KARRAS : Au nom du père

Quand trois artistes de la scène française s’unissent dans un projet Death Metal’n Roll aux méchantes influences Grind old school, cela donne Karras : un super groupe direct et efficace basé sur la thématique du film culte L’Exorciste dont le premier péché None More Heretic a envoûté nos cages à miel le 20/03/20, date de sortie officielle de l’album en version numérique, avant une sortie physique à venir chez Verycords. En attendant leurs nouveaux concerts dans l’Hexagone (on l’espère tous au plus vite !) et malgré une annulation au Festival Hellfest 2020, nos trois hommes se sont confessés pour METAL OBS.
[Entretien avec Diego Janson (basse/chant), Etienne Sarthou (batterie), Yann Heurtaux (guitare) par Seigneur Fred – Photos : Ben Tardif]

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La dernière fois que l’on s’est croisé, Etienne, c’était lors de ta tournée d’adieu d’AqME de passage au festival Printemps Sonique à Luisant (28), à côté de Chartres il y a presque un an déjà (mai 2019). Quand je t’avais interrogé après le concert à propos de ton avenir ainsi que celui des autres membres d’AqME dont Charlotte, tu m’avais parlé de divers projets Métal plus extrêmes (Black, Death/Grind). Karras était-il déjà sur les rails et faisait-il partie de ces projets ?
Etienne :
Oui tout à fait ! Je pense que l’album devait déjà être enregistré ou en cours de. On a commencé à jouer ensemble avec Diego vers 2017 je dirais. Par la suite, Yann nous a rejoints en début d’année dernière il me semble.

Et que deviennent alors les autres membres d’AqME actuellement professionnellement et musicalement parlant, hormis bien sûr être confiné en cette période actuelle ? Comment va Vincent Peignard (chant) ? Julien Hekking (guitare) ? Charlotte allait quant à elle se retirer je crois de la scène pour s’occuper davantage de son enfant…
Etienne :
Vincent va mieux, merci ! Mais il lui reste encore des examens à faire pour être définitivement sorti de cette saloperie. Donc faut rester prudent. En tout cas il recommence un peu à chanter, a repris une vie active et donc dans sa tête ça va beaucoup mieux. Je crois que Julien de son côté a besoin de faire de la musique plutôt tout seul et de se recentrer sur lui-même. Quant à Charlotte, je suis presque sûr qu’elle ne va pas s’arrêter de vivre pour son fils, c’est certain qu’elle va faire de la musique d’une manière ou d’une autre.

La parenthèse sur AqME étant faite, comment est né le groupe Karras ? De la rencontre avec Diego Janson (basse/chant) qui a apporté la plupart des riffs de guitare et ce choix de nom de groupe Karras mais au départ avec un seul « r », je crois ?
Diego :
Karras est né de la rencontre d’Etienne et moi par l’intermédiaire d’un pote en commun, Arno de Black Bomb A. On a en effet commencé par jouer mes riffs puis on a échangé des idées et très vite composé. Le nom du groupe est parti d’un malentendu rigolo entre Etienne et moi. J’ai tiré le nom « Karass » avec un « r » et deux « s » du livre Le Berceau du Chat de Kurt Vonnegut, la société secrète des Karass. Le nom était cool mais la signification plus confidentielle. Quand je l’ai proposé à Etienne il m’a dit “Cool comme le prêtre dans le film L’Exorciste !” Paf on tenait un nom de groupe et un concept mortel !
Etienne : Au départ je ne cherchais pas particulièrement un nouveau projet musical, j’en avais déjà bien assez! Mais quand j’ai rencontré Diego et qu’il m’a montré ses idées, j’ai tout de suite compris qu’il se passait un truc entre nous. Ça a fait « clic » direct.

Diego, si on connaît tous le CV d’Etienne Sarthou (AqME) et Yann Heurtaux (Mass Hysteria), on connaît moins le tien… Quel est ton background musical ? Tu évoluais dans Sickbag comme chanteur déjà, c’est ça ? Quoi d’autres à ton passif ?
Diego :
Je viens du milieu underground. J’ai créé Sickbag début des années 2000 en tant que guitariste. A l’époque on jouait du Grindcore à la Napalm Death. On a signé sur le label Polonais Deformeathing Production ce qui nous a permis de tourner dans les pays de l’est pendant plusieurs années. On a ensuite signé sur Destructure Records, un label DIY sur lequel on a sorti notre dernier album avant de splitter. Tu peux encore l’écouter sur YouTube, il s’appelle Shades Among Shades et c’est plus orienté Metal crade…

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Line-up de KARRAS : Diego (basse/chant, guitare studio), Etienne (batterie), Yann (guitare live)

A quel moment arrive alors intervient Yann Heurtaux à la guitare dans Karras ? Après la naissance de la collaboration entre Etienne et Diego ? Une fois que Mass Hysteria se posait un peu après la tournée de Maniac et votre participation au Hellfest 2019 paru d’ailleurs officiellement en CD/DVD live ?
Diego :
Yann nous a rejoints un peu plus tard. On a pas mal tâtonné avec Etienne au début, mais c’était évident que Karras devait être un trio. J’ai commencé le projet à la guitare et je me suis vite aperçu que je ne pourrai pas faire une guitare super précise et gueuler de toutes mes tripes en même temps. Je suis donc passé à la basse et on a décidé de demander à Yann que l’on connaissait déjà de nous rejoindre. Il m’a dit de suite qu’il n’aurait pas le temps. Je l’ai tanné pour qu’il écoute quand même l’album et il m’a répondu texto : « Mec, je ne sais pas comment mais je vais le faire ». Je crois qu’il a bien kiffé l’album… (sourires)

Yann : as-tu pu apporter des idées au projet (paroles, musique) ou bien as-tu été simple exécutant en tant que guitariste sur ce premier album intitulé None More Heretic, Diego et Etienne t’ayant mis le couteau sous la gorge et imposé leurs partitions à la guitare… ? (rires)
Yann :
Non, je suis arrivé alors que l’album était fini, et c’est la qualité de l’album qui m’a décidé à participer au projet quand Diego m’a contacté pour me demander de rejoindre Karras. Au début, je ne voyais pas trop comment je pourrais car mon planning est vraiment compliqué (avec Mass, etc.) mais à l’écoute, j’ai rappelé Diego et je lui ai dit : « ok ! ».

Techniquement, as-tu changé et dû adapter ton jeu à la guitare ou t’équiper de matériel spécifique pour jouer les morceaux de Karras à la guitare (ampli à lampe par exemple plutôt qu’à transistor, accordage spécial, micros de guitare, guitare, etc.) ?
Yann 
: Alors oui forcément ce ne sont pas mes morceaux donc j’ai dû me les approprier, ce que j’ai fait avec plaisir car les morceaux sont vraiment bons, ça va droit à l’essentiel comme j’aime. (sourires) Nous sommes accordés en drop LA comme certains morceaux de Mass donc ça ne me change pas grand-chose…Par contre Diego et Etienne ont insisté pour que je joue live sur le set qui a servi à enregistrer l’album ce que je comprends totalement et ça fonctionne.

Musicalement, l’influence majeure qui ressort dans Karras est clairement celle de l’album Wolverine Blues d’Entombed (Earache Rec. 1993), même si le côté Rock’n Roll est moins présent peut-être, au profit d’autres influences comme du Grindcore old school et un côté sombre du fait de la thématique de l’album autour de l’Exorciste. Partagez-vous cette analyste ? Wolverine Blues est un album qui vous a beaucoup marqué à l’époque dans les années 90 ?
Diego :
Oui tu as bien résumé les influences, Wolverine Blues en est une pour moi. Je le réécoute encore souvent, il n’a pas pris une ride je trouve. On est aussi influencés par la scène Death Metal anglaise des années 90 comme celle de Floride et de Suède. On adore aussi les groupes comme Nasum, Rotten Sound ou Napalm Death. Quand j’entends les « nouveaux » groupes comme Nails, Cult Leader, Jesus Piece, Fuming Mouth, Lik, Entrails et plein d’autres, je suis heureux de constater qu’on est pas les seuls à kiffer cette période !

ENTOMBED Wolferine Blues (Earache Rec. 1993)

Etienne : le son est volontairement old school mais relativement propre sur None More Heretic. Est-ce que vous l’avez enregistré à la maison en France en faisant appel à tes compétences acquises sur les anciens albums d’AqME comme Sombres Efforts et les suivants grâce à la collaboration avec Daniel Bergstrand en Suède ? Ou alors êtes-vous allés en Suède enregistrer pour retrouver ce son à la Entombed ? Tu y as encore des contacts là-bas ?
Etienne : En effet, c’est moi qui ai enregistré et mixé l’album. Ça fait plusieurs années que je bosse dans la prod’ et je possède mon propre studio depuis un petit moment déjà… C’était donc tout naturel que je sois aux manettes pour cet album, d’autant que Diego me fait super confiance sur ce point. L’idée était clairement de capter quelque chose d’urgent, qui vient des tripes. Faut que ça aille à l’essentiel et que ça reste bien Rock n’ Roll. Donc le résultat est très cru, mais quand même un peu produit pour que ça soit bien puissant. D’après les retours que j’ai, l’objectif est atteint et je suis ravi que la prod’ de ce disque plaise autant !

Au niveau de la thématique, Karras est centré donc sur le Père Damien Karras, personnage principal du film de Wiliam Friedkin (1973). En quoi ce film culte d’horreur vous a marqué durant votre enfance ou jeunesse, et ne le trouvez pas vieilli à son visionnage de nos jours ?
Diego : Il m’a complètement fait flipper quand j’étais môme ! J’y croyais vraiment, je pensais que ça pouvait arriver à n’importe qui. Je l’ai beaucoup revisionné durant le processus d’écriture des paroles et je peux te dire que j’avais encore des frissons ! Après c’est un film d’horreur “à l’ancienne” où il y a une intrigue qui se met en place doucement, où il y a des dialogues et où les scènes d’horreur se déroulent les 20 dernières minutes. J’aime ce format. Les films d’horreur actuels te coupent une jambe à la 3ème minute, je suis moins fan…

Avez-vous vu le film Hérédité paru il y a 2 ans ? (Hereditary en anglais) Si la photographie est différente et sa mise en scène plus moderne, il a été beaucoup comparé à sa sortie à L’Exorciste par la presse spécialisée. Qu’en pensez-vous si vous l’avez vu ?
Diego :
Non, je ne l’ai pas vu.
Etienne : Pas vu non plus !

Sur None More Heretic, divers samples du film figurent mais sans toutefois en abuser, contrairement à des groupes comme les Américains de Mortician l’ont fait par le passé avec Massacre A La Tronçonneuse avec l’album Chainsaw Dismemberment (Relapse Rec. 1999) ? Avec tous ses emprunts et inspirations liés au film L’Exorciste, ne craignez-vous pas de devoir payer des royalties aux ayants droits ? (rires)
Diego :
Tu entends des sons qui n’existent pas, toi ? (rires) Je connais un exorciste si tu veux… (sourires)

La musique du film de L’Exorciste fut célèbre grâce à la mélodie du thème principal « Tubular Bells » signée du compositeur et multi-instrumentiste britannique Mike Oldfield, mais vous ne vous en êtes pas inspirés. C’est étonnant, pourquoi ? Cela aurait été sympa de sampler un extrait pour conclure l’album sur votre dernier titre qui est une sorte d’outro : « The End Of All Happy Endings » ?
Diego :
Car c’est justement une chanson à royalties élevées ! (rires)

Actuellement en cette période de confinement, répétez-vous par Skype ou autre moyen afin de vous entraîner ensemble mais séparément maintenant que l’album est enregistré et restez échauffés pour interpréter live ce premier album ?
Diego :
Non nous ne répétons pas par Skype ou autre, on aime être tous les trois pour faire ça. Et mon voisin aime le calme, qu’il n’aurait pas si je gueulais dans un micro devant mon ordi. (rires)
Etienne : Ce n’est pas notre genre de répéter via internet… A vrai dire, je ne suis vraiment pas emballé par le concept même. Pour moi la musique se vit ensemble, dans une pièce, à respirer et jouer à l’unisson. C’est quand même un truc fondamental que la technologie ne peut pas remplacer. Donc tant pis, on ne répète pas. Alors pour une fois montrons-nous patients face à cette situation inédite. Quand on pourra à nouveau jouer on en sera encore plus heureux.

Enfin, Karras a-t’il pour vocation de se produire en live sur scène ou bien il s’agit d’un simple nouveau projet studio ? Une tournée est-elle déjà au programme en 2020 ou 2021 ?
Diego :
Rien n’est programmé pour le moment mais nous avons bien l’intention de tourner et nous produire en live. Nous venons de rejoindre le tourneur The Link Productions avec qui nous allons bosser dure pour tourner dans les prochains mois.

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KARRAS live 2019

Karras est programmé pour se produire au Festival Hellfest 2020 sur la scène Altar. Comment voyez-vous l’avenir et pensez-vous pouvoir jouer là-bas étant donné les conditions actuelles ? Le festival Download en Angleterre a d’ores et déjà été annulé cet été en juin prochain par exemple…
Diego :
On espère de tout cœur que le festival sera maintenu mais personne n’est capable aujourd’hui de l’affirmer. Qui peut faire des prévisions à long terme ? Nous vivons des temps troubles. On attend, on verra bien.
(NDLR : entre temps, l’édition 2020 du festival Hellfest à Clisson a été officiellement annulée malheureusement après cette interview).

Merci beaucoup pour vos réponses collégiales. Prenez soin de vous en cette période de confinement, et bonne chance avec ce premier album !
Etienne : Merci à toi Fred ! Bon confinement également !


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