ABYSMAL DAWN
L.A. Confinemential

Déjà le cinquième album pour Abysmal Dawn révélé sur la scène Death Metal US en 2006 avec son LP From Ashes puis une série d’albums tout à fait corrects dont Obsolescence qui clôtura son contrat chez Relapse Rec. Abordant généralement des thèmes d’anticipation/science-fiction plutôt anxiogènes dans notre société moderne, c’est non sans un parallèle avec l’actualité mondiale et de manière philosophique que nous avons appréhendé justement leur nouvelle galette baptisée Phylogenesis avec son leader. [Entretien avec Charles Elliott (guitare/chant) par Seigneur Fred – Photo : DR]

Comment vas-tu personnellement à Los Angeles (Californie) en ce moment (NDLR : interview réalisée fin mars 2020) dans ce contexte d’épidémie mondiale ? Te sens-tu en sécurité chez toi ?
C’est étrange à vrai dire actuellement. Je n’ai pas pris ce virus très au sérieux au début pour être honnête. Nous avons commencé à en entendre parler lorsque nous étions encore en tournée avec Vader assurant leur première partie en Amérique du Nord en février. J’ai juste pensé qu’il s’agissait d’un truc de plus dont nous abreuvent les médias pour nous faire peur. Au cours de ma vie, j’ai vu les abeilles tueuses en Afrique, la maladie de la vache folle (Creutzfeld-Jacob) et le Sras. Mais cette fois, ma vie quotidienne a en fait été affectée. J’ai commencé à travailler à domicile pour mon travail de jour, et les gens ont alors paniqué pour acheter tout sur les marchés locaux afin de stocker des denrées chez eux. Suis-je en sécurité ? D’une certaine manière, oui, mais la dévastation que cela cause à des gens comme moi, qui ont fait de la musique leur vie dans tous les aspects, va laisser une véritable marque. L’industrie de la musique et la culture en général pourrait être potentiellement dévastée d’un seul coup.

Dans les paroles d’Abysmal Dawn, tu as pour habitude d’aborder des sujets de science-fiction voire d’anticipation tels que les problèmes sociaux et la décadence de l’Homme dans notre société moderne… Nous voici maintenant avec ce virus COVID-19 qui affecte tout le monde ! La fiction rejoint à présent la réalité, non ?! Qu’en penses-tu ?
Une bonne science-fiction est toujours une évaluation de la société et une mise en garde contre ce qui pourrait arriver demain. Nous vivons cette folie en ce moment. Étant légèrement misanthropique comme personne, je pense qu’au fond j’ai besoin d’une interaction humaine comme n’importe qui d’autre. Tenir les gens à un niveau supérieur à ce qu’ils sont capables est frustrant, mais est-ce que je veux vraiment voir la race humaine disparaître ? Non. Cela va à l’encontre de l’auto-préservation ancrée dans mon ADN. Je veux juste que l’on soit meilleur et dénonce l’injustice, exprimer ce que je ressens. J’espère que quelque chose de bon surviendra de tout ça, et que nous serons meilleurs. On dit souvent que l’on doit toucher le fond afin d’aspirer à un vrai changement. Peut-être que nous nous apprécierons davantage et prendrons soin les uns des autres quand tout sera fini…

Maintenant tu es retour avec un tout nouvel album studio, Phylogenesis, six ans après Obsolescence sorti en 2014 sur Relapse Rec. or en général, vos sorties sont très régulières. Pourquoi était-ce si long cette fois ?
Chacune de nos nouvelles sorties d’album prend un peu plus de temps qu’avant je pense. Une des raisons est simplement que je ne veux rien publier avant d’avoir l’impression qu’il y a une réelle progression, d’une manière ou d’une autre, par rapport à l’album précédent. Ce nouvel album, nous voulions d’abord le sortir en 2018. On a enregistré et éditer toutes les guitares rythmiques et la batterie à la fin de 2017 dans mon studio. Mais ensuite la vie est faite d’imprévus nous retardant et mettant alors les choses en suspens. De toute façon, nous n’avions tout simplement pas de morceaux avec des paroles ou les parties de basse écrites lorsque les parties de batterie et de guitare rythmique étaient prêtes. Le fait que nous n’avions a priori pas de deadline et que l’on pouvait passer un temps infini dans mon studio, a simplement fait traîner les choses. J’espère fonctionner différemment la prochaine fois, mais on ne sait jamais quel obstacle peut survenir à l’avenir !

Pendant cette période de six ans, t’es-tu beaucoup entraîné que ce soit au niveau de ton chant ou de ton instrument afin de sans cesse t’améliorer notamment en technique et essayer de devenir meilleur musicien surtout que sur la scène Death Metal, le niveau est relevé et la compétition est féroce entre les groupes dans le monde finalement ?
J’ai en effet beaucoup pratiqué avant de commencer à enregistrer les guitares rythmiques de ce disque. C’est l’un des albums les plus difficiles que nous ayons jamais écrits, tu sais. Tout le monde dans le groupe a amélioré son jeu sur Phylogenesis, et je pense que cela se voit, enfin s’entend surtout ! (rires)

Parlons justement de ce nouvel album studio appelé Phylogenesis. Que signifie exactement ce titre ? « Phylon » signifiant « tribu » ou « race » en vieux grec, je crois… Pourrais-tu nous en expliquer le sens ici de  « Phylogenèse » ?
Le titre fait essentiellement référence à l’évolution d’une espèce spécifique. Cela peut être appliqué d’une manière positive à la façon dont le groupe a évolué, ou d’une manière négative à la façon dont l’humanité a évolué dans certains aspects ces derniers siècles. J’ai parti sur un album conceptuel puis ai abandonné l’idée. Mais en fin de compte, tout cela était en quelque sorte lié en un seul concept. Je pense que le thème sous-jacent de l’album est relatif à toutes les façons dont la société peut vous rendre fou. « L’évolution forcée » étant la seule valeur aberrante dans ce thème. Il s’agit davantage d’une mise en garde proche de la science-fiction sur la manière dont les choses pourraient empirer si nous continuons à emprunter une certaine voie, en épuisant toutes nos ressources sur Terre.

Comme d’habitude, l’artwork de vos albums est très soigné. Qui l’a réalisé ? Cette fois, pour Phylogenesis c’est peint en violet/bleu, mais toujours avec ce style décadent et futuriste et toujours la présence de ce gros totem ou œil ou machine ou arbre, je ne sais pas trop de quoi il s’agit … C’est un peu votre marque de fabrique sur la pochette de chacun de vos disques comme Eddy (Iron Maiden) ou Vic Rattlehead (Megadeth)… (rires) Est-ce votre marque visuelle pour Abysmal Dawn en quelque sorte, album après album ?
Pär Olofsson a réalisé toutes les illustrations de nos disques, celui-ci inclus. En fin, l’éclipse signifie juste la fin ou l’apocalypse pour moi. C’est quelque chose qui remonte à notre première démo de 2004. Il s’est retrouvé sur la couverture de notre premier album From Ashes. Sur notre deuxième album Programmed to Consume, Pär l’ajouta de nouveau comme une sorte de suite. Depuis lors, on en a fait une sorte de tradition pour relier les pochettes de chacun de nos albums et continuer une sorte d’histoire. Je ne pense pas que beaucoup feront attention mais cette couverture est censée être l’intérieur du monolithe  figurant sur la couverture d’Obsolescence, notre précédent album.

Dans les nouvelles compositions, il y a quelque chose de plus fort dans la rythmique des chansons globalement qui est puissante et accrocheuse. Avez-vous changé quelque chose sur la section rythmique ou travaillé différemment le groove sur le jeu de batterie, la basse ou la guitare rythmique ou peut-être dans votre son tout simplement (guitare sept cordes, micro, amplificateurs …) ?
Pas spécialement. Nous avons utilisé une guitare à sept cordes sur une seule chanson : « Soul-Sick Nation ». C’était une première pour nous et nous pourrions le faire davantage à l’avenir. J’ai senti là que la section rythmique fonctionnait mieux ensemble et donnait des choses plus intéressantes se jouant les unes avec les autres. Après, je reste de la vieille école. Je suis un grand fan de Death alors j’aime ces petites parties de batterie plus mélodiques et ces lignes de basse lourdes présentes dans notre son plus que jamais aujourd’hui.

La troisième chanson s’intitule « Hedonistic ». Es-tu une personne hédoniste qui aime prendre du plaisir dans sa vie personnelle ? Utilises-tu cette philosophie (« l’hédonisme ») comme maxime dans ta vie quotidienne ?
En fait, tout l’intérêt des paroles de cette chanson est basé sur le contraire. Il oppose le style de vie hédoniste et la quête du bonheur avec des choses simples aux choses matérialistes et monétaires. C’est basé sur l’idée que nous devons tous chercher un but, et avec cela viendra l’accomplissement et le bonheur.

Je sais que tu n’aimpes pas trop que l’on dise cela mais Morbid Angel constitue l’une de vos principales influences musicales (même si vous venez de L.A. (Californie) et non de Tampa (Floride))… (rires) Avez-vous écouté leur dernier album Kingdoms Of Disdained paru en 2017 qui était puissant et plus concentré dans les guitares rythmiques justement à défaut de solos de guitare de Trey Azagthoth ? L’aimes-tu cet album de Morbid Angel ? Que penses-tu de leur évolution dernièrement depuis l’album Illud Divinum Insanus (Season Of Mist/2011) et sa suite remixée par l’artiste français Igorrr (2012) ?
Honnêtement, j’adore Morbid Angel mais je ne les citerais pas en influence principale pour le groupe. Je suis sûr que certaines choses se sont infiltrées dans notre son, c’est sûr ! Ils sont l’un des pionniers du Death Metal et leur influence est immense forcément et s’est intégré automatiquement dans à peu près tout tous les groupes de Death Metal. J’étais plus branché par des trucs comme Carcass, Nile, Suffocation, At The Gates, Entombed, Fear Factory et Death en grandissant. Et la première vague de Death Metal mélodique et de Thrash ont été importantes pour moi. Je ne veux dire aucun mal au sujet de Morbid Angel, en aucune façon surtout que notre ancien batteur Scott Fuller joue pour eux maintenant et je pense qu’il a fait un travail de tueur d’ailleurs sur leur dernier album. Je pense qu’il est mieux placé que Tim Yeung en fait. Même si Tim est un batteur incroyable à part entière, je pense que Scott correspond davantage à leur ambiance. Mais vraiment, je n’étais pas été fan plus que ça de Kingdoms Disdained pour autant. C’était cool, ils sonnent de nouveau heavy, lourd mais les nouvelles chansons ne m’ont pas vraiment scotché à part peut-être quelques-unes vers la fin du disque. Mais tout comme l’opinion de tout sur tout dans ce monde, ça n’a vraiment pas d’importance. C’est juste mon humble avis. Si vous aimez ce disque, profitez-en. J’ai hâte de voir ce qu’ils feront par la suite et j’espère juste qu’ils continueront de tourner et de sortir des disques avec Scotty. (sourires)

Pour conclure : allons-nous vous revoir bientôt vivre en Europe ? Penses-tu qu’Abysmal Dawn pourra faire une tournée pour promouvoir ce nouvel album cette année ? Quels sont les projets ?
Nous espérons vous revoir tous en Europe à l’automne 2020. Nous n’y sommes pas venus depuis 2015, donc nous attendons ça depuis longtemps ! Avec toute la folie qui se passe dans le monde en ce moment et cette crise sanitaire, nous espérons que cela puisse encore avoir lieu. A présent, prenez soin de vous. On reviendra dès que possible.

=> Chronique de l’album Phylogenesis d’ABYSMAL DAWN disponible
depuis le 17/04/2020 (Season of Mist) à lire ci-dessous :

ABYSMAL DAWN
Phylogenesis
Death Metal
Season Of Mist
★★★☆☆

Malgré le départ de son batteur Scott Fuller pour la Floride et Morbid Angel en 2017, le groupe californien n’a rien perdu de son groove sur Phylogenesis. Abysmal Dawn semble même avoir renforcé le son de sa section rythmique à l’écoute de son cinquième album enregistré chez son fondateur Charles Elliott. Si les morceaux sont toujours aussi percutants (« Mundane Existence ») et écrasants (« Hedonistic », « A Speck In The Fabric Of Eternity ») rappelant parfois Suffo, les growls bien gras, l’ensemble demeure un peu trop basique, notamment dans les leads de guitare (sauf sur « Soul-Sick Nation » featuring Fredrik Folkare (Unleashed, Firespawn…)), à l’instar du dernier album Kingdoms Disdained d’un certain Morbid Angel où l’on retrouvait justement Scotty derrière les fûts… Abysmal Dawn fait certes extrêmement bien le job, mais c’est surtout en live que ce disque prendra véritablement vie et dans le pit des salles de concerts que nos Ricains déboîteront à coup sûr vos cervicales, et ce, dès que les hostilités scéniques auront repris !

[Seigneur Fred]

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