CREPUSCULE D’HIVER
Winter is coming…

Déjà auteur d’une démo en 2018, Crépuscule d’Hiver a publié cet automne son tout premier album Par-Delà Noireglaces et Brumes-Sinistres, à écouter idéalement à l’approche de la froide saison. Projet studio français d’un seul homme nommé Stuurm, celui-ci a su s’entourer en région Bourgogne-Franche-Comté du batteur/bassiste d’In Cauda Venenum (chronique du nouvel EP disponible ici) afin de proposer un disque de Black Metal atmosphérique épique et obscur dans l’héritage de Summoning, duo autrichien bien connu des amateurs du genre obscur Donjons & Dragons… [Entretien avec Stuurm von Winterdämmerung (multi-instrumentiste, chant) par Seigneur Fred – Photos : DR]

Tout d’abord, peux-tu te présenter à nos lecteurs s’il-te-plaît ?
Salut ! C’est moi (Stuurm) qui réponds à cette interview, Crépuscule d’Hiver est mon entité pour ainsi dire. Je compose les morceaux, définis les thèmes, écris les paroles, enregistre les guitares, vocaux et synthétiseurs. Il s’agît toujours officiellement d’un « one man band » qui reflète mon univers.

Comment est né Crépuscule d’Hiver ? Par une nuit longue d’hiver en 2018 me semble-t’il en tant que simple projet studio solo (one man band) à ta seule initiative ?
Ma foi, c’est presque ça ! Je fais du Dungeon Synth (en solo également) avec Gargoylium depuis quelques années et j’ai eu envie de pousser l’expérience plus loin en le mélangeant à du Black Metal old school, inspiré de la fascinante scène de Black Metal à claviers des années 90’s. J’avais rassemblé à ce moment-là un peu d’argent pour acheter du matériel et commencer à enregistrer. C’est un projet que j’avais à l’esprit depuis un certain temps déjà et qui ne demandait qu’à être concrétisé. Quelques temps plus tard est sortie la démo Songes Hérétiques qui a rencontré un accueil plutôt favorable dans l’underground.

A la première écoute de la musique de Crépuscule d’Hiver, on pourrait résumer les principales influences du groupe (car maintenant vous êtes deux) aux formations cultes telles que Summoning, Abigor (pour sa période plus atmosphérique), les premiers Satyricon (période Dark Medieval Times), Troll, Tartaros, Mortiis, Blut Aus Nord, Godkiller, etc. Partages-tu cet avis et quelles sont les principales influences musicales (et littéraires aussi) de Crépuscule d’Hiver selon toi ?
Les groupes que tu cites sont parmi mes principales influences effectivement. L’atmosphère façonnée par ces pionniers des années 90’s est à mon sens une merveille de noblesse musicale. Ces artistes ont su entraîner leurs auditeurs dans une spirale enchanteresse de noirceur et de beauté, faisant la part belle aux claviers. Pour étoffer ta liste déjà très pertinente, je rajouterais les vieux Dimmu Borgir, Seth, Osculum Infame et les italiens d’Evol. Et aussi quelques noms Dungeon Synth plus ou moins récents : Utred, Fief, Gothmog, Torchlight. Je  suis content que tu me poses une question en rapport avec mes influences littéraires car les mondes d’Heroic-fantasy, d’épée et de sorcellerie sont très stimulants eux aussi. J’évoquerais ici les Chroniques de Lancedragon de M. Weis et T. Hickman, une saga inspirée de l’univers de Donjons & Dragons qui m’a fortement marquée à l’époque, lorsque je façonnais mon imaginaire. Après, il y a évidemment les travaux de Tolkien, Howard et puis les univers vidéoludiques de Warcraft et Guild Wars par exemple. Il va sans dire que j’apprécie aussi beaucoup l’art romantique du XIXème siècle mettant en scène nombre de ruines et paysages fantasmagoriques, c’est là une esthétique très inspirante également.

D’ailleurs, que penses-tu du retour de l’artiste norvégien Mortiis dont les dates de concerts pour sa tournée ont probablement dû être annulées comme pour tout le monde cette année ? As-tu écouté son nouvel album Spirit Of Rebellion ? Si oui, qu’en penses-tu ?
J’avais été le voir en Belgique il y a deux ans, c’était pour la tournée spéciale de son album Ånden Som Gjorde Opprør où il partageait l’affiche avec Rosa Crüx. L’album était joué dans son entièreté avec quelques improvisations et grands renforts d’orchestrations supplémentaires. J’ai bien aimé son nouvel opus Spirit of Rebellion, il faut vraiment le voir comme une suite au disque susmentionné car il reprend plusieurs thèmes de celui-ci qui sont réinterprétés dans une veine un peu plus moderne et martiale. Alors pour ceux qui s’attendaient vraiment à de la nouveauté, c’est manqué. Ce disque est assez proche de ce qu’il propose en concert. Du coup ce que je pense de son retour, eh bien en tant que fan, ça me parle. (sourires)

Revenons à toi et Crépuscule d’Hiver. Comment s’est faite ta rencontre puis la collaboration artistique avec N.K.L.S. (In Cauda Venenum) à la basse et à la batterie au sein du désormais duo que vous formez ? Cela a débuté il me semble par le réenregistrement de la démo Songes Hérétiques en 2019, n’est-ce pas ?
Lorsque Gérald, manager du label Les Acteurs de l’Ombre m’a proposé de sortir le prochain (et premier !) album de Crépuscule d’Hiver, l’une de ses conditions était d’obtenir un son de batterie plus vivant et réaliste, avec davantage de relief. En effet les compos sont longues et il peut être judicieux d’apporter de la variation et de la finesse dans les sections rythmiques, surtout si elles doivent se répéter. Quant à moi, je ne suis pas batteur et je programme d’ordinaire cet instrument sur mon interface audio via un VST (NDLR : Virtual Studio Technology (VST) est un format ouvert de plug-in audio, en résumé un software de musique), sans y connaître grand-chose. J’ai ainsi été mis en relation avec N.K.L.S., avec qui le contact est directement très bien passé. Il a très vite su s’adapter à mes compos et à se plonger dans le même délire que moi, en apportant sa propre richesse à mes pistes. Nous avons collaboré à distance, je lui envoyais mes maquettes et mes instructions et il m’envoyait ses propositions en retour. Toute la création de l’album s’est passée ainsi. Ça n’a pas forcément été simple dans le sens où je travaille habituellement toujours seul. L’autre difficulté a été de ne pas se décourager car c’est un travail fastidieux, et lorsqu’il faut apporter une modification ou revenir sur une décision, la collaboration à distance montre ses faiblesses. Toutefois, c’est aussi une question d’habitude et d’organisation je pense, si nous devons réitérer cette collaboration pour un prochain opus, j’aurais une stratégie bien différente : j’enverrais alors des maquettes vraiment définitives et mûrement réfléchies pour éviter d’avoir à faire trop de retouches. On a effectivement réenregistré « Héraut de l’Infamie » et « Le Souffle de la Guerre » issus de Songes Hérétiques en premier. Il était également prévu de refaire « La Bête Noire de Hurle-la-Mort » qui clôture la démo mais j’ai préféré finalement faire la part belle ici à davantage de morceaux inédits.

Outre l’interprétation à la basse et à la batterie désormais acoustique de N.K.L.S., qu’a-t’il apporté en termes de création et d’idées (musique, paroles, ambiances, etc.) à Crépuscule d’Hiver ? Travailler à deux implique t’il davantage de possibilités mais aussi peut-être des concessions par rapport à un pur one-man band ?
N.K.L.S. a proposé l’introduction pour « Le Souffle de la Guerre » par exemple qui est absolument excellente à mon sens, ainsi que quelques solos de guitare sur « Héraut de l’Infamie », « Tyran de la Tour Immaculée » et « Par-delà Noireglaces et Brumes-Sinistres ». Sur ce dernier, il a également intégré quelques nappes ambiantes dans le dernier quart du morceau. Il m’a aussi filé pas mal de tuyaux techniques ainsi que son expertise de « musicien confirmé » si je puis dire ! En complément de ce que j’ai déjà un peu évoqué précédemment, travailler à deux est évidemment bien différent qu’œuvrer solitairement. Il faut savoir accepter de lâcher un petit peu de lest et faire confiance.  On peut dire que la mission a été accomplie avec succès, nous nous sommes bien amusés. (sourires)

Comment décrirais-tu l’univers de Crépuscule d’Hiver ? Quelles sont les thèmes abordés ici (héroic fantasy, ode aux temps anciens, Moyen-Âge, guerre, nature, légendes, Gothic, paganisme, satanisme ?) sur Par-Delà Noireglaces Et Brumes-Sinistres ?
L’univers de Crépuscule d’Hiver est très nébuleux. J’ai fait en sorte que ce projet soit le reflet de mon imaginaire. La nostalgie et la mélancolie y prennent une place importante, elles se matérialisent dans des fresques épiques, lancinantes et mystiques. L’atmosphère se veut noble et solennelle, épousant le souffle poussiéreux du Black Metal. Je pense que ma musique est fortement marquée par une forme de romantisme, le rêve d’un passé merveilleux et idéalisé qui n’a jamais existé et qui pourrait tout à fait trouver sa place dans un monde de fantasy médiévale. Les thèmes de la mort et de la guerre sont bien entendus très présents, tout comme celui des spectres qui errent dans plusieurs de mes compositions. Il y aussi un soupçon d’hostilité vis à vis du dogme religieux, incarné par les « hérétiques », qui combattent farouchement l’autorité d’une divinité parée des atours de la vertu.

Pourquoi ce choix de la langue de Molière même si vous êtes peut-être distribués à l’étranger à présent via Les Acteurs de l’Ombre ?
J’ai choisi d’écrire mes paroles et mes noms de morceaux en français car c’est une langue que je considère très riche, avec une belle aura de noblesse, elle s’accorde fort bien avec les thématiques médiévales de ma musique. Je pense que ça permet aussi d’affirmer l’identité du projet, qui se démarque ainsi quelque peu de l’hégémonie de l’anglais dans la musique aujourd’hui. Et puis… ça reste la langue que je maîtrise le mieux, tout simplement.

Sur ce premier album Par-Delà Noireglaces Et Brumes-Sinistres, la production sonore est volontairement old-school et les claviers utilisés donnent ce caractère épique et nostalgique. A l’heure de Guitar Pro et de Pro-Tools et des synthétiseurs high-tech, ne penses-tu pas pouvoir obtenir un meilleur rendu-sonore ou bien il s’agit de rester dans un esprit underground à l’instar des Autrichiens de Summoning par exemple ?
Il serait totalement possible de faire sonner ma musique « mieux », plus réaliste, etc. Mais en agissant de la sorte, je pense que le rendu serait trop moderne et je passerais à côté du charme « old school » que donne  à la musique ce genre de production et de vieux synthétiseurs.  C’est donc bien volontairement que je reste dans cette brume underground. Le son doit être un minimum insaisissable pour conserver de son authenticité, surtout dans le style de musique que je pratique.

Quelques mots sur la présence de divers invités, notamment Spellbound (des excellents Aorlhac) au chant sur ton album ?
Je n’avais pas vraiment envisagé d’avoir des guests sur mon album, mais quand l’occasion s’est présentée et que j’ai appris que plusieurs artistes dont je suis moi-même fan étaient partant pour enregistrer quelques petits éléments pour l’album, j’ai tout de suite accepté. Ils apportent une richesse supplémentaire qui permet de faire varier un peu les ambiances et notamment les parties vocales.

Pour conclure : dans le contexte actuel de cette crise sanitaire et donc aussi culturelle avec les limites des concerts (jauge réduite, configuration assise, masques et distanciation sociales…), Crépuscule d’Hiver restera-t’il toujours uniquement un projet musical studio ou bien des sont-ils prévus à l’avenir ?
En fait, même sans la pandémie actuelle, Crépuscule d’Hiver préférerait continuer son existence troglodyte dans son vieux donjon. Je ne suis pas vraiment emballé par le fait de monter sur scène. Même si l’idée en elle-même est intéressante, ce n’est vraiment pas une priorité pour le moment. Actuellement, je préfère travailler dans mon antre sur quelques compos que j’ai sous le coude.

CHRONIQUE ALBUM

CRÉPUSCULE D’HIVER
Par-Delà Noireglaces et Brumes-Sinistres
Black Metal atmosphérique
Les Acteurs de l’Ombre Prod.

Dès le premier titre « Que Gloire Soit Notre ! » qui n’aurait pas dénaturé en ouverture du dernier Summoning, l’une des principales influences de son chef d’orchestre Stuurm, Crépuscule d’Hiver nous plonge dans son monde onirique d’un autre temps, que ce soit dans ses thématiques ou ses instruments avec ses vieux synthés, où magie et guerre s’entremêlent dans une douce mélancolie déchirée par les cris Black de son maître. On retrouve deux extraits de la démo Songes Hérétiques réenregistrés pour l’occasion avec le batteur N.K.L.S. (In Cauda Venenum) : « Héraut de l’Infamie » et « Le Souffle de la Guerre » (feat. Spellbound (Aorlhac)), sonnant ainsi plus vivants. Par​-​delà Noireglaces Et Brumes​-​sinistres ravira les fans de Summoning avec ses ambiances épiques et ses polyphonies (« Le Sang sur Ma Lame ») mais introduira aussi les novices à un genre devenu désuet pour certains. [Seigneur Fred]

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