TRIPTYKON
Back into the pandemonium

Hasard des circonstances et du calendrier, le nouvel album/DVD Requiem (Live At Roadburn 2019) enregistré live comme son nom l’indique avec le Metropole Orkest l’an dernier aux Pays-Bas est sorti en pleine pandémie le 15/05/2020 (Prowling Death Rec./Century Media). Tom Gabriel Fischer alias « Tom G. Warrior » achève ainsi, mais sous le nom de Triptykon, son œuvre complète du Requiem entamée du temps de Celtic Frost en 1987 sur l’album culte et avant-gardiste Into The Pandemonium (Noise Rec.) avec son ami d’alors, le regretté bassiste Martin Eric Ain (R.I.P.)… Retrouvez aujourd’hui l’entretien intégral du légendaire guitariste/chanteur et co-fondateur de Celtic Frost ! Tout ce que vous avez voulu savoir sans jamais oser lui demander sur ce fameux Requiem, Celtic Frost et Martin Eric Ain, Hellhammer et la tournée hommage Triumph of Death en 2019, les projets et le futur de Triptykon bien entendu, mais aussi son ancien side-project de Métal indus Apollyon Sun, sa célèbre guitare Ibanez ICT Iceman customisée par HR Giger, sa relation artistique avec ce dernier, et bien d’autres news encore, le tout sans filtre, les yeux dans les yeux !! [Entretien réalisé par Skype le 08/04/2020 avec Tom Gabriel Fischer alias « Tom G. Warrior » (guitare/chant) par Seigneur Fred – Photo : DR]

Eh bien nous y voilà, Tom, à présent  en pleine pandémie (NDLR : interview réalisée durant le confinement général) comme tu l’avais intitulé étrangement sur ton second album de Celtic Frost en 1987 Into The Pandemonium ! Et tu reviens en 2020 avec ce Requiem live clôturant ce que tu avais entamé justement sur cet album culte où figurait la chanson « Rex Irae (Requiem) »… C’est troublant et plutôt ironique. Que penses-tu de la situation ?
Oui, c’est vrai, mais si tu regardes bien dans toute ma musique, mes chansons, mes paroles, depuis le début, le sujet sur le comportement humain et sa décadence sur notre planète est très fréquent dans mon travail. C’est l’un de mes principaux thèmes. Sur Into The Pandemonium, c’est vraiment représentatif de ce que je fais et si tu y regardes avec attention, j’évoquais ça à l’époque avec un angle légèrement ironique dans le sens où mon approche était assez critique sur l’Homme et ses actes. Cela est donc typique de ce que j’ai toujours développé d’un point de vue lyrique.

Pourquoi ne pas publier ce Requiem sous le nom de Celtic Frost étant donné que deux chansons sur trois sortirent justement sur des albums de Celtic Frost sachant que tu as les droits avec ton label Prowling Death Rec. en accord avec Century Media ?
Tout simplement parce que Celtic Frost n’existe plus depuis 2008 et n’existera plus jamais… Martin Eric Ain n’est plus là, ce ne sera donc plus jamais pareil. Celtic Frost ne pourra plus jamais se réunir de nouveau. Et puis simplement parce que c’est avec le line-up de Triptykon et un orchestre que nous avons enregistré ce concert en 2019 dans le cadre du festival Roadburn aux Pays-Bas.

Tom G. Warrior

La troisième partie de ce Requiem était « Winter » que l’on retrouve sur l’ultime album de Celtic Frost, Monotheist, mais il manquait donc cette partie centrale inédite que tu as interprétée live avec Triptykon pour la toute première fois. Cette seconde partie s’intitule « Grave Eternal » pour une durée de 32 mn ! Quand et comment précisément l’as-tu composée ? Victor Santura t’a-t’il aidé là-dessus ? Il t’a fallu en plus attendre le recrutement du batteur Hannes Grossmann (ex-Obscura, Alkaloid, Hate Eternal, projet solo éponyme…) arrivé en 2018 au sein de Triptykon pour le faire ? Dis-moi tout !
Oui, Bien sûr. On avait l’intention de faire une suite dès le départ, c’est-à-dire dès 1986 quand on a écrit la chanson « Rex Irae » qui était la première partie de ce Requiem sur Into The Pandemonium. Il y a toujours eu cet objectif de le finir afin de l’interpréter live sur scène dans sa globalité. Mais fin 1987, Celtic Frost se sépara mais quand on s’est  reformé en 1988, c’était différent. Il a fallu attendre véritablement notre reformation en 2001. Ce fut long et dur à anticiper mais l’idée était toujours là, de continuer et compléter ce Requiem. C’était ambitieux. Alors quand Celtic Frost splitta une nouvelle fois en 2008 après que la dernière partie « Winter » était sortie, j’ai donc formé Triptykon afin de prolonger le Celtic Frost de Monotheist à ma façon. J’avais donc l’intention de finir ce Requiem avec Triptykon du coup. J’en ai parlé à plusieurs reprises à l’équipe mais la question était : « Le ferons-nous à présent sur le troisième ou le quatrième album, etc. ? ». Finalement cela arrive maintenant sur ce troisième album de Tritpykon, et live car c’était le but initial. Concernant cette seconde et nouvelle partie elle-même, bien évidemment j’avais des choses en tête depuis longtemps, comment ce devait être… J’en avais le concept dans mon esprit, quelque chose de décadent… Par conséquent j’avais vraiment besoin de me poser et d’écrire, de décrire cela de manière contemporaine, dans le cadre d’une musique actuelle. En fait je savais depuis très longtemps ce que je voulais.
Concernant Hannes Grossmann, ce fut très difficile en effet de trouver le batteur que nous cherchions. Deux batteurs principalement correspondant à nos attentes ont postulé. On avait une certaine idée du musicien que l’on voulait, aussi bien d’un point de vue musical que sur le plan personnel. On ne voulait pas se retrouver dans la même situation que Celtic Frost l’a été à un moment donné, c’est-à-dire avec quelqu’un d’inapte personnellement dans un groupe professionnel. Il faut que la personne s’intègre dans le groupe, auprès de nos proches, nos familles, notre cercle d’amis, et pas seulement quelqu’un d’intéressé par l’opportunité d’être mis en lumière en jouant avec un groupe connu. Aussi, on devait savoir comment il ou elle jouait, à quoi il/elle ressemblait, etc. Bref, ce fut long et difficile… Ça a donc pris du temps. Techniquement on savait qu’Hannes se débrouillait plus que bien, mais l’aspect humain primait tout autant. En fait, Hannes fut la meilleure personne à tous les niveaux, voilà tout.

Oui, Hannes est un musicien à la fois technique mais aussi groovy, pas uniquement technique comme c’est parfois trop souvent dans le circuit Métal…
Hannes est tout simplement un génie à la batterie, d’après moi. Il est capable de tout jouer, apporter de l’émotion et du groove. Dans tous les cas, on est fier d’avoir l’un des meilleurs batteurs de la scène mondiale dans le groupe Triptykon à présent. Il est à la fois capable de jouer très techniquement, mais sait aussi apporter de l’émotion aux morceaux et du groove, ce qui convient parfaitement à Triptykon car parfois notre musique est primitive, mais aussi sophistiquée et notre batteur doit pouvoir et savoir combiner ces deux aspects qui caractérisent souvent notre style.

Est-ce que le guitariste Victor Bullock alias « V. Santura » (Dark Fortress, Noneuclid) et désormais célèbre producteur t’a aidé à composer et arranger cette seconde partie « Grave Eternal » du Requiem ou bien tu as tout composé tout seul dans ton coin ? Lors de l’interview récente de Dark Fortress en début d’année, Morean, le chanteur de ces derniers, m’a confirmé avoir participé de son côté aux arrangements et orchestrations du Requiem dans le mixage…
Oui, tout à fait. Morean fut en charge des orchestrations de musique classique sur Requiem, et  il avait déjà travaillé avec nous auparavant. En plus, il s’avère que c’est un bon ami depuis des années. Ce fut à vrai dire un privilège de travailler avec lui pour mettre au point Requiem. Je savais qu’il était sur la même longueur d’ondes que nous pour ce genre de choses. Quant à V. Santura, j’ai fait de lui le réalisateur de cette partie en fait, cela pour deux raisons. Comme tu le sais, il est producteur et ingénieur du son d’une part, on a déjà travaillé ensemble maintes et maintes fois, déjà du temps de la fin de Celtic Frost. J’ai coproduit avec lui les albums de Triptykon. Et il est en charge aussi du mastering. Je sais à quel point il travaille bien et est très professionnel. C’est du haut niveau avec lui. (rires). Donc V. Santura est le directeur musical sur cet album et Morean en charge des arrangements. À nous trois, on a donc conçu ce Requiem live. Et ils ont donc contribué tous deux au processus d’écriture et de composition du coup.

Line-up officiel de TRIPTYKON sur ce concert du Requiem live avec la chanteuse tunisienne
Safa Heraghi (2ème en partant de la droite)

Sur ce Requiem live, enregistré au Roadburn Festival en 2019 aux Pays-Bas, figure la nouvelle chanteuse d’origine tunisienne Safa Heraghi. Pourquoi ne pas avoir fait appel sur scène à la chanteuse allemande d’opéra Claudia-Maria Mokri avec qui vous aviez collaboré du temps de Celtic Frost sur les albums To Mega Therion (1985) et surtout Into The Pandemonium (1986-1987) sur la 1ère partie « Rex Irae » du fameux Requiem justement ou bien encore Manü Moan dont on entendant la voix à l’époque sur le mélancolique poème de Baudelaire « Tristesses de la Lune » en français… ? Il y a aussi Simone Vollenweider qui était invitée sur deux titres de Monotheist et que tu avais fait venir sur la scène du Wacken Open Air Festival en 2016… Bref, tu avais le choix mais tu as préféré Safa Heraghi, pourquoi ?
Alors reprenons ta liste si tu veux bien tout d’abord. Manü Moan est une chanteuse de Gothic Metal suissesse dont la voix n’a rien à voir avec la musique classique ici pour l’interprétation intégrale du Requiem. C’était une excellente chanteuse de New Wave si tu préfères, mais elle n’a pas la voix classique requise, et de toute façon elle n’est plus active depuis longtemps sur la scène musicale.
Quant à la chanteuse Claudia-Maria Mokri, c’était une chanteuse d’opéra stagiaire qui débutait à l’époque, en 1985-1986. Il faut bien voir là que cela remonte à longtemps et nous étions jeunes. Pour nous, ce fut une bonne collaboration à l’époque, très spontanée. Mais par la suite, Claudia-Maria Mokri (NDLR : qui collabora également avec Therion sur l’album Lepaca Kliffoth en 1995) a développé une certaine haine envers le Heavy Metal en général. Elle est revenue vers nous vers 2000 quand on s’est reformé avec Celtic Frost, exigeant à travers une requête d’être retirée des crédits pour sa collaboration sur nos albums To Mega Therion et Into The Pandemonium, Elle voulait purement et simplement être effacée sur tous les enregistrements qu’elle a pu faire. Mais c’était ridicule, les albums de Celtic Frost ont été distribués depuis durant plusieurs décennies dans tous les pays du monde, et réédités dernièrement. C’est un peu trop tard… Elle ne voulait plus avoir de lien avec le Métal en général et notamment Celtic Frost. Donc tu te doutes bien que du coup, avec ce contexte-là, on n’allait pas faire appel à ses services et il y avait peu de chance que Claudia-Maria Mokri chante sur Requiem… (rires ironiques) avec ce revirement. Sincèrement, on a été plutôt surpris et on n’a pas vraiment compris pourquoi son volte-face après tant d’années. À l’époque, on était même devenus amis, il faut bien comprendre que cette collaboration à l’époque est devenue légendaire, mais d’un seul coup elle ne voulait plus être associée à cela.
Pour Simone Vollenweider, ce fut une collaboration fantastique. On avait travaillé ensemble sur Monotheist en effet du temps de Celtic Frost, et l’avait invitée oui sur scène au Wacken Open Air Festival, mais il était temps de passer à autre chose. J’ai senti qu’il était temps d’explorer autre chose à présent. Tu sais, je n’aime pas me répéter dans un schéma et faire toujours la même chose. Je voulais essayer quelque chose de nouveau.
Alors pourquoi Safa Heraghi ? Elle avait déjà accompli une belle performance vocale avec Dark Fortress sur l’album Venereal Dawn en 2014, et je l’avais vu en concert avec eux à Zurich et l’avais trouvée géniale ! Après sa prestation live, je l’avais vu en coulisse et lui avais proposée une collaboration avec nous, non plus avec Celtic Frost, mais du coup Triptykon…

Sur les parties de guitare du long morceau inédit donc, « Grave Eternal », le solo joué par V. Santura relativement aérien avant le break central et planant (avant une fin sombre et décadente) m’a fait quelque penser à David Gilmour d’un certain Pink Floyd… C’est plutôt étonnant ici chez Triptykon, non ? (sourires)
Alors c’est en effet possible… À vrai dire j’ai laissé carte blanche à V. Santura sur cette partie-là au niveau des guitares. Je lui ai simplement dit ce que je voulais et attendais comme ambiance ou plutôt état d’esprit émotionnellement. Il a donc eu la liberté pour composer ce solo de guitare. Il est relativement long et apporte un certain souffle au milieu de ce long morceau lui-aussi…

À propos de la performance live et mise en scène de ce concert symphonique de Triptykon avec donc le Dutch Metropole Orkest aux Pays-Bas, est-ce que d’une manière ou d’une autre, les shows live enregistrés et publiés de Metallica par exemple avec l’Orchestre Philarmonique de San Fransisco (S&M2 sorti récemment et bien sûr S&M d’il y a 21 ans), ou bien celui de Satyricon, Live At The Opera, ont pu t’influencer sur l’interprétation et le rendu scénique de ton Requiem entamé du temps de Celtic Frost mais qui ne sort avec Triptykon qu’aujourd’hui ?
Tu plaisantes, Fred, j’espère ??! Celtic Frost commença à intégrer des parties orchestrales et à mélanger la musique classique au Métal bien avant cela ! Comme tu le sais, dès 1984 puis les années qui suivirent, comme sur Into The Pandemonium, on avait déjà des musiciens de musique classique, et les chanteuses dont on parlait.

J’entends par là, Tom, au niveau du show live avec l’orchestre surtout…
Je n’ai pas besoin de voir ce qu’ils font sur scène. Je me fous bien pas mal de la merde qu’ils donnent sur scène dans leurs concerts. Je m’en moque bien. Dès le départ pour Requiem avec la 1ère partie enregistrée en studio pour l’album Into The Pandemonium, l’objectif était de l’interpréter entièrement live avec un orchestre de musique classique. On a travaillé donc bien avant sur cette idée et ce genre musical. On a osé à l’époque réunir ces deux mondes et franchir les barrières alors que personne n’osait. D’ailleurs, nous nous sommes battus cœur et âme pour soutenir ces projets d’albums et ce Requiem pour arriver à cela. À l’époque, tout le monde s’opposait à cela sur la scène Métal, notamment les maisons de disques. Ils disaient que le public n’était pas prêt, bla-bla-bla, etc. Donc Metallica ou Satyricon sont arrivés avec cette idée de chœurs et d’orchestres bien après, et par-dessus leur musique, près de deux décennies après ! Donc question inspiration, c’est plutôt le contraire, c’est nous qui les avons inspirés ! (rires) Qu’ils aillent se faire foutre ! (en colère) Je n’ai rien à voir avec Metallica, tout spécialement depuis qu’ils ont intégré un activiste sur les droits des animaux dans leur meetings, histoire d’être à la mode du vegan, etc. Donc à tous les niveaux, je méprise ce qu’ils font…

Au sujet de l’artwork de Requiem (Live at Roadburn 2019), pour la première fois pour un album de Triptykon, tu n’as pas eu recours à une œuvre de ton ami H.R. Giger (R.I.P.) décédé malheureusement en 2014 car cela aurait fait le lien avec Celtic Frost aussi d’une certaine façon. Tu as choisi cette peinture de l’artiste italien Daniele Valeriani, pourquoi ? Le choix t’a dû être difficile, je présume…
Eh bien, en fait il y a une troisième pochette d’album de H.R. Giger qui était prévue pour Triptykon. Quand il était encore en vie, on avait, lui et moi, étudié et élaboré des artworks à partir d’un triptyque de ses œuvres donc pour les albums de Triptykon. Je me suis alors occupé du design du livret, de l’intérieur des albums et du poster inclus dans l’édition limitée. Il a validé et approuvé ça de son vivant. Mais on a décidé d’utiliser ce triptyque de H.R. Giger donc pour les albums studio de Triptykon uniquement. Alors pour Requiem, comme il s’agit d’un album live, je me suis dit qu’il fallait marquer cette différence d’album. Daniele est un ami italien à moi, en fait, depuis pas mal d’années. J’aime bien son œuvre et son art depuis longtemps. J’ai cherché à avoir les droits sur une œuvre représentant cet ange de sang, bien avant l’idée de sortir l’album live sous Triptykon. Je m’étais dit qu’on pourrait l’utiliser par la suite un jour, une fois les trois albums studio de Triptykon publiés à l’aide des œuvres de H.R. Giger (le fameux triptyque)… Ce projet Requiem est enfin devenu réalité, et on a tous trouvé dans le groupe que cela convenait très bien à cet album live, son esprit. Pour nous, c’était parfait donc pour ça.

TRIPTYKON WITH THE METROPOLE ORKEST Requiem (artwork by Daniele Valeriani)

D’une certaine manière, Tom, as-tu l’impression que le cycle entamé du temps de Celtic Frost s’achève avec cet album Requiem (Live at Roadburn 2019) de Tritpykon et ses trois parties réunies ici ? Te sens-tu comme libéré d’un poids avec le sentiment du devoir accompli après toutes ses années de carrière, mais aussi auprès des fans, et bien sûr vis-à-vis de ton regretté ami et partenaire Martin Eric Ain (R.I.P.) en fin de compte ? La boucle est-elle bouclée selon toi ?
(silence)… Bien sûr, oui, il y a une part de sentiment du devoir accompli avec cet album Requiem… C’est une entreprise commencée il y a très longtemps, du temps de Celtic Frost avec Martin Eric Ain. S’il était encore vivant, il aurait été très intéressé et ravi de le finir avec moi…, de l’enregistrer et l’interpréter live sur scène à mes côtés… Je ne peux avoir l’entière responsabilité de Requiem, mais en l’absence de Martin qui est mort, j’ai, oui, d’une certaine façon le sentiment du devoir accompli vis-à-vis de Celtic Frost et de lui. Cet album lui est dédié d’ailleurs… Mais d’un autre côté, j’ai dédié ma vie à cela, à la musique, et personnellement, j’ai la sensation d’être né avec le début du Requiem en 1986-1987, comme si cela avait vraiment commencé à ce moment-là et pris du sens. J’ai plutôt été chanceux et suis heureux que cela aboutisse à présent. Donner ce show en live l’an dernier, ce fut comme un concert bonus, extra, l’aboutissement de toute une histoire dans ma vie.

Y’aura-t’il d’autres représentations live de ce Requiem à l’avenir avec Triptykon ? Une tournée peut-être avec un orchestre ou bien c’est compliqué et trop coûteux ?
Pour ta question au sujet d’autres concerts, en effet, c’est très compliqué à organiser tant d’un point logistique que financier. C’est très coûteux, et je ne suis pas sûr que ce soit réalisable dans l’immédiat ni dans un proche avenir. On parle de quelques événements comme ça, d’autres lieux et occasions, mais bon… S’il y en avait, dans tous les cas il n’y aurait pas beaucoup de concerts donnés avec cette configuration. Et jouer le Requiem live de nombreuses fois n’aurait pas trop de sens non plus. Je n’imagine pas plus d’une ou de quelques-unes, ou alors pas du tout.

Parlons de tes autres side-projects ou anciens groupes maintenant si tu es d’accord. Quel souvenir gardes-tu de la tournée de reformation de Hellhammer effectuée sous le nom de Triumph Of Death l’an dernier ? Vous vous étiez produits au Festival Hellfest…
Oh, Triumph Of Death ne fut pas à proprement parler une tournée puisque nous nous sommes produits uniquement à quelques festivals dont le Hellfest l’an dernier. On parle d’une tournée d’ailleurs, on verra, tout dépend de l’évolution de la situation au niveau des concerts (NDLR : par rapport à l’épidémie de covid-19). Pour l’heure, il ne s’agissait donc là que de concerts individuels jusqu’à présent. La réaction du public a vraiment été fantastique, j’avoue, on en est vraiment reconnaissants d’ailleurs. Ce fut un grand plaisir de jouer avec ce groupe.

Là-encore tu aurais pu faire des concerts sous le nom de Hellhammer et non Triumph Of Death, pourquoi ?
Bien sûr je ne veux pas apparaître sous le nom de Hellhammer car Hellhammer n’existe plus. Du line-up original, il reste Steve « Savage Damage » Warrior mais il ne joue plus du tout de basse et a des problèmes personnels. Celui qui lui succéda en 1983 à la basse, Martin Eric Ain, alias « Slayed Necros », est mort comme tu le sais en 2017. C’est Mia Wallace qui assure ses parties mais ne peut le remplacer véritablement. Quant à Bruce Day alias « Denial Fiend », qui était autrefois le batteur, il est désormais moniteur de plongée et vit en Indonésie, donc tu vois… Je ne vais donc pas monter sur scène sous l’étendard Hellhammer car ce serait mentir au public. Il s’agit là comme projet de rendre hommage à Hellhammer avec respect et sincérité. On ne fait pas ça pour l’argent mais pour la passion et le plaisir. D’ailleurs dans nos contrats avec les promoteurs, il est bien stipulé que ce ne doit pas être utiliser tel quel même si beaucoup aimeraient le faire…

À propos de ton ancien projet Apollyon Sun dont le nom fut tiré d’une vieille démo de Celtic Frost, tu as sorti avec le batteur Marquis Marky (ex-Coroner) et le guitariste Erol Unala (ex-Celtic Frost) un unique album intitulé Sub en 2000 et deux EP’s qui donnaient alors dans le Cyber Thrash  Metal ou Metal Industriel, qualifierons-nous ici, novateur pour l’époque en plein essor de l’Indus. Pourrais-tu reformer ce projet demain ? Un nouvel album studio est-il envisageable ? J’aimerai bien une suite, moi ! (rires)
Je ne suis pas intéressé par ressusciter Apollyon Sun, navré. Je n’y vois guère d’intérêt aujourd’hui. Ce fut toutefois un projet très intéressant à l’époque. J’y ai découvert la programmation électronique (NDLR : même si un titre électro/Indus « One In Their Pride (Porthole Mix) » très avant-gardiste à la Ministry figurait déjà sur Into The Pandemonium en 1987). J’ai beaucoup appris en termes de programmation en studio à l’époque, et ce fut très enrichissant. Mais pour de nombreuses et diverses raisons, ça n’a jamais été plus loin. C’était bien quand même, mais c’est comme ça. Musicalement, je ne pense pas que ce fut si important. Et puis je ne vais pas ressusciter éternellement le passé et tous mes projets ! (rires)

Enfin, quels sont les projets pour Triptykon ? Travailles-tu déjà sur un nouvel album studio ?
Oui, bien sûr. C’est le projet suivant sur la table sur lequel on travaille. Ces deux dernières années ont été concentrées sur la finalisation du Requiem donc et son interprétation live ainsi que sur mon prochain livre qui devrait paraître et la composition d’un nouvel album. Maintenant que Requiem live sort, et que le livre est fini, on va pouvoir entrer bientôt en studio pour enregistrer le troisième album studio de Triptykon. C’est l’étape suivante. On va enregistrer cette année et j’espère qu’il sortira l’an prochain, mais un EP devrait sortir entre-temps cette année si tout va bien.

Et qu’en est-il de l’important projet de documentaire vidéo (DVD/Blu Ray) de Celtic Frost compilant des archives inédites, live, et diverses raretés avec un film sur l’histoire du groupe dont tu m’avais parlé en 2006 lors de notre rencontre au Hellfest Festival (Fr) à l’époque de Monotheist en compagnie de Martin Eric Ain (R.I.P.) ?
À l’époque on travaillait dessus, en effet. Quand alors j’ai quitté Celtic Frost en avril 2008, on rassemblait différents tournages live effectués sur le groupe. Cela devait prendre la forme d’un album et d’un DVD, avec du matériel live vidéo inédit, des chansons studio inédites aussi, avec une version étendue contenant un documentaire, oui. Mais il y avait une quantité si importante d’archives, des heures entières de films à visionner et à sélectionner pour du montage vidéo. Malheureusement, avec l’arrêt de Celtic Frost, j’ai laissé tomber ce projet car cela n’avait plus vraiment de sens. Je ne voulais pas continuer à œuvrer pour Celtic Frost pour permettre à ceux qui ont détruit en fait Celtic Frost de se faire de l’argent. De mon vivant, rien ne sera publié. Il faudra donc attendre ma mort…

Dernière question qui concerne tous tes fans guitaristes y compris moi : tu as joué et joues encore avec ta célèbre guitare Ibanez modèle ICT « Iceman » soit de couleur noir comme celle de Paul Stanley (Kiss), soit à l’effigie d’une peinture customisée de H.R. Giger (concepteur artistique d’Alien). Il est impossible de nos jours d’acquérir ce modèle neuf qui soit disant d’après un distributeur Ibanez n’aurait jamais été officiellement commercialisée, ou bien alors on peut trouver peut-être une réplique d’occasion sur internet, mais pas l’original… Tu confirmes et comment faire pour avoir la même guitare que toi ?
Ah ! (sourires) Par contre, c’est une série de H.R. Giger représentant la ville de New York, pas Alien même si on reconnaît son style. Alors je te confirme qu’elle a bien été commercialisée cependant, il y a quelques temps déjà oui, j’avoue, il y a une vingtaine d’année, et ce fut une série très limitée chez Ibanez… Si on t’a dit qu’elle n’avait pas été vendue au public, alors c’est faux. Ce modèle de guitare Ibanez était un peu cher, certes, environ 300 dollars je crois à l’époque. Mais tu sais au tout départ, j’avais acheté cette guitare en noir dans un magasin traditionnel il y a très longtemps à l’époque de Celtic Frost. Mais ça va donc être difficile maintenant pour se la procurer…

OK, merci pour ta réponse. Au pire, personnellement, les fans comme moi se rabattront sur celle de Paul Stanley de Kiss d’occase ou neuf et la feront customiser pour ressembler à la tienne !! (rires)
Oui ! (rires) Le modèle de Paul Stanley est très bien aussi au demeurant, tu sais, il y a peu de différence. Tu peux trouver toutefois assez facilement le modèle d’occasion sur internet je pense, sur eBay ou Reverb.com. La guitare te coûtera environ 300 euros, quelque chose comme ça. Elle n’est plus valable en neuf à présent bien entendu. Regarde aussi sur la page de fans sur Facebook à propos d’Ibanez Iceman, il y a une page dédiée, tu peux en trouver peut-être, n’hésite pas à faire une demande dessus…

C’est étonnant, tu n’as jamais joué sur une guitare 7 cordes, me semble-t’il, or pourtant on a l’impression que tu joues dessus car tu sonnes très grave (car accordé assez bas, en La je crois) ?
Oh non ! C’est vrai, je n’ai jamais joué sur une 7 cordes. Mais ça me suffit déjà bien assez de jouer sur une guitare 6 cordes, c’est déjà assez difficile, tu sais. Si je jouais sur une guitare 7 cordes, je crois que je serai complètement perdu ! (rires) Et de toute façon, peu importe la guitare et le nombre de cordes que j’utilise, c’est très bien comme ça.


TRIPTYKON WITH THE METROPOLE ORKEST
Requiem (Live at Roadburn 2019)
Dark Metal symphonique
Century Media/Sony Music
★★★★☆

1987 : « Rex Irae (Requiem) » sur l’avant-gardiste Into The Pandemonium de Celtic Frost. 2006 : « Winter (Requiem, Chapter Three : Finale) » sur l’énorme Monotheist. Il nous manquait donc une pièce du puzzle : la seconde et majeure partie du fameux Requiem imaginé dès 1986 dans l’esprit de Tom G. Warrior du temps du Frost, et quelle pièce ! Ce nouveau morceau totalement inédit baptisé « Grave Eternal » dure 32’28 mn. Rien que ça ! S’intégrant parfaitement dans les orchestrations contemporaines du Dutch Metropole Orkest après le tragique « Rex Irae » en ouverture où l’on retrouve au chant féminin non pas Claudia-Maria Mokri présente sur Into The Pandemonium, mais l’artiste tunisienne Safa Heraghi qui apporte ce vent de fraîcheur comme à l’époque, nous découvrons ce « Grave Eternal » à moitié instrumental avec ses longues parties symphoniques, son délicieux chant féminin presque dissonant et les quelques interventions de Tom Gabriel Fischer, laissant le champ libre au guitariste V. Santura (Dark Fortress) pour s’exprimer à travers un solo très aérien, très Gilmourien qualifierons-nous même, suivi d’un break sombre et planant amenant progressivement vers une fin plus Heavy et décadente avant d’enchaîner sur le sépulcral « Winter » tiré de Monotheist, pour la première fois ici interprété sur scène. Néanmoins, il manque un petit quelque chose à cette première, l’ex-frontman de Hellhammer, très sincère, s’effaçant quelque peu devant l’orchestre quand il faut, certes, délaissant la guitare au profit du chant et de son précieux collègue V. Santura, mais toujours proche de sa bassiste Vanja Šlajh, comme pour mieux se recueillir dans cette cérémonie devant des spectateurs très attentifs. En effet, la grande mélancolie qui règne tout du long vient rendre hommage à l’ancien bassiste de Celtic Frost et Hellhammer disparu le 21/10/2017… Ce tant attendu Requiem de Celtic Frost sort enfin dans sa totalité aujourd’hui en 2020, de manière live dont c’était là le but artistique initial de son auteur, sous le nom de Triptykon par contre dans la mesure où c’est bel et bien ce line-up actuel qui le présenta en 2019 au public néerlandais lors du Festival Roadburn avec son excellent nouveau batteur Hannes Grossmann (Alkaloid, Obscura, Hate Heternal…), digne successeur de Norman Lonhard ou d’un certain Reed St Mark… La boucle est donc bouclée pour Tom G. Warrior et les fans, mais aussi pour Martin Eric Ain (R.I.P.) qui peut désormais reposer en paix.

[Seigneur Fred]

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