SETH
Il est venu le temps… de l’Antéchrist ! (1ère partie)

Après l’album live anniversaire Les Blessures de l’Âme : XX ans de Blasphème, Seth avait réveillé les nostalgiques de black metal français des années 90 que nous sommes, mais aussi piqué la curiosité des néophytes. Le sextet bordelais fut en effet l’un des précurseurs sur la scène à s’exprimer dans la langue de Molière dès son premier album culte en 1998 (après son premier EP By Fire, Power Shall Be… qui lui était en anglais toutefois). Sous l’impulsion de son chanteur Saint Vincent, grand bien leur a pris d’offrir une suite, La Morsure du Christ, à la fois décadente et provocatrice, où l’on retrouve ce sens raffiné du black metal à la française… [Extraits d’entretien avec Heimoth (guitare) et St Vincent (chant) par Seigneur Fred – Photos : DR]

Quelques mots en premier lieu si vous voulez bien à propos de votre album live Les Blessures de l’Âme : XX ans de Blasphème paru en 2019 chez Les Acteurs de l’Ombre que nous avions chroniqué sur notre site internet. Où avait-été il enregistré car on voyait St Vincent, je crois, sur la pochette derrière un autel d’église, et comment est venu ce projet car c’était une belle réussite, je trouve ?
Heimoth : Cet enregistrement live, en fait, n’était pas prévu au départ. On jouait au festival des Feux de Beltane (en Bretagne) organisé par Les Acteurs de l’Ombre. C’était la troisième fois que nous donnions ce set dans le cadre du 20ème anniversaire de notre premier album Les Blessures de l’Âme. Gérald du label LADLO nous a proposé de l’enregistrer et de le publier, on a réfléchi et on a dit OK. Voilà, cette initiative vient d’eux. On a donc sorti cet album live anniversaire. Mais la pochette qui figure a été prise en photo lors d’un concert de Seth à Montréal, dans le cadre d’un autre festival nommé La Messe des Morts qui a lieu chaque année dans cette église québécoise.

Seth se produit donc à l’étranger et s’exporte avec la langue de Molière, et forcément dans les pays francophones ?
Heimoth : Oui, en général, on part tourner tous les deux ans environ, notamment à l’étranger. Au Québec, on y va depuis une dizaine d’années déjà. On avait commencé en 2014, etc. Entre-temps, The Howling Spirit était en anglais.
St Vincent : On s’est déjà produit aussi dans la partie canadienne non francophone, à Toronto et Ottawa par exemple, et on a une réponse folle du public quand on a joué là-bas.

Un nouveau guitariste a intégré les rangs de Seth, et pas des moindres puisqu’il s’agit de Drakhian (ex-Loudblast). Cela doit le changer tout de même de la bande à Stéphane Buriez car c’est pas le même trip avec Seth, non ? Il s’est bien intégré et adapté notamment sur le nouvel album La Morsure du Christ ?
Heimoth : Tu sais, il vient déjà de la scène black à la base et c’est un guitariste typé black metal. Il jouait auparavant dans Griffar au côté de notre batteur Alsvid (ex-Enthroned), et les line-up se croisaient souvent entre Seth et Loudblast. Il n’y a donc eu aucun problème. En plus c’est un grand fan des Blessures de l’Âme. Une place était à prendre à la guitare suite au départ convenu avec Cyriex, alors on se réjouit de l’avoir. Et il s’avère que le premier album que l’on fait avec Drakhian, La Morsure du Christ, est justement la suite…

Heimoth, tu avais prévu cette suite aux Blessures de l’Âme depuis longtemps ? Comment est née l’idée et quand a été composé La Morsure du Christ ? D’ailleurs Drakhian a-t’il pu participer à sa composition aux guitares ?
Heimoth : En fait, on n’a pas pu finir officiellement notre tournée anniversaire des vingt ans des Blessures de l’Âme, et on a décidé de s’orienter artistiquement sur cette suite, en composant dans l’esprit de notre premier album, sous l’impulsion de St Vincent qui voulait absolument revenir aux Blessures de l’Âme. Voilà. On a donc assumé de faire une suite authentique, vingt-trois ans après, de la même manière, mais le nom, lui, est venu plus tard avec l’incendie de Notre-Dame le 15/04/2019 qui symbolise, selon nous la fin de la chrétienté dans notre monde rationnel actuel.
St Vincent : Heimoth, toi, tu as composé toute la musique, quant à moi, j’en ai écrit toutes les paroles en alexandrin sur lesquelles j’ai extrêmement travaillées, et les parties de claviers ont été composées par Pierre Le Pape.

D’ailleurs, je n’ai pas bien saisi le rapport direct entre Les Blessures de l’Âme et la pochette anti-chrétienne de La Morsure du Christ, vous pouvez nous expliquer rapidement car on pourrait croire la démarche opportuniste ?
St Vincent : Trois raisons à cela. Premièrement : étant donné que l’on se replonge dans Les Blessures de l’Âme datant de 1998, on a voulu insuffler ce même état de l’esprit de l’époque avec cette église qui brûle… Deuxièmement : on revient aux sources du Black Metal français pour lequel on est souvent considéré comme l’un des pionniers, alors on a voulu mettre en avant ce symbole français. Notre-Dame étant un monument du patrimoine français. Enfin, troisièmement : cet accident historique illustre à merveille la fin de la spiritualité dans notre monde contemporain et rationnel qui pourtant évolue mais où les croyances demeurent encore…

Comment avez-vous vécu et réagi le jour de cet évènement justement lors de l’incendie de Notre-Dame ? En tant que Français déjà, et d’un point de vue spirituel mais aussi plus matériel, car finalement le monument appartient à l’État et non à l’Église catholique si vous êtes sensible au patrimoine et à l’histoire, la culture française, vous n’avez pas été touché même si tout cela ne fut finalement que matériel et sans blessé mais quand on a vue l’arrivée de dons massifs du public, croyants ou non, mais aussi de grandes sociétés du CAC40 pour parfaire leur image ?
St Vincent : Si on a voulu immortaliser ce moment avec cet artwork de La Morsure du Christ, c’est justement pour montrer clairement qu’il y a un avant et aura un après cet évènement qui a marqué les consciences populaires et spirituelles. On peut comparer un peu cela à la tragédie du 11/09/2001 à New York.
Heimoth : Oui, je pense qu’il y a comme un transfert dans les consciences collectives, et ce, dans le monde entier, avec les attentats du 11 septembre aux États-Unis. Immortaliser ce moment-là permet de marquer alors les esprits. St Vincent : Cependant, je crois que l’on ne peut pas dissocier le monument de la religion. Il n’y a pas deux aspects, un matériel et l’autre spirituel, les deux se confondent dans cet évènement symbolique que l’on met donc en avant ici.

CHRONIQUE ALBUM

SETH
La Morsure du Christ
Black Metal
Season of Mist

Après avoir célébré vingt ans de blasphème avec l’album live Les Blessures de l’Âme paru chez Les Acteurs de l’Ombre Prod. il y a déjà deux ans (mais enregistré en 2018), voici la suite lyrique directe du premier album culte de Seth. La Morsure du Christ n’est donc pas conçu ni chanté en anglais comme The Howling Spirit, l’avant-dernier album studio des Black Metalleux français. L’attente fut longue mais en valait la chandelle. Ce précurseur de toute une scène francophone réussit à nous emmener dans sa croisade maléfique (symbolisée ici par l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris du 15 avril 2019) à travers une production sonore contemporaine (studio Sainte Marthe à Paris). Si les riffs black de Heimoth, guitariste originel, et de Drakhian (ex-Loudblast) s’avèrent classiques, c’est pour mieux justement coller à l’ambiance des Blessures de l’Âme d’il y a vingt ans tout en sonnant plus puissamment aujourd’hui. Et que dire de la performance vocale de Saint Vincent, digne héritier du Vicomte Vampyr Arkames, totalement habité et audible (chose rare dans le genre), où l’on apprécie ainsi pleinement son dur travail d’écriture en alexandrin. Le sextet bordelais semblait avoir quelque peu disparu ces derniers temps de la scène Black européenne, mais en fait il était toujours là, tapi dans l’ombre. Plus de vingt-ans après, nous célébrons donc ce retour discographique d’extrême qualité et plein de mordant. Seth, ou la black touch dans la langue de Molière. La classe ! [Seigneur Fred]

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