SULPHUR AEON : La revanche du scythe

Formée seulement en 2010 dans l’ouest de l’Allemagne (Rhénanie du Nord–Westphalie) et déjà auteure d’un EP et trois albums désormais, cette formation d’outre-Rhin nous a rapidement séduit avec son Death Metal occulte et léché. Si leur premier album avait frappé fort en la révélant sur la scène nationale, les deux suivants dont le petit dernier paru fin 2018, The Scythe Of Cosmic Chaos, ont permis à Sulphur Aeon de s’affirmer davantage sur la scène européenne derrière les ténors du genre que sont Behemoth ou Belphegor pour ne citer qu’eux, et ce malgré les critiques… [Entretien avec T (guitares, basse) et M (chant) par Seigneur Fred]

Sulphur_Aeon_photo#04

En 2015, votre précédent album, Gateway To The Antisphere, a reçu des critiques moins élogieuses de la part des fans et de nos confrères dans la presse en comparaison avec votre tout premier album Swallowed By The Ocean’s Tide qui avait à l’époque fait forte impression en 2013. Certains déclarèrent alors que ce second album était assez inégal et moins réussi dans son ensemble. Avec du recul à présent, quel est ton avis à propos de Gateway To The Antisphere, quatre ans après sa publication ?

T : Il y aura toujours des gens pour se plaindre à propos de quelque chose et critiquer, mais je pense que les réactions pour Gateway (…) furent vraiment géniales en fait ! Certains auditeurs ont préféré notre premier album à nos débuts, d’autres le second. Les goûts en musique, c’est tellement une chose individuelle et propre à chaque personne. De toute façon, je suis toujours totalement satisfait de cet album et heureux avec chacune de nos sorties de disques.

Depuis, il semblerait que vous avez donc préférer prendre votre temps pour composer et écrire cette nouvelle œuvre nommée The Scythe Of Cosmic Chaos… Avez-vous ressenti une certaine pression après l’album Gateway (…) justement, avec le fait d’être encensé et marketé par votre label en tant que « l’institution la plus ambitieuse et importante du Death Metal en Allemagne », rien que ça ?! (rires)

T : Je n’ai pas ressenti de pression particulière de l’extérieur du groupe. Une fois que les idées ont commencé à naître, j’ai su qu’il y aurait alors un troisième album, il a juste fallu du temps jusqu’à tout soit assemblé et sonne bien. Et pour être honnête, je me moque bien de comment les gens nous définissent. Nous ne faisons pas Sulphur Aeon pour répondre aux attentes de quiconque, mais des nôtres. Et je suis très reconnaissant que nous ayons le soutien total de notre label Ván Records pour réaliser notre vision.

Entre 2015 and 2018, que ce soit en tant que première partie ou bien tête d’affiche, avez-vous pu tourner autant que vous le souhaitiez afin de promouvoir votre précédent album Gateway To The Antisphere ? Si oui, avez-vous pu partager des choses dans la musique et apprendre grâce à l’expérience de la scène professionnellement parlant, que ce soit dans la technique ou la composition ?

T : Nous n’avons pas encore fait de véritable tournée jusqu’à présent, simplement quelques concerts ici ou là et des participations à des festivals. Nous ne voulons pas jouer régulièrement, mais plutôt en faire quelque chose de spécial. Et les concerts n’ont pas d’influence sur mon écriture. Mais c’est certain que nous avons grandi ensemble en tant que groupe dernièrement, mais je suis loin de dire que nous sommes des professionnels en la matière.

A présent, parlons de votre passé et de vos influences. Quelles sont vos principales influences musicales selon vous ? Plutôt la scène Death Metal américaine (Morbid Angel, Nocturnus…) ou bien européenne (Behemoth, Belphegor…) ? Appréciez-vous uniquement le Death Metal car j’ai noté pas mal d’éléments Black Metal ou Heavy dans votre musique, que ce soit dans les atmosphères ou bien certaines mélodies de guitares plus typiques de la scène Black/Death Metal suédoise des années 90 ?

T : Morbid Angel et Behemoth constituent tous deux une grande influence pour ma part, mais beaucoup d’autres groupes des premiers jours du Death Metal. En fait, tous les inventeurs d’un style ou d’un genre qui leur est propre, je dois dire. Je ne peux te dire lequel précisément a eu le plus d’impact chez moi. Tous ceux-là m’ont inspiré et m’inspirent encore avec les années, voilà mon héritage musical… De nos jours, je dois avouer que je ne trouve pas tant de nouveaux groupes de « Pure Death Metal » qui me bottent vraiment. Mais j’ai toujours été aussi un grand fan de Black Metal en effet, trop même ! (rires) Et aujourd’hui, la plupart de la nouvelle musique que je découvre, explore, et admire, appartient à ce genre. Sinon aussi, j’aime bien les mélanges de tous ces genres : Black, Death, Dark Metal, etc. L’un des groupes les plus importants en la matière pour moi est Dissection, et d’ailleurs, il y a souvent discussion pour savoir si c’est plus Black ou Death Metal…

M : Mes influences viennent principalement du Black Metal des années 80 et 90, mais aussi d’une grande partie des groupes de Heavy Metal traditionnel. La gamme de voix idéale pour laquelle je me débats et essaie d’atteindre se situe quelque part entre Black Winds, Holocausto, Wagner Antichrist et certains chanteurs de prédilection tels que Johan Längquist et Robert Lowe. J’ajouterais également King Diamond, mais je ne chanterais jamais comme ça… peut-être que je le ferais… si je pouvais, ce serait terrible ! (rires)

Est-ce facile justement pour Sulphur Aeon jouer du Death Metal en Allemagne, bastion du Heavy/Speed Metal mélodique et du Thrash ? Parce qu’à l’exception de grands groupes comme Morgoth, Purgatory, Crematory qui a vite évolué vers des sonorités Gothic Metal, ou Lay Down Rotten, l’Allemagne a longtemps été discrète en matière de Death Metal…

T : Je pense que l’on a une scène vraiment vive et solide de nos jours. Il y a de nombreux concerts ici et là, des festivals plus extrêmes d’ailleurs. Alors peut-être que oui, c’est plus facile à présent pour des petits groupes comme nous de jouer cette musique ensemble au côté de groupes internationaux plus établis contrairement à il y a vingt ans ou trente ans.

Où avez-vous enregistré ce nouvel album The Scythe Of Cosmic Chaos ? Vous possédez votre propre home studio ou bien vous avez fait appel à un studio d’enregistrement réputé grâce à l’appui de votre label ? Le son est puissant et très propre.

T : Nous avons enregistré au studio de Michael Zechs près de Munich cette fois. Lui et notre producteur de longue date Simon Werner avaient travaillé ensemble sur notre précédent album. Je ne dirais pas qu’il s’agit d’un studio très connu mais c’est un chouette endroit pour y enregistrer un album avec tout ce qu’il faut. Nous avons passé beaucoup de temps à trouver les bons sons cette fois, tous ces détails et arrangements, que ce soit au niveau des guitares, à la basse, les effets et claviers, la batterie, etc. Nous avons passé bien plus de temps sur The Scythe Of Cosmic Chaos que les deux albums précédents. Et ce fut la première fois que je ne jouais pas de la basse grâce à l’arrivée de notre nouveau bassiste S en 2018. Je pense qu’au final, nos producteurs ont vraiment un boulot fantastique. Cela sonne exactement de la manière dont les chansons ont besoin. Il s’agit là d’un nouveau pas dans notre évolution musicale. Comme à chacun de nos albums, on a le son idéal pour l’album en question. Selon moi, il est inutile de répéter ou de fixer des limites.

Mais certains fans trouvent déjà que ce troisième album sonne trop propre justement… Disons que vous pratiquez un Death Metal excellemment produit faisant presque perdre l’essence brutale, sombre, et sale qui définit à l’origine le Death Metal. Quelle est votre opinion à ce sujet ? Avez-vous eu recours aux nouvelles technologies actuelles avec des logiciels tels que Pro Tools et Guitar Pro en studio afin d’avoir le meilleur son possible lors du mixage ?

T : Pro Tools n’est plus vraiment une nouvelle technologie car c’est ce que la plupart des groupes de musique utilisent de nos jours en informatique de studio. Je ne crois pas qu’il y ait encore beaucoup d’artistes et groupes qui enregistrent encore en analogique sur bande. Et je ne pense pas non plus que notre nouvel album The Scythe Of Cosmic Chaos sonne trop propret, franchement… Mais chaque auditeur a sa propre opinion et ça va, c’est ok pour moi aussi. Et à vrai dire je me moque bien des gens qui pensent que quelque chose doit être ou ne doit pas être ainsi. J’aime quand c’est brut et les productions spartiates enregistrées à la cave si ça colle bien avec la musique, mais pour The Scythe Of Cosmic Chaos, ça ne fonctionnerait pas de toute façon.

A propos des paroles, de quoi parle The Scythe of Cosmic Chaos ? En général votre inspiration se plonge dans les écrits de H.P. Lovecraft. Qu’en est-il sur ce nouveau disque ?

M : C’est un mélange de Lovecraft, oui, et de Donald Tyson qui a fait d’admirables travaux sur le vaste univers qu’a créé H.P. Lovecraft justement. Cette fois, la pochette de l’album et son titre ne coïncident pas tout à faire comme ça l’était sur Gateway (…). La pochette représente une scène tirée de The Haunter of the Dark de Lovecraft dans laquelle la créature fantastique Nyarlathotep [NDLR : le Chaos Rampant selon Lovecraft] s’élève au-dessus de l’église abandonnée décrite dans l’histoire. Ce lieu se situe où le culte « Church of starry Wisdom » a opéré en secret. J’ai basé en fait les deux premiers morceaux de l’album sur cette histoire. Les deux autres morceaux suivants sont vaguement en partie basés sur ça aussi mais plus librement. Ensuite les chansons « Sinister Sea Sabbath » et « Lungs into Gills » plongent à travers une fiction d’un fan quelque part entre Shadows over Innsmouth, Call of Cthulhu et The Temple. Enfin « The Oneironaut (…) » parle d’une chambre d’où l’on pourrait être en mesure de rêver un voyage à travers la méditation… Alors que le titre de l’album, The Scythe Of Cosmic Chaos, loue Azathoth, le créateur et destructeur.

En lien avec cet univers occulte, on trouve dans votre musique une multitude d’atmosphères menaçantes et sombres sur ce troisième album qui conviennent à merveille avec les thèmes évoqués. C’est là aussi que des éléments Black Metal surviennent que ce soit à travers des chants plus typés Black, des soli de guitares ou des claviers contribuant à créer cette ambiance dont s’inspiraient déjà par le passé certaines formations cultes de Black ou Death Metal dans les années 90…

T : Comme mentionné plus haut précédemment, j’ai toujours été un grand fan de Black Metal. Alors bien sûr, c’est normal que l’on retrouve cette influence plus ou moins dans mon style d’écriture et de composition. Après, peu importe ce qui rehausse l’atmosphère et rend la musique plus intense, je l’utiliserai… Il n’y a pas de frontière, à condition que cela ressemble à Sulphur Aeon. (sourires)

Connaissez-vous des groupes français d’ailleurs qui mélangent un peu comme vous Death et Black Metal, comme par exemple Arkhon Infaustus, Svart Crown, The Order Of Apollyon, ou bien encore tout spécialement The Great Old Ones inspirés par Lovecraft également ?

T : Je connais par exemple Svart Crown, mais je n’ai pas encore exploré leur musique qui est intense. Les autres groupes, je n’en connais que deux, seulement de nom. Ces autres groupes ne sont donc pas des influences pour moi.

Je fus surpris d’entendre parfois du chant clair sur certains titres comme sur les deux premiers morceaux de l’album. Est-ce là un hommage aux anciens albums de Morbid Angel où David Vincent chantait parfois en chant clair ( ) D’ailleurs, que pensez-vous de son nouveau départ de Morbid Angel ?

M : David Vincent fait définitivement partie de mes plus vieilles influences, mais pas vraiment pour les passages de chant clair par contre. En fait, indirectement, depuis la célèbre chanson « God Of Emptiness » justement, c’est peut-être là où j’ai véritablement commencé à écouter alors Morbid Angel… (sourires) Malheureusement, il a quitté une nouvelle fois Morbid Angel remercié par Trey Azagthoth avant que je sois en mesure de revoir le groupe en live. Je suis donc heureux d’avoir pu les voir live tout de même par deux fois dans le passé avant que le line-up ne rechange. Musicalement, Morbid Angel a cessé d’être important à mes yeux après l’album Domination. Honnêtement, je n’aime même pas Domination. J’ai toujours pensé qu’il avait l’air de s’ennuyer dessus…

Vos nouvelles chansons sont longues et plutôt complexes. Ce ne sera pas forcément évident à interpréter en live sur scène car il y a beaucoup d’arrangements faits en studio. A quoi peut-on s’attendre lors de vos prochains shows avec Sulphur Aeon ?

T : Nous avons déjà nos tenues de théâtre, notre toile de fond (backdrop), certaines bannières, notre logo, et bien sûr, un bon jeu de lumières et des fumigènes pour faire du brouillard, c’est important pour créer l’atmosphère particulière d’un spectacle de Sulphur Aeon. En quelque sorte, il y a un concept visuel… Et nous avons déjà joué le nouvel album au complet lors de la soirée de lancement, et les nouvelles chansons fonctionnent très bien en live ! Alors, pas de panique ! Le seul problème est qu’il sera de plus en plus difficile de choisir des chansons pour établir la set-list d’un concert avec désormais trois albums. (rires)

Pour conclure cet entretien, quand peut-on espérer alors vous voir par chez nous en concert ? Avez-vous une tournée européenne de planifier ? Allez-vous participer à des festivals cet été ?

T : Il y a des projets, oui, dans ce sens mais rien n’est confirmé à cette heure en dehors de l’Allemagne. Mais nous voulons vraiment venir jouer un peu partout à l’étranger si les conditions le permettent et si notre emploi du temps le permet aussi.

Chronique de leur dernier album « The Scythe of Cosmic Chaos » (n Rec.) à lire ici.

 

Sulphur Aeon

Publicité

Publicité