KILLING TECHNOLOGY
Le livre ultime

C’est un objet emblématique de notre culture, que l’on croise à chaque coin de festival. Étendard perso, la veste à patches à maintenant sa place dans les bibliothèques, pour un livre-hommage édité par Pedro Winter et son bien nommé Ed Banger Publishing. Car si l’on connaît le travail du bonhomme dans l’électro, on sait moins qu’il est aussi fan de Slayer ou Metallica ; ce qui l’a poussé à dire banco à l’auteur de ce Killing Technology.

[Entretien avec Melchior Tersen par Philippe Jawor]

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Comment en es-tu venu à photographier les vestes à patches ? J’ai cru voir un premier article sur Vice après le Hellfest 2014 ? C’était une commande ?

J’ai commencé à faire ces photos la première fois que je suis allé au Hellfest, en 2010 ; j’avais été accrédité pour un webzine pour lequel je travaillais à l’époque. C’est la première fois que j’allais à un festival de Metal, tout seul, comme ça, avec ma tente, et je ne connaissais pas vraiment cette culture de la veste à patches. J’ai trouvé ça assez fou, du coup j’ai commencé à prendre quelques photos, comme ça, et puis d’année en année j’ai continué à prendre ces photos, à m’y intéresser de plus près… Par la force des choses, ça s’est intensifié : je suis allé au Motocultor, au Fall of Summer, dans des festivals de Black à Paris, puis j’ai commencé à prendre en photo les vestes sur fond blanc, parce que je trouvais ça intéressant de faire ressortir l’objet : je prenais un simple drap, je le posais par terre, et c’était réglé. Au fur et à mesure je suis rentré là-dedans, j’ai voulu me faire ma propre veste, et j’ai commencé à acheter des patches. Beaucoup de patches. Je suis en train de faire ma huitième veste, en moins de deux ans.

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Comment as-tu procéder pour réunir autant de pièces ? Il paraît que tu passes beaucoup de temps sur eBay ; c’est ta seule source ?

J’ai acheté beaucoup de patches sur eBay, plus de 550 je crois. Ceux qui sont dans le livre sont à moi, mais on ne les a pas tous mis, parce que tout n’était pas forcément intéressant, ou il y a eu des choses qu’on n’a pas pu faire, comme mettre certains patches en pleine page, pour partir vers une espèce d’abstraction. J’aime bien l’idée de rendre hommage à l’objet, le mettre en lumière. Un patch, ça vaut quelque chose comme 3€, en moyenne, mais certains valent cher, non pas parce qu’ils ont été pensés pour être vendus cher, mais par leur rareté, la passion ; il y a un certain romantisme, là-dedans. J’ai fait pas mal de bonnes affaires au final, même si j’ai mis pas mal de sous quand même.

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Comment tu as choisis les « heureux élus » ? Il y avait des conditions à respecter ?

Quand j’ai commencé, je me concentrais essentiellement sur le Black et le Death, parce que c’est surtout par là – par le Death – que le côté merchandising est arrivé vraiment fort. Ça s’est donc articulé autour du Death, du Speed, aussi, mais il y a par exemple une page sur les patches Offspring, une autre avec Manson, Korn, Slipknot, des trucs comme Stratovarius, Gamma Ray ou Marillion, plus prog ; j’ai essayé de faire un panorama, déjà de ceux que je trouvais jolis, en me concentrant au début sur les officiels, tissés, datés, mais au fur et à mesure j’ai inclus tout ce qui était bootleg malaisien, chinois, mexicain, parce que j’aime aussi ce côté mal fait. C’est pour ça que je n’ai pas seulement mis des « belles » vestes ; j’en ai aussi mis des plus naïves, plus hasardeuses.

Il y en a une quinzaine que je n’ai pas réussi à mettre dans le livre, parce que je ne les ai pas trouvés, ou alors ils étaient trop cher. J’ai lâché 55 € pour un patch de Slayer que j’avais jamais vu, mais c’était un peu la limite que je m’étais fixée, parce que je n’avais pas envie de tomber non plus dans un truc élitiste.

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Et au niveau technique, comment tu travailles ? Les photos « live » sont faites à l’appareil photo, en est-il de même pour les patches ?

On m’a dit que j’aurais mieux fait de les prendre sur fond noir, mais je trouve que le fond blanc les met mieux en valeur ; le noir, ça aurait encore plus surchargé le truc. J’ai acheté un scanner pro, pour avoir la meilleure qualité possible, pouvoir tirer les patches en grand. Ça permet de voir le moindre détail, la broderie, le copyright. J’aime beaucoup cette idée de coudre à la main un objet qui a été fabriqué industriellement. C’est un peu archaïque, c’est aussi de là que vient le nom Killing Technology.

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J’ai envie de parler du livre en tant qu’objet, également : j’ai le sentiment que tu accordes beaucoup d’importance à cette manière de présenter ton travail. Il y a eu celui avec les t-shirts de metal qui a fait pas mal de bruit à l’époque, mais tu sembles avoir publié sur beaucoup d’autres sujets, que ce soit les salons de l’érotisme ou le PSG…

Killing Technology, c‘est un peu un truc bâtard, dans le sens où c’est un peu un livre de photos, un peu un livre d’archives. J’aime bien cette culture un peu américaine du livre de collections : il y en a qui y mettent toute leur collection des Simpsons, de Star Wars, y a un petit côté brocanteur que j’adore. Ça n’avait jamais été fait sur les patches, c’est un gros travail, et quand Pedro Winter m’a proposé d’éditer quelque chose, je m’y suis mis à fond pendant un an. C’est un objet assez pop, finalement, même si ça parle de metal.

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