ENDEZZMA
Mythes et traditions

Si clairement Endezzma n’évoque pas en nous immédiatement le True Black Metal norvégien avec ses corpse paints, ses cartouchières, ses églises incendiées et ses screams déchirants sous fond de guitares hyper saturées captées dans les bois durant l’hiver ou dans une cave nordique dès la prononciation de son nom à la consonance plutôt hispanique, pourtant le groupe scandinave en impose sur sa seulement troisième galette en seize ans d’existence sur la scène Black norvégienne. Son chanteur nous présente davantage Endezzma et son troisième album donc, intitulé The Archer, Fjord and the Thunder. Tout un programme… [Entretien avec Morten Shax (chant) par Seigneur Fred – Photos : DR]

Endezzma existe depuis longtemps déjà, le groupe ayant été fondé en 2005 sur les cendres de ton ancien groupe Dim Nagel. Pourquoi seulement trois albums à votre actif dont le nouveau The Archer, Fjord and the Thunder en fait ? Comment expliques-tu cela par rapport à d’autres groupes de Black Metal norvégien plus prolifiques ?
Endezzma a toujours travaillé sous l’éthique de la qualité avant la quantité et nous n’avons jamais précipité les sorties ou fait de nouveaux enregistrements juste pour suivre les comparaisons avec d’autres groupes hautement productifs. Ceci dit, le groupe est passé à une forme plus organisée et profilée au cours des dernières années et la fréquence de nos productions a augmenté, de sorte qu’il y aura une attente plus courte entre les albums à l’avenir. Il y a eu aussi quelques évènements malheureux à compter dans notre histoire dont la mort de membres du groupe (Trondr Nefas (guitare, basse) (R.I.P.) en 2012)… Cela a rendu le processus de composition assez complexe, mais depuis l’album The Arcane Abyss, nous avons un line-up plus régulier et une certaine fraternité est naît entre nous, nous conduisant à devenir plus productif. Et tu vois, on travaille déjà dur actuellement sur la suite de l’album The Archer, Fjord and The Thunder…

Que signifie exactement le nom du groupe ? Parce que « Endezzma », ce n’est pas un nom norvégien typique et n’évoque pas d’emblée le Black Metal et le satanisme, le paganisme ou bien l’occultisme ou encore la nature du grand Nord, n’est-ce pas ? (sourires) Pourquoi ce choix de nom ? Est-ce un mot espagnol ou hongrois peut-être ?
J’ai toujours aimé la magie et la combinaison des mots, en en créant de nouveaux, uniques. Endezzma a toujours suivi sur son propre chemin, et n’a pas marché au côté des autres. Il ne serait pas approprié d’être nommé Dark Blood ou The Devil’s Crown par exemple, c’est trop commun. Le mot « Endezzma » possède une origine plutôt personnelle et pourrait être décrite comme une entité qui traite de la mort et de l’essence de l’intensité humaine souvent connue sous le nom « d’obscurité stellaire universelle ».

Quelles sont les principales influences musicales en matière de Métal au sein du groupe : Bathory ? Enslaved ? Etc. As-tu grandi avec tous ces artistes scandinaves dans tes oreilles dans ton quotidien par exemple ?Oui, j’ai grandi avec Celtic Frost, Bathory et bien sûr les vieux pionniers du Black Metal norvégien comme Darkthrone, Emperor, Mayhem, Immortal, et Enslaved. Mais après des années sur la scène et en faisant de la musique, nous nous inspirons plus de la musique elle-même et au-delà. Les émotions et l’expérience de la vie qui forgent votre esprit, votre mode de pensée et l’obscurité à l’intérieur de nous, tout cela nous influence. Mais les antécédents musicaux fondamentaux seront bien sûr toujours omniprésents, là derrière. Nous nous éloignons lentement de plus en plus de ces schémas pour ainsi dire. Je pense que faire de la musique consiste essentiellement à trouver son propre chemin et à le suivre sans condition. Notre devise, c’est du genre : « soyez fidèle à vous-même et à votre propre identité, alors vous brûlerez à jamais ».

Ce troisième album sonne très intense, puissant et agressif. Penses-tu que c’est là la vraie définition de ce que doit toujours être le Black Metal en 2021 ? Quelle est ta propre définition d’ailleurs du Black Metal, toi qui t’occupais autrefois d’un fanzine dédié à ce style et un label Flesh for Beast ?
Merci pour ta considération sur notre expression sur de disque. Ce sont des mots décrivant tout à fait ceux que je peux et souhaite rattacher à notre musique. L’intensité, la puissance et l’agression sont la nature même d’Endezzma et définissent exactement comment nous voulons exprimer notre musique sur notre album. Je ne sais pas si c’est la véritable définition de ce à quoi doit ressembler le Black Metal, mais ils sont sans aucun doute les mots clés essentiels de ce qu’un album sincère fait d’engagement et de dévouement devrait contenir. Endezzma est notre âme et notre cœur et ce n’est qu’avec intensité, dévotion et puissance que nous pouvons ou devons opérer. Il n’est pas essentiel pour nous de faire de la musique après avoir établi des normes ou des modèles. Tant que nous restons fidèles à nous-mêmes et que nous nous donnons pleinement à notre art et à ce que nous créons, peu importe le résultat que l’on nommerait et que vous souhaitez, ce n’est pas important pour nous tant que vous capturez le désespoir, l’intensité, la puissance et l’agression. De plus, nous aimons marcher à contre-courant de toute façon, alors ce qui est une vision commune de ce qu’est le Black Metal n’a pas d’importance ! Le mot clé du Black Metal devrait être : « Fais ce que tu veux sera l’ensemble de la Loi ».

En parlant de Black Metal, une rumeur courait à un moment que le fameux batteur Hellhammer (Mayhem, Arcturus, The Kovenant…) officiait également dans Endezzma, était-ce fondé ?
J’en avais entendu parler aussi, en effet, et je ne sais pas d’où est apparue cette info sur les radars d’internet mais non, Hellhammer n’a jamais joué pour nous. Nous avons déjà Monsieur Skriu depuis plusieurs années dont le jeu convient parfaitement à Endezzma.

Le titre de votre nouvel album paraît assez cliché. Il fait conventionnel dans le genre Black Metal dans lequel vous évoluez donc : The Archer, Fjord and the Thunder… De quoi s’agit-il au juste ? On dirait un mélange thématique d’éléments mythologiques nordiques résumés sur la nouvelle illustration ?
C’est un album conceptuel, pas dans le sens traditionnel où tu as une histoire à travers les paroles de la première chanson à la dernière chanson, mais plutôt un concept en termes de monde sur lequel l’album est construit. On y retrouve les personnages et la philosophie qui appartiennent à ce monde mythique, morbide et oppressif représenté de différentes manières et symboliques. Toutes les paroles décrivent et parlent de ce personnage en y faisant allusion et donnent à l’auditeur un indice sur ce qu’est ce monde. C’est à l’auditeur de s’y rapporter dans le bon sens comme sur le morceau : « The Name of the Night is a Strong Tower ».

Avec un peu de recul, comment comparerais-tu ce troisième album studio à vos deux précédentes œuvres Erotik Necrosis et The Arcane Abyss ? Quelle évolution principale notes-tu ici à présent ?
Notre musique a toujours été complexe et diversifiée, mais je pense que cette fois-ci, nous avions un plan défini plus stable pour l’album. Nous avons commencé à travailler dessus avec une idée directe et précise de l’endroit où nous voulions emmener l’album. Je pense que les nouvelles chansons sont meilleures et plus complètes dans leur structure et leur expression musicale. On a travaillé plus en détail cette fois en accordant par exemple plus d’attention aux détails techniques. Le son du nouveau disque passe également à un autre niveau. Je pense qu’il est beaucoup plus riche mais en même temps, conserve cette vieille ambiance et intensité du Métal. C’est à la fois puissant et affreux ! (rires)

The Archer (…) a été enregistré au Vika Studio et au Malpherno Studio en Norvège, et a été mixé et masterisé par Tore Stjerna au Necromorbus Studio à Stockholm en Suède. Selon toi, quels sont les atouts du Necromorbus Studio et de travailler avec Tore Stjerna pour le mix et le mastering car le son est en effet génial, moderne et très efficace en gardant l’esprit de chaque chanson, comme un mélange d’approche old school et new school en fait ?
Tore connaît déjà le truc et a fait ses armes et ses groupes à travers les années et les âges du Métal et du notamment du Black Metal. Il est donc facile d’avoir des préférences pour lui car il associe les choses et les comprend. La communication est exceptionnelle et aussi sa compréhension pour répondre à nos demandes et désirs sonores. C’est aussi un batteur ce qui lui donne une bonne perception, une réelle profondeur et perspicacité dans la façon de faire un bon son de batterie qui soit à la fois puissant avec du punch et qui parfois flotte naturellement dans le mix sans prendre trop de place. L’une des premières impressions de Stjerna fut que nous sonnions comme un « jeune Emperor à ses débuts mais avec un bon batteur », ce qui fut pour nous une considération intéressante, et peut-être pas si loin de la vérité dans la façon dont nous pensons mais à quel point nous étions prétentieux pour obtenir le juste son sur cet album.

Quelques mots maintenant sur la chanson que j’aime beaucoup : « Wild Glorior Death »… Peux-tu la présenter et nous en dire davantage ? Les riffs sont vraiment bons et destructeurs !
Comme le titre le prédit, il s’agit d’un tour énergique sauvage d’une chanson, ses débuts lents avec la partie de guitare mélodique obsédante mais le tonnerre, témoin de l’épopée du feu de forêt, survient. C’est l’épicentre de l’album pour ainsi dire, c’est là que le scénario de l’album culmine vraiment et les choses entrent en collision avec « Wild Glorior Death ». C’est là que tout est détruit pour pouvoir à nouveau être reconstruit. La partie centrale est témoin des collisions entre les forces de ce monde malveillant et épique et les ténèbres stellaires… Dans cette chanson, comme disent mes paroles : « la maison et la tour en lien avec le ciel et les étoiles ébranlent vraiment le monde » ! (sourires)

Le dernier morceau de l’album, « Closure », quant à lui, apparaît en fait comme une outro et s’achève comme le début de l’album. Tu voulais faire un album conceptuel avec The Archer, Fjord and the Thunder ? Parfois, c’est difficile de réaliser ce type d’album et on peut vite tomber dans le piège et perdre l’auditeur… Est-ce la première fois que vous essayez de composer et d’écrire un concept album ?
La raison pour laquelle nous voulions terminer l’album comme avec le début est en fin de compte multiple. Tout d’abord, c’est juste une preuve manifeste que tout sur l’album a son sens, chaque détail possède sa signification. L’auditeur navigue sur le fjord dans les friches de la mort et des ténèbres, et l’album s’ouvre quand les auditeurs arrivent par un réveil où l’Archer tire sa flèche et envoie ses flèches d’énergie dans la maison et la tour. Quand l’album touche à sa fin, lorsque le voyage se termine, les auditeurs vivent la fin qui peut être considérée comme le début de l’album, soit vous revivez tout cela, soit le début était simplement votre fin en premier lieu ! C’est vraiment à l’esprit de l’auditeur. C’est la première fois que nous avons une histoire de concept solide avec un thème principal qui peint totalement l’ensemble du projet comme celui-ci. C’est très inspirant et ajoute une essence à ce tout qui rendant l’album encore plus excitant, plus profond et multicouche.

Avant de se quitter, je sais que votre guitariste principal Thomas Myrvold alias « Mattis Malphas » joue également dans Bloodsworn et Carpathian Forest. Quelles sont l’actualité de ces deux autres groupes ou projets parallèles ?
Malphas a joué mais ne joue plus dans Bloodsworn. Ce n’est même pas un groupe actif pour autant que je sache. Mais il joue toujours de la guitare, oui, pour Carpathian Forest. Leur groupe a enregistré son nouvel album et je suppose qu’ils le sortiront un jour à venir cette année. Je l’ai écouté et ça sonne comme un très bon vieux Carpathian Forest, quelque chose de vieux avec quelques surprises ce qui signifie un mélange typique de Carpathian Forest, de nécrophilie, du nihilisme, et du Black Metal old school.

Enfin, quels sont les projets pour Endezzma en 2021 ? Si la situation s’améliore et que la pandémie s’arrête, allez-vous faire une tournée pour promouvoir live The Archer, Fjord and the Thunder sur scène ? À quoi pouvons-nous nous attendre lors de vos spectacles ? J’imagine qu’ils seront très intenses à cause de votre soif de retourner jouer sur scène après toute cette crise de Covid-19 qui nous change toutes nos habitudes culturelles et d’expériences live (concerts, festivals, etc.) ?
Nous avions tellement de projets pour l’année dernière… Et pour celle à venir ils sont maintenant très incertains. Mais j’espère que nous pourrons bientôt voir la fin de cette foutue crise sanitaire et recommencer à pratiquer ce que nous prêchons. Nous avons des festivals et des tournées dans toute l’Europe et même une traversée de l’Atlantique pour aller sur les côtes nord-américaines aux États-Unis puis en Amérique du Sud. Nous tournerons autant que possible avec ce nouvel album. Nous avons faim et soif d’aller partir jouer en concerts sur les routes pour présenter The Archer Fjord And The Thunder à nos fans et notre public. Alors à bientôt, j’espère !

CHRONIQUE ALBUM

ENDEZZMA
The Archer, Fjord and the Thunder
Black Metal
Dark Essence Rec.

Passés le titre d’album stéréotypé et son joli artwork plutôt réussi, nous retrouvons l’ancien chanteur de Dim Nagel qui conte et vocifère ici des histoires morbides emplies de mythologie païenne. Les riffs de guitares du duo Nihil/Mattis Malphas (Carpathian Forest, Bloodsworn), d’une férocité redoutable (« Anomalious Abomination »), sont appuyés par des rythmiques et chœurs entraînants (« The Name Of The Night Is A Strong Tower »). Tel le marteau des enfers, Skriu pilonne ses fûts. Gage de qualité supplémentaire, The Archer, Fjord and the Thunder a été produit au Necromorbus Studio (Watain, Merrimack…). Avec ce brûlot noir, Endezzma a donc tout pour vous foudroyer sur place. Comme quoi les clichés nordiques ont la peau dure ! [Seigneur Fred]

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