AGAINST ME
La métamorphose

Dernièrement, Laura Jane Grace faisait les titres des journaux français pour sa relation avec Béatrice « Coeur de Pirate » Martin. Pourtant, pas un mot sur Shape Shift With Me, le nouvel album d’Against Me, le groupe de la chanteuse. Ici pas de people, on préfère parler musique et société.

[Entretien avec Laura Jane Grace (chant, guitare)
par Philippe Jawor – philippe@metalobs.com]

 

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Parle-moi de la composition de cet album : il paraît que ce fut un effort plus collectif que sur vos précédents disques ?
C’est indéniable. Même si j’écrivais le squelette des chansons, pour la première fois, nous avons eu la possibilité de vraiment faire un album tous les quatre. J’adore ce groupe, et j’étais abasourdie de voir ce qu’on était capables de faire tous ensemble. En fait, la composition de cet album s’est faite dans le même état d’esprit que nous avions en tournée : c’est en défendant le précédent album pendant deux ans, je crois, que nous nous sommes rendus compte à quel point nous étions un groupe. Nous voulions vraiment garder cette énergie. Il n’y a que deux chansons que j’ai écrites avec une personne extérieure au groupe, mais qui est un ami de longue date, Cody Votolato (The Blood Brothers, Head Wound City, ndlr) : « Boyfriend » et « Norse Truth ».

Il paraît d’ailleurs que ces chansons, à l’origine, étaient plutôt destinées à l’un de ses projets ?
C’est vrai ; on peut dire que je les ai un peu piquées ! (rires)

Au niveau des paroles, tu continues à explorer la transsexualité, peut-être même davantage que dans Transgender Dysphoria Blues… C’est devenu ta source d’inspiration principale ?
Disons plutôt que je décris le monde qui m’entoure à travers ce filtre. Un exemple : j’aime beaucoup les comédies romantiques à la con. J’adore ça : ça me permet de débrancher mon cerveau. (rires) Cependant, après avoir fait mon coming out, je me suis rendue compte qu’aucun de ces films ne s’adressait vraiment à moi. Il n’y a pas de représentation de la transsexualité dans les médias mainstream, ou alors très peu. Dans la musique, c’est pareil : il y a des milliers de chansons sur un mec qui a brisé le cœur d’une fille, ou l’inverse, d’une fille qui est tombée amoureuse d’un mec ou l’inverse, mais j’avais besoin d’exprimer ces mêmes sentiments d’un point de vue trans. Vivre un divorce, devenir parent célibataire, toutes ces choses sont des expériences nouvelles pour moi, et elles ont fortement inspiré ces chansons.

Quels sont selon toi les plus gros problèmes auxquels est confrontée la communauté trans – voire LGBT ?
Le plus gros problème auquel ces communautés doivent faire face est l’ignorance : il faudrait éduquer les gens, leur montrer qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière d’aimer. L’amour, c’est une notion universelle, c’est ce qui devrait rassembler l’humanité toute entière. Il faudrait donner plus de voix aux trans et à la communauté LGBT dans les médias mainstream pour que les gens se rendent compte que nous avons tous et toutes les mêmes émotions.

À propos du titre, Shape Shift With Me : s’agit-il d’un appel aux auditeurs à se mettre à ta place, ou plutôt un encouragement pour les transsexuels qui n’oseraient pas s’affirmer ?
Je pense que c’est un appel à accepter le changement, même s’il s’agit d’un changement vers l’inconnu. J’ai cette obsession de la métamorphose, que ce soit à travers le tattoo ou le piercing, que j’ai commencé très tôt ; je considère que notre corps est notre vaisseau, et que nous devons le faire évoluer, de manière active, pas en le subissant. C’est un message d’émancipation avant tout.

Comment « 333 » s’est-il retrouvé comme premier single de ce disque ?
Je ne cache pas qu’il y a eu débat. (rires) Personnellement, j’étais plus partante sur « Crash », mais une majorité a voté pour « 333 ». C’est un peu particulier, de choisir un single : il faut penser à ce qui passerait bien à la radio, et pas forcément ce qui est le meilleur morceau. J’aime écrire des chansons, les jouer, les enregistrer, mais quand il s’agit de savoir ce qui passera en radio, ce n’est plus mon domaine ; j’essaie de m’appuyer sur les gens dont c’est le métier. « 333 », c’est un symbole de chance ; j’espère qu’il nous portera bonheur !

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