MOTOCULTOR 2017 : live report

Pour cette dixième édition du festival breton toujours à côté de Vannes, il s’agissait de ne pas se planter cette année suite au crowdfunding relativement réussi en mars dernier (la moitié de la dette épongée avec 66 331 Euros récoltés !), 2017 étant donc décisif pour l’avenir du Motocultor. Et les fans ont répondu suffisamment présents, malgré une fréquentation en baisse par rapport aux deux précédentes éditions. Rendez-vous est d’ores et déjà pris pour 2018 ! [Texte et photos : Seigneur Fred]

Vendredi 18 août 2017
Tels les cieux obéissants aux dieux bretons du metal, le soleil se présente aux premiers et fidèles festivaliers, chassant ainsi la pluie de la veille. Le vendredi midi s’annonce alors sous les meilleurs auspices sur le site de Kerboulard (dans cette configuration pour la seconde fois avec camping mis à la place du grand parking auto habituel) avec notamment parmi les groupes à ouvrir les hostilités nos voisins belges et Thrasheurs d’Evil Invaders sur la Dave Mustage qui vont littéralement atomiser le pit grâce à un show bien Speed et old school, evil à souhait, très pro et énergique vous mettant d’emblée dans l’ambiance (nouvel album à paraître fin septembre chez Napalm Rec.). Alors que les Death Metalleux allemands (mais d’influence suédoise) de Deserted Fear, ravis d’être là, effectuent l’un de ses premiers concerts français sur la Supositor Stage, nos Ch’tis de Glow Sun délivrent un set puissant et groovy avec leur Stoner d’excellente facture. Si on regrette chez les Danois de Hatesphere depuis déjà dix ans le départ du frontman Jacob Bredahl au côté du guitariste et seul membre d’origine Pépé toujours aussi efficace dans ses riffs, leur dernier et sympathique chanteur en date Esse fait toutefois le boulot devant des fans bien plus sages qu’au Hellfest 2006 (cf. DVD officiel). Avant même la sortie de son premier album conceptuel Where Hatred Dwells And Darkness Reigns mi-septembre (Non Serviam Rec.), le groupe suédois Zornheym effectue avec détermination (à l’image de son chanteur hypra-motivé Bendler (Facebreaker, Scar Symmetry)) son tout premier concert devant un public séduit par son Black/Death symphonique aux grandes influences Grief Of Emerald même si les touches symphoniques sont bien peu audibles malheureusement…

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Alors qu’on se souvient du Death Metal moderne et puissant des Marseillais d’Acod vus sur la précédente tournée française de Dagoba (euh laquelle, vous demanderiez-vous ?), l’ambiance va successivement monter d’un cran au Motocultor avec deux jeunes formations d’outre-Rhin, mais toutes deux déjà pleines d’expérience scénique : Mantar sur la Massey Ferguscene et Dust Bolt sur la Supositor Stage (inversé deux heures plus tard avec les sympathiques Punks à kilt et cornemuse de The Real Mc Kenzies). La première, constituée d’un duo guitare/chant et batterie était très attendue par les amateurs de Sludge/Doom/Black (et Punk !) qui en prennent plein les oreilles (quelle distorsion !) pendant 50 mn. C’est bien simple : Mantar joue comme si leur vie en dépendait et l’Apocalypse avait lieu ce soir. Le chanteur, énervé par le manque d’énergie des spectateurs alors qu’il « vient de prendre deux avions pour venir » nous balancer ses riffs énormes, maltraite tellement sa six-cordes qu’il en casse, le batteur improvisant alors durant cet incident technique, mais qu’importe. Comment ne pas résister aux morceaux de leur second et dernier album en date Ode To The Flame (Nuclear Blast) paru l’an passé et pour lequel nous avions déjà craqué ? Quant à Dust Bolt, dans un tout autre genre qu’est le Thrash Metal, il donne un show tout bonnement vivifiant, encore meilleur que sur son dernier opus studio Mass Confusion. Le quatuor a parfaitement digéré ses influences allemandes et américaines et sait faire parler la poudre sur scène même si au niveau du chant cela manque encore de précision et de personnalité. Entre temps, nous avons droit à une superbe messe de Doom Metal lyrique par la légende Candlemass. Du pur bonheur à l’état pur malgré l’atmosphère sombre de ce genre musical qu’ont véritablement créé au début des années 80 ces Suédois. Même si le célèbre bassiste et principal membre Leif Eideling ne tourne plus avec ses comparses (idem pour Avatarium) suite à son burn out il y a quelques années, les musiciens ne déçoivent jamais et leur set est bien rôdé avec des riffs Heavy de chez Heavy, bien appuyés, et ce son typique au groupe. Mention très bien au formidable chanteur qu’est Mats Levén (ex-Therion, Y. Malmsteen, Trans-Siberian Orchestra live, etc. et producteur studio des Crucified Barbara à ses heures perdues) qui fait vite oublier le plus dramatique Robert Lowe (Solide Aeternus) et même le capricieux Messiah Marcolin grâce à son timbre de voix extraordinaire et son attitude plus Rock’n Roll ! Ensiferum montera ensuite sur la même scène devant un public massif et au taquet. Les Finlandais sont plus qu’attendus suite à leur petite annonce publiée en guise de teasing sur le site officiel du Motocultor quelques semaines auparavant. Leur Folk Metal épique et viking fait mouche auprès des fans et séduit les néophytes même si paradoxalement, il n’y a aucun instrument folklorique ?! Certes, il y a l’accordéon de la charmante Netta Skog (désormais blonde) mais cet instrument n’existait point dans les temps païens anciens et nous ne l’entendrons pas de la soirée de toute manière, couvert par la double grosse caisse lourde et triggée et les nappes samplées de claviers. La chanson « Way Of The Warrior » sera jouée en avant-première, extraite du nouvel album à paraître mi-septembre Two Paths (Metal Blade Rec.). Un très beau show, classique et enjoué, mais sans ce véritable parfum de folklore finlandais finalement…

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Place ensuite entre la Belle ou la Bête, à savoir Blues Pills et sa charmante chanteuse suédoise Elin Larsson, ou bien nos Stéphanois de Benighted et son chanteur Julien aux paroles schizophrènes et gore… Nous, on aime les deux alors nous assisterons aux deux prestations qui démontrent tout l’éclectisme du festival. Passée la petite intro du dernier album en date Necrobreed, Benighted rentre dans le tas et ce fut comme d’habitude la boucherie dans le pit et sur scène avec un Julien Truchan toujours aussi impressionnant au micro entre les growls et divers bruits de porcins égorgés qui pourrait très bien illustrer le générique d’une émission TV version Metal à la campagne « La Mort est dans le Pré »… Kevin Foley (ex- Abbath, etc.), de retour aux fûts, fait très plaisir à voir, mais a contrario, le guitariste co-fondateur Olivier Gabriel a quitté le groupe en début d’année et c’est Fack de Carnival In Coal qui le remplace dignement dorénavant. Pendant ce temps-là, c’est plutôt ambiance « Flower Power » et « Peace & Love » à la Massey Ferguscène avec Elin Larsson et son guitariste Dorian Sorriaux au look seventies… Même si on entend et voit partout actuellement Blues Pills dans notre contrée (Download, Festival Aucard de Tours, etc.), le Blues Rock teinté de Soul des Suédois fait danser les festivaliers et le numéro de charme de sa chanteuse tape dans le mille pour la plus grande joie des photographes. Leur dernier album studio Lady In Gold (Nuclear Blast) était décevant, mais en live, Blues Pills donne toujours la banane. Changement de registre et d’ambiance à côté avec d’autres Suédois, couverts de sang et très attendus eux aussi, j’ai nommé Bloodbath, plutôt rares sur scène, surtout avec ce line-up de luxe : Anders « Blakkheim » Nyström (Katatonia, Diabolical Masquerade…) à la guitare et un certain Tomas Åkvik remplaçant pour l’occasion de Per « Sodomizer » Eriksson (parti vivre à Barcelone), lui-même remplaçant à ce poste du célèbre producteur et multi-instrumentiste Dan Swanö, le discret mais efficace Jonas Renkse (Katatonia) à la basse cinq cordes, l’excellent Martin « Axe » Axenrot (Opeth, etc.) à la batterie, et enfin au micro depuis le dernier album et réussi Grand Morbid Funeral en 2014 : Monseigneur Nick Holmes tout de noir vêtu dans sa tenue de prêtre… Le chanteur d’un certain Paradis Perdu, à l’affiche le lendemain ici-même, assure parfaitement les growls, lui qui voulait autrefois comme Michael Akerfeldt ne plus vouloir chanter ainsi. Ayant sérieusement travaillé sa voix dernièrement au sein de son groupe principal, Bloodbath lui permet de s’exprimer autrement et de se faire plaisir en se replongeant dans ses racines Death Metal suédoises. Pas toujours à l’aise dans son rôle de frontman avec Paradise Lost, le désormais successeur du chanteur d’Opeth à ce poste fait des efforts de communication et annonce d’ailleurs à plusieurs reprises « nous sommes Bloodbath et venons de Suède » avec son accent anglais… Une excellente leçon de Death Metal à la suédoise, rappelant la vague de Stockholm à l’aube des années 90, en plus sanglant et technique cependant, devant des fans ravis. Dans une ambiance magnifique avec fumigènes, lumières bleues et un pied de micro en forme de poulpe, les Bordelais de The Great Old Ones, habillés de noir et encapuchonnés, s’emparent de la Supositor Stage pour nous emmener dans le monde sombre et imaginaire de H.P. Lovecraft (portrait projeté en fond sur scène) dont le troisième et très bon dernier album EOD : A Tale of Dark Legacy paru cette année s’inspire une nouvelle fois. Si leur Post-Black Metal sombre et ésotérique peut paraître hermétique aux néophytes, les initiés apprécient cependant. Après, si vous préférez partir en rave party avec la Techno Hardcore d’Atari Teenage Riot, c’est vous qui voyez, chacun son truc. Nous constaterons tout de même que le côté Punk s’est estompé chez les Allemands par rapport à une dizaine d’années quand ils fréquentaient déjà les festivals alternatifs, et ce au profit d’un esthétisme plus léché. Mais le clou final de cette première soirée sera avec Opeth qui délivrera une set-list identique à celle du Hellfest deux mois auparavant, mais quelque peu différente tout de même de leur passage en 2015 au Motocultor (malgré les mauvaises langues…), le groupe suédois ayant sorti entre-temps le magnifique et plus sombre Sorceress dont la chanson-titre ouvrira le bal avec maestria. Notons le remarquable travail du batteur Martin Axenrot jouant successivement deux concerts ce soir-là. Un show superbe avec de belles et meilleures lumières qu’il y a deux ans, bref, comme bien souvent, la grande classe.

Samedi 19 août 2017
Nous repartons de nouveau en Suède ce samedi midi avec Interment, un groupe de Death Metal sympathique à l’ancienne originaire d’Avesta, non loin d’Uppsala. Si la formation, auteur seulement de quelques démos, est morte née au début des années 90 à l’époque des Entombed, Unleashed et Grave, elle s’est reformée en 2002 et a sorti l’an passé son second album Scent of the Buried (Pulverised Rec.). Si l’ensemble est plutôt basique et bien en place, cela ne déclenche pas d’émeute dans le pit de la Dave Mustage, le public se réveillant à peine…

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Pour être dans la joie et la bonne humeur, il fallait plutôt être décidément du côté de la Supositor Stage où les comiques autrichiens d’Insanity Alert donnent un pur moment de récréation Thrash/Crossover aux influences Municpal Waste, etc. À l’aide de faux discours anglais par son chanteur, de chansons aux titres philosophiques (« Why David Guetta is still alive ? ») et divers clins d’œil à Anthrax (« Run to the pit, Mosh for your life ! ») panneaux informatifs à l’appui, nos quatre lascars mettent enflamment véritablement le pit sous un soleil radieux. Pendant ce temps-là, c’est le Déluge aquatique avec les Lorrains qui proposent un Black Metal/Post Hardcore intéressant quoique binaire, leur premier album Aether paru il y a deux ans (Les Acteurs de l’Ombre) étant basé sur la thématique de l’eau justement. Il manque toutefois un peu d’agressivité dans l’attitude pour du Black (peut-être à cause du soudain décès du père du batteur quelques jours auparavant, mais nous ne leur en tiendrons point rigueur). Un groupe français à suivre de près et dont nous attendons leur prochain album d’ici un à deux ans. Toujours dans un registre Black Metal bien plus traditionnel et brutal, les Belges de Wiegedood font une prestation éclair. Si le tempo ne variera que durant un seul morceau, ce trio flamand interpelle par sa précision et sa puissance même si le show en lui-même reste très simple. Une bien belle surprise pour les amateurs de True Black Metal… Dans un genre aussi extrême, mais plus cradingue et brut, Vallenfyre ravit ensuite les nostalgiques de Nihilist/Entombed/Unleashed, Carcass, Napalm Death et autres douceurs Death Metal old-school aux accents parfois Grind/Crustcore ou Doom d’antan. Nous ne manquons donc pour rien au monde la double venue du guitariste anglais Greg Mackintosh (Paradise Lost) au nouveau look d’Iroquois (rappelant ses racines Punk) et exclusivement chanteur ici au côté de son ami Hamish Hamilton Glencross (ex-My Dying Bride). Son second concert, plus tard dans la soirée, avec sa célèbre et principale formation Paradise Lost sera à l’antithèse de celui donné en juin dernier au Download Festival près de Paris, à savoir superbe et bien sonorisé, comme quoi la nuit sied à merveille au Gothic/Doom Metal. Entre temps, la très belle surprise résida assurément dans les ritournelles des jeunes Tourangeaux de Toter Fisch dont l’accueil fut inattendu et formidable. En effet, quoi de mieux que du Pirate Metal pour festoyer dans un festival ? Ruez-vous sur leur premier album autoproduit Yemaya ! Histoire de ne pas se refroidir, direction la Supositor Stage pour du Hardcore parisien avec d’autres Français : Providence. Réputés pour des concerts rentre-dedans, sur scène les musiciens et son chanteur aux interjections graves dans sa tonalité de voix manquent un peu d’énergie alors que les plus Coreux des festivaliers s’en donnent à cœur joie dans la fosse. Changement d’ambiance avec le très attendu phénomène Igorrr. Tour à tour surprenant, dérangeant, envoûtant ou incongru, le moins que l’on puisse dire est que ce one-man-band devenu quatuor ne laisse pas indifférent sur scène. Originaire de Strasbourg et fan à la fois de musique classique et de Métal extrême, Gautier Serre a fondé cet OVNI musical en 2005 mélangeant musique baroque, électronique et Black/Death Metal (certains qualifient l’ensemble de Breakcore baroque expérimental !) et a déjà collaboré, excusez du peu, avec le guitariste actuel Teloch (Mayhem, Nidingr, Myrkur…) ou bien sur les remixes du dernier album de Morbid Angel, Illud Divinum Insanus. Assez impressionnant visuellement et avec la présence d’un véritable batteur (contrairement à Atari Teenage Riot dans un autre genre Électro) au côté du DJ, le duo vocal entraîne peu à peu le public dans sa danse emplie de folie et parfois de colère.

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Il manque toutefois un petit quelque chose pour nous convaincre totalement avec cet éternel thème de la Belle et la Bête (Laure Le Prunenec et Laurent Lunoir dont le travail de maquillage est à signaler au passage) dont la fin quelconque du show décevra quelque peu les fans. Si vous avez aimé, ne manquez pas leur dernier disque Savage Sinusoid (Metal Blade Rec.). On continue encore dans l’électro sur la scène voisine avec un duo français talentueux et intelligent mais pas vraiment adapté en festival : The Algorithm. Si les certains fans de Messhugah et codeurs informatiques à leurs heures perdues apprécieront, d’autres en profiteront alors pour se restaurer. Rendez-vous à présent sous la Dave Mustage pleine comme un œuf pour la messe des rois et fondateurs du Gothic/Doom Metal : Paradise Lost (cf. lire plus haut). Et ce soir, la messe fut parfaite grâce à des lights dignes de ce nom, un Nick Holmes en grande forme au chant (bon, il ne faut pas non plus trop lui en demander quand il s’agit de communiquer avec le public, mais il fait le minimum syndical et pour ce genre musical, ça suffit !), et la guitare lead du gaucher et désormais iroquois Greg Mackintosh (vu au micro plus tôt dans l’après-midi avec son side-project Vallenfyre) qui fonctionne et s’entend ! Avec une set-list passant en revue les plus grands hits extraits de la riche discographie des Anglais (« No Hope In Sight » et « Beneath Broken Earth » du monstrueux dernier album The Plague Within, l’indispensable « Pity The Sadness » de Shades Of God, les magiques « Embers Fire » et « True Belief » d’Icon, « The Enemy » tiré d’In Requiem et où le sample d’intro n’a pas foiré pour une fois, et « Faith Divides Us – Death Unites Us » de l’album du même nom). Les fans sont ravis et même les non-fans. Mention bien à son nouveau batteur finlandais Waltteri Väyrynen (Vallenfyre, Abhorrence), discret mais très efficace, qui remplace avec brio derrière les fûts Adrian Erlandsson bien trop occupé dans ses propres groupes (The Haunted, At The Gates, The Lurking Fear, etc.)… Le public du Motocultor aura même droit en avant-première à deux nouveaux titres (« Blood and Chaos » et « The Longest Winter ») issus du prochain album Medusa à paraître à la rentrée (Nuclear Blast) aux sonorités plus que jamais Gothic/Doom/Death mélodique. Un petit « Say Just Words » en guise d’au revoir et la messe est dite. Il manquait plus qu’ « As I Die » et cela aurait été parfait ! Mais conditions de festival obligent, il faut enchaîner. C’est ce que nous faisons avec Obituary qui va jouer sur la plus petite scène du festival : la Supositor Stage ?! Résultat : la prairie qui s’offre face à la légende de Floride est pleine, sa capacité étant plus que limite niveau sécurité, car les fans, très nombreux, n’attendent qu’une chose : entendre et réentendre les classiques Death Metal des Américains et se lâcher dans le pit. Comme à leur habitude, les frères Tardy en bermudas/treillis été comme hiver rentrent dans le tas avec du neuf tiré des deux derniers albums en date (Inked In Blood et Obituary) et surtout du vieux comme « Chopped In Half », « Cause Of Death », et un « Slowly We Rot » final qui met tout le monde d’accord avec un Terry Butler (Massacre, ex-Death) puissant sur sa basse et un Kenny Andrews impérial à la seconde guitare, confirmant le bon choix de Trevor Peres en 2012 lors du recrutement à ce poste. On se dit alors que si Obituary revenait jouer chaque année au Motocultor, nous on signerait d’office ! Après une leçon de Death Metal, place à une autre leçon de la soirée : le Thrash Metal allemand de Kreator. Très attendus eux aussi, notre ami de toujours Mille Petrozza et sa horde vont donner un show carré et énergique en alignant tous ses derniers brûlots Thrash et quelques anciennetés (trop rares au goût de certains). « Hordes of Chaos (A Necrologue for the Elite) » ouvre crescendo les hostilités suivi directement de « Phobia », seul titre encore joué du sous-estimé Outcast (1997), avec show pyrotechnique (flammes, fumigènes, la totale). Les cloches retentissent, c’est l’intro de « Satan Is Real » tirée du dernier album Gods of Violence aux influences plus Heavy Metal enchaînée à la chanson-titre « Gods Of Violence ». Mille demande au public s’il désire du « vieux Kreator » : la foule répond oui, dans le mille, et on a droit à « People Of The Lie » extrait de Coma Of Souls (1990) puis d’un méchant « Total Death » figurant sur le tout premier album Endless Pain (1985) où le batteur Ventor fait encore preuve de belles ressources. On retourne dans le répertoire plus récent du quatuor d’Essen avec « Phantom Antichrist » et son refrain imparable. L’émouvant « Fallen Brother », en hommage caché à Lemmy Kilmister (R.I.P.) et plus ouvertement à tous les artistes metal disparus, fait mouche là-aussi. L’excellent guitariste finlandais de Waltari, Sami Yli-Sirniö, demeure toujours aussi calme et décontracté dans son jeu de guitare, à l’antithèse du furieux frontman. Les derniers classiques tels que « Hordes Of Chaos » ou « Violent Revolution » finissent par faire headbanguer les plus réfractaires au Thrash des Allemands, et les slams repartent de plus belle depuis la régie centrale située près de cinquante mètres de la scène tout de même. Nous verrons même une personne en fauteuil roulant (PMR) slammer au-dessus de nos têtes dans la foule compacte, jolie preuve d’égalité dans notre République le temps simplement d’un festival malheureusement. Le show se termine sur « Pleasure To Kill ». Tout simplement parfait de bout en bout ! Deutsche Qualität.

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Le Thrash a influencé le Black Metal, mais le Thrash a été influencé par le Punk alors un dilemme se pose : Discharge ou 1349 ? Les deux mon capitaine. Pour le premier, il s’agit du groupe culte anglais de Punk/Hardcore qui a presque l’âge de votre serviteur. Initiateur du D-Beat (ou Discore) mais le show décevra vite quelque peu même si bien entendu c’est culte de les voir jouer dans ce festival. Alors direction la scène reculée dans la forêt de Kerboulard pour une petite heure de Black Metal sous les étoiles, agrémenté comme Kreator de flammes histoire de réchauffer l’ambiance, car leur musique est froide et rapide comme le blizzard durant l’hiver au cercle polaire. Ces Norvégiens menés par le chanteur charismatique Ravn (Alvheim) vont droit au but et à 100 à l’heure avec leurs chansons difficilement discernables, mais tirées principalement du petit dernier Massive Cauldron of Chaos (Indie Rec.). On notera la présence de luxe de Frost à la batterie, pourtant très occupé à la veille de la sortie du prochain album de Satyricon, Deep Calleth Upon Deep (en interview dans le numéro #79 de sept/oct. 2017 de Metal Obs). Pour les plus courageux d’entre vous et nous, il ne fallait surtout pas manquer la présence plus rare sur nos terres des Irlandais de Primordial interprétant une forme de Black Metal là aussi, mais bien plus mélodique et surtout épique, d’obédience Pagan celui-ci. Avec une set-list discutable et décevante pour certains fans de longue date (il est toujours difficile de proposer un condensé de chansons en à peine une heure, condition de festival oblige). La chanson titre « Where Greater Men Have Fallen » ouvre ce bal décadent. De longues pièces (« No Nation On This Earth », « As Rome Burns ») composent toujours ainsi les prestations de Primordial où le groupe sait comment développer ses ambiances captivantes pour les plus patients et éveillés d’entre nous à l’aide d’arpèges, de montées progressives et de passages plus intenses. « The Coffin Ships » clôturera de belle manière ce dernier show de la journée ou plutôt nuit, mais on a connu son chanteur Alan A. Nemtheanga bien plus habité lors de précédents concerts, pourtant toutes les conditions idéales étaient au rendez-vous (son OK, mais lumières simplistes).

Dimanche 20 août 2017
Alors que nos vertèbres cervicales et lombaires nous rappellent nos headbangings de la veille sur Kreator et Obituary, Rectal Smegma n’en a cure et taille dans le gras direct sans préliminaire en ce dimanche midi après la messe avec son Grindgore. La curiosité nous attire à voir Monarch! car nous sommes impatients de voir ce que donne la prestation des Bordelo-Bayonnais. Fondé en 2002, ce groupe joue sans fioriture ni accoutrement contrairement à Igorrr par exemple. Au centre de la scène, la chanteuse Emilie Bresson, telle une maîtresse de cérémonie, est installée sur un autel avec ses samplers et autres effets, alors que les gaillards à ces côtés, sont occupés à balancer des riffs lourds (quand ils ne sont pas occupés à descendre une bouteille de Bordeaux) appuyés par une rythmique pachydermique. Si la sauce béarnaise met du temps à prendre malheureusement, leur Sludge/Doom Métal dépouillé et occulte captive un nouvel auditoire. À revoir dans d’autres conditions pour plus d’effets… Dans une veine plus tranquille et progressive, Monkey 3 achève ses balances et commence son show au visuel et aux airs très Pink Floydiens… Le Rock/Stoner progressif des Suisses est un pur moment de détente. Majoritairement instrumental et doté de superbes lumières, le groupe de Genève, déjà très expérimenté, est apprécié et reçoit un bel accueil. Un peu de douceur dans un monde de brutes car les deux Américains de Jucifer sur la Massey Ferguscène voisine, vont nous en mettre plein les tympans durant l’heure suivante. En effet, le couple à la ville comme à la scène Amber Valentine & Edgar Livengood, qui a radicalisé son propos sur ces derniers opus, va alors balancer sans discontinuer durant trois quarts d’heure un déluge ahurissant de riffs, de growls, et de martèlements de batterie sans se soucier des quelques enfants innocents présents au premier rang (la faute aux parents ?) et ce, dans une attitude totalement Punk et carrément Black. Si le public n’est pas très nombreux encore en ce dimanche après-midi qui s’annonçait plus tranquille, cela n’a guère d’importance à vrai dire. À l’instar de Mantar le vendredi, le duo d’Athens (Géorgie) impressionne fortement mais nous fait nous interroger, Jucifer : simple phénomène bruitiste ou musique de génie ? Peu de temps après, c’est non pas une pause, mais Point Mort et son Post-Hardcore/Metal repéré lors du Motocultor Fest Online Contest 2017. Relativement sauvage et très sombre à l’instar des feux Eths avec son ancienne chanteuse Candice, c’est une belle surprise que nous croisons. Jetez une oreille à leur EP Look At The SKy. Leur logo en revanche nous interpellera : sont-ils membres de la Franc-Maçonnerie française ?!

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Pour rien au monde à présent nous ne pouvons manquer la venue plutôt rare ces dernières années de Vital Remains. Normal, vous direz-vous, leur dernier album studio remontant à 2007 avec Icons Of Evil ! Depuis, le fameux batteur Dave Suzuki s’en est allé ainsi que le non moins fameux Glen Benton (Deicide) qui fut un chanteur intérimaire de luxe. Le guitariste Tony Lazaro demeure donc le seul membre originel et sa foi envers Satan semble intacte avec toutes ces années. Le groupe américain interprète plusieurs extraits de son dernier album et le nouveau chanteur, Brian Werner (ex-Monstrosity live) annonce un nouvel album pour bientôt a priori. Très impressionnant et dynamique, ce dernier fait finalement vite oublier son prédécesseur sur scène. Les Américains délivrent un set très puissant et relativement technique devant un parterre rempli d’amateurs de très bon (brutal) Death Metal US. On espère dans tous les cas avoir des nouvelles prochainement du groupe de Providence (Rhode Island). Dans un registre plus léger, Battle Beast sur la Massey Ferguscène ravit les fans de Heavy/Speed mélodique moderne et si son claviériste ambulant impressionne avec son grand instrument, sa chanteuse Noora Louhimo très en voix n’est pas en reste sous son joli maquillage. Le dernier album des Finlandais, Bringer Of War, connaît d’ailleurs un joli succès dernièrement et est toujours disponible chez Nuclear Blast.

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Après la récréation Folk et burlesque de Giédré, artiste féminine en solo, tout le monde repart au charbon à droite à gauche. Pour la seconde fois, Revocation revient jouer au Motocultor avec son Death/Thrash technique et groovy. Très dynamiques et véloces, les musiciens de Boston font leur show avec d’assez belles lumières et un bon son, indispensable pour apprécier par exemple leur dernier album en date Great Is Our Sin (Metal Blade Rec. 2007) plutôt complexe. Mais il manque un parfum ou ce petit plus dans l’interprétation rendant ce set de haute volée un peu clinique. Parallèlement, avec bien plus d’émotion et de feeling, c’est le guitariste virtuose allemand Uli Jon Roth (Ulrich Roth de son vrai nom) qui interprète ses propres chansons et du Scorpions sur la Massey Ferguscène avec au passage un excellent chanteur. Ce fut assurément l’un des moments forts du festival à ne pas manquer cette année après sa participation il y a quelques semaines au Wacken Open Air. Pour rappel, l’artiste joua et composa entre 1974 et 1978 au sein de Scorpions. Si le public répond présent devant le pionnier du Hard Rock Néo-classique, nombreux festivaliers préfèrent cependant aller écouler ses derniers tickets de restauration ou de bar… Un autre groupe était très attendu également alors qu’il sort tout juste son nouvel album studio acoustique Evocation II : Pantheon (Nuclear Blast), il s’agissait bien sûr de nos cousins suisses d’Eluveitie. Les nouveaux maîtres du Folk Metal étaient déjà venus ici il y a déjà deux ans et avaient reçu alors un accueil chaleureux. C’est l’occasion aujourd’hui de découvrir pour les festivaliers les nouveaux visages, car le line-up de la tribu helvète a encore bien changé depuis le soudain départ d’Anna Murphy (chant/vielle) et de deux de ses compagnons en 2016 : Matteo Sisti aux flûtes et à la cornemuse ; Alain Ackermann à la batterie, Jonas Wolf à l’une des guitares, Michalina Malisz à la vielle, et enfin la dernière arrivée et la plus capitale aux yeux des fans : Fabienne Erni au chant, à la harpe celtique et mandoline. Et cette dernière va vite conquérir son auditoire grâce à sa jolie voix (et minois) et par ses interventions judicieuses à la harpe car contrairement à Ensiferum, de vrais instruments folkloriques sont présents et audibles. La set-list concoctée par son leader Chrigel Glanzmann est savamment variée et rythmée afin de séduire tous les publics, anciens et nouveaux convertis, mais aussi les néophytes. Ainsi, le public peut tour à tour heabanguer ou guincher sur des titres d’Origins (« King », « The Call Of The Mounains ») ou Helvetios (« Havoc ») mais aussi sur des morceaux acoustiques issus des deux volets d’Evocation dont le nouveau II : Pantheon dédié aux cultes des divers dieux celtes, avec pas moins de cinq extraits (« Lvgvs », « Catvrix », « Artio », « Ogmios » et « Epona ») plus ou moins réarrangés pour l’occasion. Enfin, nous sommes en Bretagne alors comme d’habitude les festivités celtiques se concluent avec joie par « Inis Mona », la version réarrangée et personnalisée du Tri Martolod issu du folklore breton. Un agréable moment encore totalement adapté à la convivialité du Motocultor. À peine le temps de prendre une respiration et les Américains de Suffocation prennent d’assaut la Supositor Stage avec de nous présenter leur tout nouvel opus …Of The Dark Light (Nuclear Blast) que nous vous avions recommandé chaudement dans notre numéro d’été #78 de Metal Obs’. Se faisant plus rares en général que leurs compatriotes d’Obituary en France, ces autres piliers du Death Metal outre-Atlantique et précurseurs du style Brutal Death technique actuel avec ces growls plus modernes, vont délivrer un show très carré et violent. Au micro, c’est le chanteur Kevin Muller (The Merciless Concept) remplaçant de Franck Mullen puisque ce dernier a décidé de plus tourner en Europe désormais depuis déjà plusieurs années. Pas de figure de karaté ni d’uppercuts donc sur scène, mais ce diable de chanteur assure comme il faut, finissant même le concert par un slam dans le pit très agité ce dimanche soir. Si le seul membre d’origine reste maintenant Terrance Hobs à la guitare, les autres membres assurent mais manquent un peu de charisme, excepté le bassiste Derek Boyer qui pose sa basse par terre verticalement et en joue comme une contrebasse. Un bon concert de la part du groupe de Long Island mais peut-être pas LE concert du fait d’une mécanique un peu trop huilée à l’américaine et une certaine froideur dans la technicité. Devin Townsend Project misera lui aussi sur un show bien huilé, mais dans un tout autre genre que l’on qualifierait de Heavy Metal moderne et progressif. Grâce à un son parfait et des lights superbes, le génie canadien remplit le chapiteau de la Dave Mustage et le public le lui rend bien. Quel superbe spectacle également de la part des Finnois d’Insomnium dont le dernier concept-album Winter’s Gate est joué en intégralité, plus une autre chanson en prime. Cette dernière nuit de festival sera alors véritablement magique. Enfin, c’est ravis et « possédés » par le groupe culte du même nom Possessed que nous disons au revoir au chanteur assis sur son fauteuil roulant. À l’écoute de leur Death/Thrash Metal old school aux influences Black, on croirait entendre tout du long du Motörhead repris par Bathory. Tout simplement culte…

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Si tout ne fut peut-être pas encore parfait pour cette dixième édition du Motocultor sur le site de Kerboulard (parking #1 bien trop loin notamment pour les campeurs, aucun point d’eau dans l’enceinte du festival) et malgré une fréquentation en baisse mais suffisante par rapport au budget engagé cette année et aux dons reçus, on ne pourra que se féliciter sur la qualité et l’éclectisme de la programmation 2017 car oser aligner des groupes aussi différents les uns des autres constitue une véritable prise de risque artistique. Et comme chaque année, nous avons eu de véritables coups de cœur (Toter Fisch, Mantar, Blues Pills) alors longue vie au Motocultor ! Rendez-vous les 17, 18 et 19 août 2018 ! Un grand merci à tous les bénévoles.

 

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