MINISTRY : Moral Hygiene

Moral Hygiene - MINISTRY
MINISTRY
Moral Hygiene
Indus Metal
Nuclear Blast

Visiblement inspiré et relancé depuis son précédent album AmeriKKKant paru en 2018, et ce malgré quelques évènements tragiques survenus dans le line-up du fameux ministère de l’industrie métallique auparavant (entre autres, sans refaire toute la rubrique nécrologique de Ministry, il y eut en dernière date de 2012 la mort du guitariste/bassiste Mike Scaccia (R.I.P.)), le vétéran et leader guitariste/chanteur Al Jourgensen nous avait alors confié à l’époque en interview se sentir plus vivant que jamais et clean, après ses problèmes de santé personnels (arrêt de la drogue, nombreuses opérations de 13 ulcères au total !). Entouré du gratin de la scène Metal indus, il faut dire que Ministry ne pouvait que proposer le meilleur à ses fans de longue date même si le dernier album en avait déçu certains par sa suffisance. Rappelons au passage que Ministry a été fondé un beau jour de 1981 à Chicago tout de même. Alors si AmeriKKKant n’était pas non plus renversant et sentait un peu le réchauffé en suivant les gimmicks électroniques et provocations lyriques habituelles, cela faisait toujours plaisir de balancer quelques petites bombes au président feu Donald Trump, même si son remplaçant ne fait rien d’extraordinaire finalement depuis son arrivée à la Maison Blanche (vaccination en masse des Américains avec les doses commandées par son prédécesseur, évacuation totale de l’armée américaine de déjà engagée par Obama puis Trump, politique nationaliste dans le domaine de l’économie et de la défense (crise récente des sous-marins opposant la France et l’Australie, favorisant les USA), etc. ). Alors quid du cru 2021 de notre vieil ami Jourgensen ? Bah, on prend quasiment la même recette, et on recommence, sauf qu’une pandémie de coronavirus est passée par là entre-temps… Ainsi, ce quinzième album studio s’ouvre en premier lieu sur le morceau « Alert Level » diffusé très largement dès le printemps dernier sur la toile durant notre dernier (du moins, on l’espère !) confinement. Avec son sample entêtant « How concerned are you ? » qui tourne en boucle, Ministry commence simplement et sagement, sans agressivité, nous faisant nous interroger sur cette récente crise sanitaire…

Succède alors le plus énergique « Good Trouble« , second single de Moral Hygiene. Mais là encore, après son rythme sur les chapeaux de rouge et son premier break, le couplet laisse place à une accalmie. On sort le transat et passe un peu en mode relax. Cela commence fort au début, puis ça se calme donc. L’harmonica impulse enfin un refrain plus énergique et heavy au niveau des guitares de la paire Cesar Sotto/Monte Pittman (ex-guitariste de Madonna et auteur de deux excellents albums Metal en solo chez Metal Blade !), rappelant un peu la période plus abordable des albums de Ministry, à savoir Filth Pig et Dark Side Of The Spoon dans la seconde moitié des années 90. Comme l’obsession de Jourgensen pour George W. Bush Junior en son temps, un sample ironique de Trump (encore) nous rappelle au passage AmeriKKKant, et la vidéo aussi du clip de « Good Trouble« . Comme quoi, finalement, Trump ou Bush sont les meilleurs ennemis et sources d’inspiration qu’a peut-être jamais eus Al Jourgensen pour relancer sa carrière durant les années 2000.

Sur le plus nerveux mais néanmoins mélodieux « Sabotage is Sex« , Jello Biafra (Dead Kennedys), bien connu pour ses diverses collaborations avec Sepultura, Neurosis ou Brujeria, s’invite au micro sur une superbe chanson aux orchestrations soignées et au rythme entraînant, entre Rammstein et Killing Joke. Ou plutôt, l’ex-chanteur des célèbres punks Dead Kennedys assure un bref retour dans Ministry ici, cette fois en studio, lui qui avait été le chanteur du groupe américain sur scène durant l’année 1990… Les choses s’accélèrent un peu avec le morceau « Disinformation » avec son tempo martial et typiquement industriel, sur fond de fake news et autres absurdités dont Trump était le spécialiste et premier relais dans les médias américains et internationaux entre deux parties de golf. Mais très vite, le soufflé retombe de nouveau pour laisser place à un morceau, certes catchy, mais trop lancinant, à l’image de la reprise bien tranquille de « Search and Destroy » des Stooges et Iggy Pop (on serait curieux de connaître l’avis du vieil Iguane), mais qui n’a rien de très Punk ni Thrash. Le solo de guitare est sympa, assez original, mais ça reste bien trop cool. On se demande alors où sont donc passés les riffs assassins d’un « N.W.O. » à la grande époque des brûlots de Ministry que furent The Mind Is a Terrible Thing to Taste (1989) ou Psalm 69: The Way to Succeed and the Way to Suck Eggs (1992) ? Avec un tel casting de choc, les deux guitaristes précités accompagnés du précieux John Bechdel (ex-Prong, Killing Joke, ex-Fear Factory, Ascension Of The Watchers…) aux claviers et samples, et l’excellent Roy Mayorga à la batterie (ex-Soulfy, Stonesour…), on aurait aimé plus d’impact quand même de la part d’Al Jourgensen. Ce dernier, âgé de soixante-trois maintenant et qui a connu bien des problèmes de santé, de drogue, etc., semble privilégier la mélodie et les choses simples sur ses nouvelles chansons de Moral Hygiene, avec des passages plus easy-listening (enfin tout est relatif, ça ne va pas passer sur les ondes de NRJ demain, ni à Culturebox à la TNT) pour continuer à faire passer son message sur la décadence de l’Amérique et de nos sociétés occidentales. Le fondateur de Ministry a d’ailleurs avoué dernièrement voir le verre à moitié plein de nos jours plutôt qu’à moitié vide, plaçant presqu’un espoir dans l’espèce humaine (la titre « Believe Me« ) malgré toute cette actualité anxiogène véhiculée par les médias qu’il dénonce une nouvelle fois ici sur son quinzième album studio. Si on retrouve ce qui a fait le charme des expérimentations indus de Ministry (« Broken System« , « Good Trouble« , etc.), on aurait aimer plus d’agressivités dans les guitares, plus de riffs tout bêtement, avec des samples assassins, certes présents tout au long de Moral Hygiene, mais qui revêtent ici une saveur presque stérile, un côté aseptisé, presque trop propre. Peut-être est-ce là la nouvelle politique musicale du vétéran et respectable Al Jourgensen, lui qui aime tant la France et l’Europe, et dont on attend des nouvelles scéniques prochainement. [Seigneur Fred]

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