? A-t-il enregistré ses parties et vous les a-t-il envoyées ou bien est-il venu en studio en Pologne pour enregistrer ses parties lead ou riff sur sa propre chanson de manière traditionnelle ?
On adore enregistrer des reprises car c’est à la fois notre hommage personnel aux groupes et aux artistes qui nous ont inspirés, et aussi pour montrer à nos jeunes fans quelles sont les racines de Crystal Viper, d’où tout cela provient chez nous. L’album, y compris les chansons de reprises, était terminé avant que nous ne commencions à chercher un label, donc aussi avant de signer pour Listenable Records. Ce fut donc une belle coïncidence : nous avons enregistré un album avec ces deux morceaux bonus, et plus tard, il s’est avéré que Listenable a non seulement sorti les albums de Satan (réédition), mais qu’ils sont aussi grands fans de King Diamond, donc cela semblait être un bon signe déjà pour la coopération future… Andy La Rocque est un de nos amis depuis de nombreuses années. Il a en fait coproduit l’un de nos albums précédents. C’est l’un des guitaristes les plus talentueux et sous-estimés que je connaisse, et une personne absolument adorable en plus. Ce fut un immense honneur pour nous lorsqu’il a accepté de se joindre à nous pour reprendre « Welcome Home ». Je pense que c’était une expérience intéressante pour lui aussi, car il interprète cette chanson avec King Diamond depuis plus de trois décennies, or maintenant on lui demande d’enregistrer un nouveau solo de guitare pour une nouvelle version de cette chanson, interprétée par quelqu’un d’autre, nous en l’occurrence. Andy a enregistré sa partie dans son propre studio, le Sonic Train Studio, mais en fait, c’était la même chose pour nous tous, tu sais. C’est la première fois dans l’histoire de Crystal Viper que nous enregistrons l’album sans nous voir, sans travailler ensemble dans un même studio du fait des conditions actuelles (NDLR : épidémie de Covid-19). En fait, nous étions en contact permanent, nous avons probablement échangé des milliers de courriels, de messages et d’appels, nous nous envoyions toutes les pistes entre nous mais nous ne nous sommes pas tous rencontrés en face-à-face. Donc il en a été de même avec Andy. Les membres de Crystal Viper vivent dans trois pays différents, tu sais, la Pologne, l’Allemagne et la Suède, or il était – et est toujours – impossible de voyager, sans risquer d’être mis en quarantaine à cause de la pandémie… Et pour la même raison, nous ne pouvions pas faire de nouvelles photos de groupe ou filmer un clip vidéo approprié avec tous les membres du groupe.

À propos de tes paroles, tu sembles avoir puisé ton inspiration dans d’autres classiques mais cette fois-ci littéraires, c’est-à-dire les ouvrages de Howard Phillips Lovecraft qui est une énorme source d’inspiration très utilisée dans le Métal plutôt extrême généralement (Dark, Black, Doom ou Death Metal). En quoi l’œuvre de H.P. Lovecraft t’a-t’elle influencée ici sur tes nouvelles chansons ? Et quels livres ou histoires plus exactement ont servi de points de départ à tes textes sur l’album The Cult ?
Quand j’ai commencé à lire les romans de Lovecraft plus tôt dans l’année 2020, j’avais l’impression que quelqu’un me donnait une énorme injection d’idées pour la musique et les paroles. Ses œuvres m’ont tellement inspiré, que j’ai même eu des rêves dans lesquels je pénétrais dans son monde… Les histoires m’ayant surtout inspirées ont été : « The Dreams in the Witch House », « The Whisperer In Darkness », « The Colour Out Of Space », « The Thing On The Doorstep », « At The Mountains of Madness », « The Beast in the Cave », « The Statement of Randolph Carter », « Through the Gates of the Silver Key » ; et bien sûr le classique « The Call Of Cthulhu » qui m’a inspiré pour écrire la chanson-titre de l’album, « The Cult ». H.P. Lovecraft est probablement mon écrivain préféré et l’impact de ses œuvres sur la culture populaire est remarquable. J’ose aussi dire et espérer que les fans de ses œuvres aimeront notre album. On peut alors dire sans prétention que c’est un grand hommage à son héritage.

Pour conclure : quand je vois toute votre tournée européenne à venir nommée « Metal City Tour 2021 » prévue début 2021 avec les excellents groupes que sont Wolf et Raven, tu sembles très optimiste dans ce contexte de pandémie toujours actuelle, n’est-ce pas? ! D’ailleurs, je suis triste de constater qu’il n’y a pas de concert de Crystal Viper de prévu en France pour le moment alors que vous êtes signés sur un label français ?! (sourires)
Ça va être une super tournée, avec des groupes que j’aime beaucoup, Raven et Wolf, donc ça va être un double plaisir : jouer des concerts de Crystal Viper, puis regarder certains de mes groupes préférés en live chaque soir ! J’espère vraiment que cette tournée aura lieu, en effet, surtout parce qu’elle a déjà été reportée une fois. Mais à vrai dire, personne ne sait ce qui se passera cette année encore, ni combien de temps durera cette pandémie. Il n’y a pas encore de show en France sur la liste, c’est vrai, mais pour autant que je sache, notre agence de concerts continue de travailler sur l’ajout de dates supplémentaires y compris chez vous, alors croisons les doigts. J’ai hâte de revenir jouer en France, nous adorons votre pays ! (sourires)

CHRONIQUE ALBUM

CRYSTAL VIPER
The Cult
Heavy Metal
Listenable Rec.

À l’impression générale d’écouter dans The Cult un huitième album typiquement Heavy Metal années 80 sans réelle innovation artistique ni technique, sa chanteuse/guitariste nous rétorque clairement : « On n’a jamais essayé de créer un nouveau genre, ou de réinventer la roue ». Voilà qui a au moins le mérite d’être honnête ! La qualité première de Crystal Viper réside donc d’abord dans sa passion pour le Heavy Metal doublée d’une fervente volonté de rendre hommage ici (un peu trop) à ses pairs de la NWOBHM comme Maiden, Judas Priest (le speed « Flaring Madness » et son refrain à la Halford), Satan (« Trial By Fire), Dio, mais aussi King Diamond dont le quintet polonais reprend justement le classique « Welcome Home » sur lequel Andy LaRocque vient glisser un solo de guitare. Heavy Metal rules ! [Seigneur Fred]

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