PATRÓN : Le groove au service d’un Rock sexy !

PATRÓN

En ces temps de confinement et alors que « Patrón » sortira fin mai chez Klonosphere, le chanteur et principal instigateur de PATRÓN a pris le temps de revenir sur cette belle aventure, les featurings de rêve de l’album, le travail de groupe et les nombreuses musiques et ambiances à l’œuvre sur ce très bel opus. [Entretien avec Lo (chanteur, guitariste et claviériste) par François Alaouret – Photo : D.R]

Tu as pioché dans d’anciennes maquettes pour réaliser cet album éponyme. Dis-moi, il est plutôt sympa le grenier ! Tu as du réarranger ou réécrire beaucoup de choses pour la réalisation de ce nouveau projet ?
Tous les matins, j’enregistre des idées : des riffs de guitare, des lignes de basse, des beats… Y’a beaucoup de déchets, mais de tout ça je tire des tas d’ébauches de morceaux. Ensuite, ça peut me demander des années avant d’arriver à trouver la mélodie de chant qui va me satisfaire. Pour cet album, j’ai composé une grande partie des titres à la basse et aux claviers. A chaque album que j’écris, je me rends compte que je compose avec un instrument différent. Dans le cas présent, les riffs de basse drivent les morceaux et la guitare vient les enjoliver. J’ai eu une phase très productive qui a duré environ 6 mois. 6 mois, sous péridurale, où tout est sorti sans forcer, sans souffrir. C’est pendant ces 6 mois que j’ai écrit l’essentiel de l’album. Dans un coin de ma tête, je savais déjà que ça ne serait pas pour Loading Data. L’idée de monter un projet parallèle me travaillait depuis un certain temps.
Loading Data était en stand-by, le bon moment donc pour me lancer dans cette nouvelle entreprise.

Tu avais déjà l’album « Patrón » dans un coin de la tête, ou est-ce que les choses se sont subitement accélérées à l’écoute de ces maquettes ?
J’ai fait écouter les maquettes à quelques amis, dont l’avis compte beaucoup pour moi. Ils ont aimé. Certains m’ont même dit que c’était ce que j’avais écrit de meilleur jusque-là. Ça m’a motivé et convaincu qu’il fallait mettre ces titres au propre au plus vite. C’était l’occasion ou jamais de monter ce nouveau projet qui me trottait dans la tête depuis si longtemps. J’ai envoyé les tracks à Alain Johannes pour voir si ça l’intéressait de produire l’album. Il avait déjà produit le dernier album de Loading Data. Ça lui a plu. On a pris date. Je me suis envolé pour L.A avec Aurélien Barbolosi (guitariste, bassiste, batteur et que sais-je encore…), un copain de longue date, membre entre autres d’Aston Villa et 99LBS, et Thomas Bihoré, un pote vidéaste qui suit Loading Data depuis des années.

Tu as dit avoir fait appel à quelques amis pour t’accompagner sur l’album. Des amis comme Joey Castillo, Nick Oliveri, Barrett Martin, Aurélien Barbolosi et bien d’autres doit être très motivant, non ?
Quand j’ai pris l’avion pour Los Angeles, je savais seulement que je partais pour 2 mois. Je ne savais pas précisément comment ça allait se goupiller. J’avais confié à Alain la tâche de tout gérer. Avec lui, c’est toujours très relax. On savait qui allait venir jouer sur l’album, mais pas dans quel ordre. Finalement, le premier jour c’est Barrett Martin qui est apparu. Barrett est un batteur que j’affectionne tout particulièrement depuis mon adolescence. Je l’avais découvert grâce à l’album Above de Mad Season sur lequel il jouait aux côtés de Layne Staley d’Alice in Chains, Mark Lanegan des Screaming Trees, Mike McCready de Pearl Jam pour ne citer que les plus connus. C’était aussi le batteur des Screaming Trees. J’avais eu l’occasion de rencontrer Barrett lors d’un festival du côté de Joshua Tree, dans le désert californien, alors qu’il jouait avec les Mojave Lords, groupe de Dave Catching. On avait sympathisé et j’avais émis l’idée de l’avoir en guest sur un prochain album. Un an plus tard il débarquait chez Alain à Los Angeles pour enregistrer avec nous. Alain à la basse, Aurélien à la guitare, Barrett derrière la batterie et moi au chant. Nick et Joey ont enchaîné derrière.
Nick, je le connais depuis 20 ans et il avait déjà chanté et joué pour le dernier album de Loading Data, « Double Disco Animal Style ». Joey, on s’est croisé un paquet de fois. Il aimait beaucoup le dernier album de Loading, mais on n’avait jamais eu l’occasion de jouer ensemble. Je n’ai pas été déçu. Barrett et lui ont des jeux très différents. Barrett joue tout au fond du temps, un peu à la Bonham, tandis que Joey, c’est le click qui lui court après.
Tout s’est super bien passé, très détendu, bon enfant… On s’est bien marré. On a enregistré une quinzaine de titres au total, mais on n’a gardé que 11 titres pour l’album. Je me suis retrouvé comme un chef d’orchestre, à « diriger » tout ce petit monde au mieux, sous l’œil avisé d’Alain. C’était intimidant, mais aussi très grisant.

On sent une belle complicité entre vous tous sur l’album, alors qu’ils viennent tous d’horizons musicaux assez différents. Comment s’est passé cette collaboration et ont-ils pour certains participé à l’écriture, ou aux arrangements ?
On s’est tous très bien entendu et on a passé un très bon moment. Je suis arrivé avec mes démos. Tout était écrit, des mélodies vocales jusqu’aux beats de batterie en passant par les riffs de guitare et les lignes de basse. Ensuite chacun y a mis sa patte, son feeling, et ça a pris une toute autre dimension. Y’a pas à dire, le toucher d’un vrai batteur ça sonne bien mieux qu’une batterie programmée. Alain a amené un tas d’idées d’arrangements, et des solos de guitare comme lui seul sait les jouer. Alain aime bien la spontanéité et affectionne le naturel des premiers jets. C’est pour cette raison entre autres que j’aime bosser avec lui. Je n’aime pas les enregistrements trop léchés où rien ne déborde, rien ne bave où on passe la journée sur un refrain, à refaire 300 fois la même prise. J’aime bien quand il reste une note imprévue par-ci, un bruit de fond par là, une petite imperfection qui va cristalliser un instant précis dans un morceau. Il était assez friand du rendu de mes démos donc il a cherché à reproduire un son similaire, mais plus gros, tout en parfaisant l’ensemble. On a même gardé certaines pistes de mes démos sur quelques titres de l’album.

Et puis, il y a le studio ! Et « Patrón » est le dernier album à avoir été enregistré dans le mythique studio 11AD d’Alain Johannes de Queens Of The Stone Age. Cette belle opportunité vient embellir cette déjà très belle aventure…
Oui 11AD. Plus qu’un studio…. Une maison, en plein centre de L.A. Celle d’Alain Johannes, membre trop méconnu des Queens of the Stone Age, de Them Crooked Vultures, du Chris Cornell band et tant d’autres. Même les Red Hot Chili Peppers ne seraient pas ce qu’ils sont aujourd’hui sans lui. C’est lui qui a appris à Flea à jouer de la basse. Sa maison/studio se trouve à deux pas de Melrose bd, en plein quartier résidentiel de Fairfax. Imagine toutes les portes et fenêtres grandes ouvertes, Joey qui bourrine sur les fûts, Nick qui fait gronder les bas-mediums de sa basse et tout le voisinage qui en profite. Et tout ça fait bon ménage. De temps en temps t’as quelqu’un qui se gare devant la maison et qui débarque dans le salon sans prévenir. C’est Josh Homme, Tal Wiklenfeld, Joe Barresi et j’en passe… Une maison mystique, où esprits, souvenirs, instruments du monde entier et disques d’or se côtoient, un bâton d’encens qui se consume inlassablement en arrière-plan. Dès que tu fais une pause entre deux prises et deux verres de vin rouge, Alain va prendre un instrument que tu n’as jamais vu de ta vie, dont tu ne connais ni l’origine, ni le nom, et va se mettre à en jouer. Il joue de tout. C’est un virtuose et c’est aussi sa façon de communiquer quand il est fatigué et qu’il n’a plus envie de parler. Il va se mettre à jouer un truc et libre à toi de l’accompagner ou juste de l’écouter. Un coup, c’est au sax, le coup d’après, c’est la clarinette, ensuite il va s’asseoir devant son piano à queue et se lancer dans une impro jazzy, ou alors il prend une flûte amérindienne à bec double, une guitare, un de ses cigar-box, un Guzheng, etc etc…
Cette maison a vu passer beaucoup de beau monde et beaucoup de groupes y ont enregistré. A commencer par Eleven, le groupe d’Alain, feu Natasha Shneider et Jack Irons. Mais aussi Chris Cornell, No Doubt, les Eagles of Death Metal, Brody Dalle, Mark Lanegan et j’en passe… On a eu la chance de pouvoir enregistrer le dernier album en date de Loading Data là-bas et maintenant de tourner la page et de fermer pour toujours le chapitre 11AD aux côtés d’Alain pour le premier album de Patrón. Ca a été un moment très fort en émotions, qui a de façon inconsciente, certainement coloré l’atmosphère générale de l’album.

Revenons à l’album. Musicalement, il traverse plusieurs décennies et paraît pourtant intemporel et terriblement actuel. Comment l’expliques-tu ?
Ha. Intemporel ? Tu trouves ? Quand j’étais petit, à la maison on écoutait surtout du jazz. J’ai grandi aux Etats-Unis dans les années 80 et en voiture j’écoutais beaucoup la radio. A l’époque, c’était l’explosion du rap et du breakdance. J’adorais ça. Mais c’était aussi le phénomène Michael Jackson dont j’étais très fan. A ça t’ajoutes une pincée de Cindy Lauper, Hall & Oates, Kim Carnes, Laura Branigan, Men at Work et toute cette variété un peu kitsch des années 80… ça reste mon pêché mignon. Ce que j’écoutais de plus rock c’était probablement Bruce Springsteen et In the Army Now de Status Quo. C’est à l’ère du grunge au début des années 90, avec Pearl Jam, Soundgarden et Alice in Chains que j’ai commencé à écouter des trucs un peu plus hard. Puis ensuite, j’ai découvert les Doors, Led Zep, The Stooges, Neil Young… A l’époque, si tu voulais découvrir des trucs, et autre chose que ce qui passait sur MTV, fallait acheter des disques et parfois juste au feeling. Parfois t’aimais un titre mais le reste de l’album ne te plaisait pas forcément. Mais quand tu claques toutes tes économies dans des disques parce que les pochettes te plaisent, ou que tu sais qu’untel joue dessus, même si de retour chez toi, au premier abord t’es pas conquis par ce que t’entends, tu te forces à écouter encore et encore et tu finis par aimer.
J’écoute beaucoup de choses. C’est vrai que j’adore le jazz et la musique des années 80 mais ça ne m’empêche pas d’adorer Kyuss, les Ramones ou Can. Sans parler des crooners, d’Elvis à Frank Sinatra. C’est sûrement le mélange de toutes ces influences qui le rend intemporel.

« Patrón » pourrait aisément servir de bande originale à un film de Tarantino ou de Roberto Rodriguez. On a déjà du te faire la réflexion, mais on y retrouve ce même côté irrévérencieux, sexy et groove…
Haha. Oui, y’a un côté cinématographique dans certains des titres. J’imagine bien l’album comme bande-son d’un film Grindhouse. On a eu un tas d’idées pour des clips mais ça demandait un budget digne d’Hollywood pour les tourner. Il nous fallait une ville fantôme perdue au fin fond du désert, un drive-in theater, des vieilles bagnoles américaines, des ovnis, des monstres, des aliens, des explosions, des cascades, des carambolages, des effets spéciaux en tous genres… Autant te dire qu’on n’avait pas le budget. Du coup, je cherche encore des idées, plus modestes cette fois, mais j’ai tendance à très vite repartir dans mes travers, et je me retrouve avec des scénarios qu’on ne peut malheureusement pas se permettre de réaliser.

Avec un tel album et un tel groupe, on s’attend forcément à voir PATRÓN sur scène. C’est prévu ? Quels musiciens seront de la partie ?
On a fait 4 dates jusqu’ici, dont 3 en première partie d’Alain Johannes lors de sa dernière tournée. On devait remettre ça à ses côtés en Avril 2020 mais avec l’arrivée du Covid 19, tout a été chamboulé et reporté à la rentrée. On n’a pas encore les dates. Ni Joey, ni Barrett, ni Nick ne seront de la partie. Nick entre les Dwarves et Mondo Generator, Joey avec The Bronx et Zakk Sabbath, Barrett entre les livres qu’il écrit et ses divers groupes comme Tuatara et the Barrett Martin Group, les emplois du temps sont beaucoup trop chargés. Du coup, j’ai monté une équipe ici en France pour défendre le projet. Aurélien Barbolosi à la guitare, comme sur l’album, Simon Lemonnier, un jeune mais néanmoins excellent batteur qui a le vent en poupe, ainsi que Rob « Bobby Yikes » Hudson, un guitariste Australien qui vit en France depuis quelques années et qui a endossé pour l’occasion le rôle de bassiste. Et moi au chant et à la guitare.

Pour conclure, un petit mot de Loading Data, dont tu es le frontman. Le groupe est en stand-by du fait de ton actu ?
On me demande beaucoup si Loading Data a splitté. Je vous rassure, Loading Data n’est qu’en hibernation. Louise, la bassiste tourne pas mal de son côté. Elle joue entre autres avec Decline of the I, groupe de Black Metal et Robin le batteur est débordé. Il est par monts et par vaux en tant qu’ingé-son. Il gère le son à Beaubourg et s’occupe de sonoriser des groupes comme Rendez-vous par exemple. Mais son taf le plus prenant reste celui de jeune papa. Pour moi, la priorité va être d’emmener PATRÓN sur la route, d’autant qu’on vient de signer chez SOZ Concerts, une boîte de tour basée aux Pays-Bas. Reste à savoir quand ce foutu virus va bien vouloir dégager la voie.

PATRÓN
PATRÓN
Rock/groovy stoner
Klonosphere/Season Of Mist
★★★★★



Chaud comme la braise, ce nouveau projet de Lo, frontman de Loading Data, est une créature musicale chimérique. Plusieurs décennies se croisent à travers un album qui pourrait aisément servir de bande originale à un film de Tarantino ou de Roberto Rodriguez.
La voix chaude et suave du chanteur est un véritable envoûtement (« The Maker », « Seventeen ») et le casting de Patrón est aussi exceptionnel que le lieu où il a été enregistré. C’est à Los Angeles, dans le mythique studio 11AD d’Alain Johannes (Queens Of The Stone Age, Eleven, Chris Cornell Band…), que le Français a posé ses bagages. Et la magie opère dès les premières notes. Il faut aussi dire que sont réunis Joey Castillo (Danzig, Q.O.T.S.A., …), Nick Oliveri (Kyuss, Q.O.T.S.A., Mondo Generator), Barrett Martin (Mad Season, Screaming Trees…), Aurélien Barbolosi (Aston Villa), Monique St Walker (Blackbird Days) et quelques autres… Les neuf morceaux sentent bon le R-rock ’n’ roll endiablé des fifties, fondu dans le Stoner (« Around My Neck »), le rock lourd et pesant (« Jump In The Fire ») ou la pop estampillée 80’s (« Very Bad Boy »). Les mélodies entêtantes reposent sur des riffs tendus et brûlants, pour servir un groove sexy et dansant. [François Alaouret]

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