CANNIBAL CORPSE : A history of violence

Quelle est donc la source de motivation qui habite encore le géant du Death Metal américain Cannibal Corpse en 2021 avec une carrière musicale aussi exemplaire composée désormais de quinze albums studio et divers enregistrements live, souvenirs d’une autre époque ? La violence, pardi, car la violence nourrit la violence ! Preuve en est aujourd’hui avec ce Violence Unimagined au titre plus qu’explicite, qui marque l’arrivée officielle du fameux guitariste/producteur Erik Rutan (Hate Eternal, ex-Morbid Angel, Alas, ex-Ripping Corpse…) en lieu et place de Pat O’Brien (pour des raisons malheureusement tenues confidentielles), comme nous l’a expliqué son bassiste et cofondateur Alex Webster avec lequel nous n’avions pas taillé une bavette depuis l’album Kill en 2006, produit déjà par un certain Erik Rutan… Décidément. [Entretien avec Alex Webster (basse) par Seigneur Fred – Photos : DR]

As-tu suivi le match du Superbowl hier soir à la TV [entretien réalisé le 08/02/21] opposant justement les Buccaneers de Tampa Bay aux Chiefs de Kansas City ? Peut-être t’es-tu rendu directement au stade pour voir Tampa qui a gagné justement ?!
Ah ah ah (rires) Non, je n’ai pas regardé l’intégralité du match en fait car ce n’était super intéressant à vrai dire comme match. Mais tu sais, maintenant, contrairement aux autres gars du groupe qui par ailleurs suivent plutôt d’autres équipes de football américain, je ne vis plus à Tampa (Floride). En fait, j’ai déménagé il y a déjà quelques années sur la côte ouest. Je vis à Portland (Oregon) désormais. Au sein du groupe on supporte plutôt les Buffalo Bills car on vient de là-bas à l’origine.

Comment toi et les autres membres vivez-vous depuis plus d’un an sans concert ni tournée du fait de cette pandémie ? Passes-tu par exemple ton temps à perfectionner encore et encore ton jeu sur ton instrument en expérimentant d’autres matériels ? En as-tu profité au contraire pour passer davantage de temps auprès de ta famille ou faire de nouvelles choses ?
Les autres sont à Tampa, mais me concernant, je fais attention déjà mais ne me suis pas fait tester pour autant. Nous restons ensemble, moi, ma femme, mon enfant et mon chien. On n’a pas une routine extraordinaire, tu sais. Professionnellement, j’ai dû répéter et travailler sur le nouvel album déjà pour commencer déjà afin d’enregistrer mes parties de basse. Au-delà de ça, oui, je me suis beaucoup entrainé. J’ai juste acquis une nouvelle basse à 5 cordes de ma propre signature pour moi jouer ici à Portland, car la majorité de mon matériel reste à notre local de répétition à Tampa. Sinon, après l’enregistrement de Violence Unimagined, un ami m’a demandé de venir jouer sur un titre (« Silver Dagger ») de leur disque. Le groupe s’appelle Devil Worshiper et c’était plutôt fun car ça change de ce que je fais habituellement. Ça donne dans un stoner psychédélique… On ne pouvait pas aller très loin de toute façon à cause des divers couvre-feux imposés selon les comtés de l’état. Forcément, la situation est compliquée pour tout le monde, tu sais. Je n’ai pas à me plaindre car on est sain et sauf donc c’est déjà bien. Enfin, mon quotidien est le suivant : le matin, je pars promener mon chien, puis je vais courir un peu. Et ensuite je m’entraîne à jouer mon instrument. L’avantage en effet est que je suis avec ma famille contrairement quand on est en tournée.

Ce n’est pas la première fois que vous travaillez avec Erik Rutan en tant que producteur puisqu’il produit et mixe vos albums depuis Kill (2006). Il avait déjà participé en tant qu’invité à divers soli de guitares ici ou là, mais cette fois, la différence est qu’il à présent votre second guitariste officiel remplaçant ainsi Pat O’Brien… Tout cela a dû se faire très naturellement je présume car il était devenu le sixième membre de Cannibal Corpse au fil des années, non ?
Ouais, c’est vrai. On a vraiment ressenti ça aussi, cela s’est fait tout naturellement. Tu sais, on connaît Erik depuis pas mal d’années maintenant. Il a produit cinq de nos albums, c’est pas rien, dont le nouveau. Oui, il avait déjà enregistré plusieurs parties de guitares et aussi des chants sur nos précédents albums notamment sur Kill. Pour A Skeletal Domain, on était allé enregistrer chez Mark Lewis aux Audiohammer Studios à Sanford (Floride) avant qu’il ne déménage. Et puis avec le temps, on est  devenu ami avec Erik. En plus, son groupe Hate Eternal avait déjà tourné plusieurs fois avec Cannibal Corpse. J’avais d’ailleurs joué aussi sur quelques morceaux en tant qu’invité sur des albums de Hate Eternal. On a toujours été très proches, et même si c’est différent humainement qu’il soit guitariste dans notre groupe maintenant, tout ceci est très naturel encore une fois. En tant que producteur, Cannibal Corpse reste une activité secondaire, un extra pour Erik, cependant il le fait sérieusement. Il est guitariste du groupe mais a aussi composé plusieurs morceaux et écrit des paroles du nouvel album.

Quand avez-vous commencé à travailler précisément sur ce quinzième album Violence Unimagined car il y a un morceau qui semble vraiment de circonstance et d’actualité : « Condemnation Contagion » ? (sourires)
En fait, c’est Erik (Rutan) en a écrit la musique et les paroles. Je ne crois pas que cela parle directement du covid-19, mais je pense qu’il s’est inspiré du contexte actuel, oui, pour généraliser ça dans cette chanson. On a commencé à écrire et composer le nouvel album à l’automne 2019 et on a fini en mars 2020. On a pas mal bossé par Skype, échangé, répété, on a beaucoup appris ainsi. Je me suis rendu pour la pré-production au studio d’Erik. Après l’épidémie s’est vraiment développée aux États-Unis. C’était devenu compliqué de voyager en avion à l’intérieur du pays. Alors du coup, au lieu de retourner à St Petersburg (Floride) au Mana Studio Recording, j’ai enregistré mes parties de basse chez moi.

Quelle est l’influence d’Erik Rutan selon toi sur Violence Unimagined justement ? Qu’a-t’il apporté et comment avez-vous partagé le travail et collaboré entre vous cette fois étant donné qu’il est en même temps producteur et guitariste ici désormais ? Il avait carte blanche au sein du groupe ? Vous vous êtes répartis les tâches ?
Ce genre de choses, oui. Disons que l’on a commencé chacun à écrire quelques chansons : par exemple cette fois Rob (Barrett/guitare) a composé quatre titres, moi aussi quatre titres, et Erik en a fait trois. Et il a écrit les paroles de trois chansons. Forcément, Rob, Paul aussi, ont contribué aux textes comme d’habitude, et ils ont tout assemblé avec ce qu’avait écrit et composé Erik. Tout s’est bien passé. De toute façon, Erik vient dans Cannibal Corpse pour faire du Cannibal Corpse, il ne vient pas pour imposer des choses de Hate Eternal par exemple dans Cannibal Corpse, il le sait bien, mais tout cela se fait naturellement, et il apporte des idées, des éléments, les suggère, ce qu’il faisait déjà en tant que producteur sauf que là ils jouent ses parties et on va plus loin ensemble. Il est suffisamment bon compositeur pour lui dissocier Cannibal Corpse de son propre groupe Hate Eternal. Cependant, je pense que tu peux retrouver son style qui s’intègre parfaitement au notre. Il a vraiment un style distinctif, sa propre empreinte, dans sa façon de jouer de la guitare mais aussi de composer. Et cela s’intègre à Cannibal Corpse. Quand quelqu’un vient dans un groupe, c’est normal qu’il apporte un peu de lui, de sa personnalité dans la musique du groupe, comme une pierre à l’édifice.

Et toi dans tout ça, en tant que bassiste, arrives-tu encore à trouver et garder ta place dans cet espace sonore dantesque produit par Erik qui est guitariste et peut donc avoir tendance à privilégier les guitares ? En plus, entre George « Corpsegrinder » Fisher (chant) qui hurle comme jamais et Paul qui accomplit là une performance énorme en se surpassant encore après trente-trois ans de carrière, ça ne doit pas être évident pour t’imposer avec ton instrument, non ?
Tu sais, pour moi, c’est comme un challenge à chaque fois. En tant que bassiste, je dois trouver ma place sur chaque album, et relever ce défi, surtout dans ce genre de musique. Cela peut être difficile, en effet, d’être entendu. Je m’exerce toujours et encore pour ça, le but étant de trouver les bonnes notes sur les bonnes parties dans cet espace sonore en les écrivant. C’est ce que j’essaie de faire, en suivant parfois ou non les guitares afin de s’en démarquer si nécessaire, et développer le son de la basse avec très peu d’arrangements. En général, on enregistre d’abord la batterie de Paul, puis les guitares rythmiques, et là j’interviens pour me caler sur tout ça. Après, c’est le travail du producteur, donc Erik, de se rendre compte comment ça ressort, et mixer tout ça. Et je pense qu’il a encore une fois accompli un sacré travail car je peux m’entendre parfaitement et ça colle bien. Je suis ravi du résultat de Violence Unimagined.

Continue-‘il son activité avec Hate Eternal du coup ou bien il est contraint de stopper du fait de sa présence dans le line-up de Cannibal Corpse car on va devoir attendre alors pour un prochain album de son groupe, et je ne parle pas de son side-project Alas dans lequel tu avais d’ailleurs joué à ses débuts et pour lequel je le relance à chaque nouvelle interview de Hate Eternal ?! (rires)
(rires) Non, il va continuer son groupe Hate Eternal, mais il doit le mettre en suspens pour le moment car à ce que je sache, il doit considérer maintenant Cannibal Corpse comme sa priorité à côté de son travail de producteur en studio, bien sûr. Mais on l’encourage cependant à garder et continuer bien sûr Hate Eternal. Comme je disais, il comprend cela, et il sait scinder les deux quand il écrit et joue du Death Metal entre Cannibal Corpse et Hate Eternal. Il n’y a aucun problème là-dessus. Il sait faire la part des choses. Par contre, pour Alas, en effet là c’est pas gagné… (rires)

Quelle est cette « violence inimaginable » au fait évoquée dans le titre de ce quinzième album ?
OK. Au départ, Violence Unimagined, c’est une idée de notre batteur Paul (Mazurkiewicz). On a trouvé que ça sonnait bien comme titre d’album. En tant que groupe, arrivé à quinze albums studio, on se dit toujours qu’est-ce que l’on va créer de plus violent par rapport au précédent disque. Tout a toujours tourné sur la violence, l’horreur, dans l’univers de Cannibal Corpse. Alors, en suggérant simplement cette violence par ce titre, de l’extérieur, cela donne déjà l’ambiance de l’album. C’est déjà très subjectif comme pensée, et on imagine déjà cette violence avec curiosité, avant même de se pencher sur le contenu.

Rencontrez-vous encore en 2021 des problèmes de censure chez vous aux États-Unis ou ailleurs dans le monde (comme Napalm Death interdit de concert au Viêtnam) avec votre musique, vos paroles, les vidéoclips et les pochettes d’albums ? Quand on y réfléchit et y regarde d’un peu plus près, tout cela ne reste que des dessins et de la fiction en fin de compte, et la musique étant un divertissement comme un autre, comme un film d’horreur, rien de plus, en comparaison avec la violence des images sans décodage sur internet ou à la TV avec la guerre dans le monde, la famine, cette pandémie, etc. ?
Je suis bien d’accord avec toi, tu as raison. Par endroit ça s’améliore et l’on a moins de problème, mais ailleurs, on continue à rencontrer encore des problèmes malheureusement. Par exemple, en Europe centrale ou de l’ouest, à côté de ton pays, en Allemagne. Il y a encore de la censure. Mais aussi en Amérique du Nord, tu sais, où c’est peut-être là le pire finalement. Les États-Unis restent un pays extrêmement très religieux et puritain. Et je ne te parle pas de certains pays du Moyen-Orient non plus qui n’autorisent pas d’écouter notre musique, même en Arabie Saoudite par exemple.

CHRONIQUE ALBUM

CANNIBAL CORPSE
Violence Unimagined
Death metal
Metal Blade Rec.

Depuis l’album Kill, premier d’une série d’albums produits et mixés par le désormais deuxième guitariste officiel Erik Rutan (Hate Eternal, ex-Morbid Angel…), Cannibal Corpse a retrouvé un nouveau souffle en termes de son rendant le Death Metal du groupe de Tampa encore plus violent et actuel. Monstrueusement incisif avec ses riffs de guitares signés au scalpel par le duo Barrett/Rutan (« Murderous Rampage », « Ritual Annihiliation »), méchamment heavy (le premier single « Inhumane Harvest »), et, qui l’eut cru, étonnamment varié avec ses nombreux breaks et leads même si tout est relatif ici (« Follow The Blood » et son pont à la Morbid Angel/Hate Eternal apporté par Rutan), cette boucherie entre amis réunirait presque les albums Vile et Gallery of Suicide sous la supervision d’Erik Rutan aux manettes ! Côté rythmique, les vétérans délivrent une performance incroyable, Paul Mazurkiewicz se surpassant au côté d’Alex Webster dont la basse vrombit (« Slowly Sawn ») sous les growls de l’écrasant George « Corpsegrinder » Fisher, collectionneur de peluches à ces heures perdues… Avec un titre d’album qui ne trompe guère sur la marchandise, on s’imagine déjà comment s’exprimera toute cette violence dans le pit dès que les concerts des Américains reprendront ! [Seigneur Fred]

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