DEAFHEAVEN + TOUCHÉ AMORÉ : Sur un petit nuage noir [Live-report]

Un ami à moi disait qu’il voyait l’écriture d’un live-report comme une histoire. Et non pas comme une simple vulgarisation subjective d’une performance musicale. Concernant celle de ce soir, foule d’émotions sont au programme. L’affiche 100 % américaine mêle le post-hardcore de Touché Amoré et Portrayal of Guilt au post-black metal de Deafheaven. Nous allons le voir, coller comme étiquette ces styles pourraient être réducteurs à ces groupes, les influences brassant large… [Textes et photos de Guillaume DARTIGUES]

Arrivée sur les lieux à Feyzin (Lyon).

Mon aventure part donc de Clermont-Ferrand pour le sud de Lyon à Feyzin, surtout enthousiaste à l’idée d’enfin voir ce que donne Deafheaven en concert. Leur tournée se focalise majoritairement sur le très réussi Ordinary Corrupt Human Love sorti en 2018, ci-dessous. Rappelons d’ailleurs que le morceau « Honeycomb » fut nominé aux Grammy Awards. Les groupes susmentionnés tournent ensemble en Europe depuis mi-septembre et arrivent donc en fin de tournée cette semaine.

Deafheaven
©ANTI- Records

J’arrive sur place vers 21h et découvre l’ambiance accueillante de l’Épicerie Moderne. Vu l’heure je crains cependant d’avoir manqué Portrayal of Guilt. Réflexion confirmée une fois dans la salle où joue Touché Amoré, devant une foule plutôt grande pour la taille de la salle. La bonne humeur du chanteur Jeremy Bolm est contagieuse et discute un instant avec le public entre les morceaux, relativement courts. Public qui, par ailleurs, est respectueusement réceptif vis-à-vis du spectacle : tout le monde regarde attentivement, les pogos se font rares à contrario des applaudissements à la fin des morceaux interprétés.

Touché Amoré @Épicerie Moderne, 10/10/2019
©Guillaume DARTIGUES

Connaissant très peu le groupe, j’apprends qu’ils fêtent les dix ans de leur premier album …To the Beat of a Dead Horse avec d’autres titres de leurs albums plus récents en rappel. Ces derniers permettent de finir le set avec un coup de boost final où quelques slammeurs sautent depuis la scène (enfin!). Content d’avoir assisté à ce concert pour une entrée en matière, je quitte la salle pour aller jeter un œil au stand de merchandising. Celui-ci s’avère être immense, on compte plus d’une vingtaine de t-shirts aux designs variés pour les trois groupes, des drapeaux, des pin’s, patchs, sans oublier la multitude de disques et vinyls… ! Mais le temps passe et il est déjà l’heure de regagner l’intérieur de la salle.

Setlist Touché Amoré, Lyon 10/10/2019

Un backdrop géométrique coloré et simple, lumières rouges écarlates et fumigènes… C’est avec « Black Brick » que Deafheaven entame son set pour clouer tout le monde sur place.

Deafheaven @Épicerie Moderne 10/10/2019 ©Guillaume DARTIGUES

Exit les ambiances, ce morceau de plus de 7 minutes est sans aucun doute le plus direct et rentre-dedans, en soi le plus « black metal » de la setlist de ce soir. S’en suit « Brought to the Water », seul morceau tiré de New Bermuda (2015) puis enfin « Honeycomb » et sa magnifique progression : les débuts chaotiques en blast beats qui laissent petit à petit place à une fin plus paisible (qui sera poursuivie avec l’enchaînement de « Canary Yellow ») : métaphore d’un tourment, d’un laisser-aller intense pour retrouver une sorte de quiétude ? Impossible de rester indifférent face à la mélancolie de ce morceau.

Moment de complicité pendant Deafheaven @Épicerie Moderne, Lyon 10/10/2019

C’est d’ailleurs à la fin de « Canary Yellow » que j’ai senti les membres plus concernés, plus investis dans leur show : les guitaristes Kerry McRoy et Shiv Mehra se sont rassemblés face à face pour exécuter leurs soli respectifs dans une dualité complice, sous le regard enchanté du bassiste Chris Johnson tout à gauche de la scène. Tandis que George Clarke lui, impressionne par son regard froid. Sa technique vocale est hallucinante à voir et à entendre pour de vrai. Le contraste est saisissant entre ses screams si particuliers avec sa voix originale servant à remercier sobrement le public. Le jeu de batterie de Daniel Tracy est lui aussi d’une grande qualité : rapide mais très subtil et fouillé, toutes les notes sont reproduites fidèlement (dans la mesure où leurs albums sont eux-mêmes enregistrés en condition live).

« We have one last song for you tonight, it’s called « Dream House », thank you everyone… »

C’est à ces paroles que le public s’exclame comme si une libération avait eu lieu, puis le riffing en trémolo arrive pour nous faire sentir s’élever. L’émotion atteint son paroxysme sur le passage en clean au milieu du morceau, laissant place au post-rock, au retour lent et massif des guitares/basse/batterie et c’est maintenant.

C’est maintenant qu’arrivent par-dessus ces ambiances extrêmement difficiles à qualifier, similaires à ce que fait Godspeed You! Black Emperor… Ces ambiances planantes qui serrent la gorge et où George Clarke s’époumone :

« I’m dying. »

– « Is it blissful? »

« It’s like a dream. »

– « I want to dream. »

Et c’est déjà fini… Le fait de jouer des morceaux aussi longs donnent paradoxalement l’impression que le temps est passé bien vite. Le show de Deafheaven n’a pas laissé indemne tout le monde ; en me retournant ébahi de la prestation à laquelle nous venons tous d’assister, des larmes ont coulé sur certains visages. De cette soirée, en voilà le résumé : nos sentiments ont été mis à rude épreuve avec des performances viscérales qui nous font nous sentir heureux et surtout vivants. [Guillaume DARTIGUES]

SETLIST Deafheaven

  • Black Brick
  • Brought to the Water
  • Honeycomb
  • Canary Yellow
  • Worthless Animal
  • Dream House

Envie d’en voir davantage ?

Version live de « Honeycomb » dans un univers particulier, à Chicago.

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