SEPTICFLESH
Omega 666

À l’heure des éternelles pseudo-guerres de religion où certains illuminés tuent encore leur prochain au nom d’un dieu, les Grecs de Septicflesh prennent le risque de sortir un dixième album studio ambitieux basé sur le concept d’un Troisième Testament bâti cette fois par et pour les Hommes et non un Dieu. Musicalement, Codex Omega s’inscrit dans la continuité logique de ses prédécesseurs avec toujours plus d’orchestrations de haute volée et un Death Metal puissant à décoiffer un prêtre orthodoxe. Nous avons profité de pouvoir nous entretenir avec le frontman et graphiste Spiros, alias « Seth », alors en plein travail sur le nouveau merchandising du groupe, afin d’aborder l’aspect visuel de Septicflesh, l’organisation interne, mais aussi des questions plus métaphysiques…

[Entretien avec Spiros « Seth » Antoniou (basse/chant)
Par Seigneur Fred – Photo : DR]

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Je me suis toujours demandé comment tu faisais pour arriver à tout gérer : être à la fois le chanteur et bassiste de Septicflesh ainsi que le graphiste, sous le nom d’artiste Seth, et auteur de nombreux artworks de groupes y compris Septicflesh ?
La réponse est relativement facile en fait : je n’ai tout simplement pas de vie privée ! (rires) C’est le prix à payer. Dans un premier temps, je dois avouer que j’ai beaucoup de chance, car après tant d’années de dur labeur, j’ai survécu et survis grâce à l’art, sous plusieurs formes, et en cela je suis chanceux car je fais ce qui me passionne. C’est quelque chose de très important pour moi, car tout le monde ne fait pas forcément ce qu’il aime dans la vie… La musique et le dessin, le graphisme, sont des activités qui requièrent beaucoup de temps, d’investissement, avec tout un tas de processus créatifs, et les deux vont bien ensemble justement. Au final, c’est quelque chose qui me procure de l’énergie ainsi qu’un grand sentiment de satisfaction personnelle. Même si je bosse beaucoup, que cela demande d’énormes sacrifices dans ma vie personnelle, j’aime ce que je fais dans mon travail et ma façon de m’exprimer à travers l’art. Cela m’arrive parfois d’être tellement pris dans ma musique ou mes dessins que j’en oublie de manger ! (rires)

Comme tu dis, tu as la chance que ces deux activités professionnelles aillent bien ensemble et soient complémentaires dans l’intérêt général de Septicflesh… Mais comment ça se passe au quotidien ?
C’est l’aspect très positif, en effet. Septicflesh est comme une entreprise artisanale où l’on fabrique notre propre art. Je m’explique, prenons la musique par exemple. Il y a plusieurs personnes qui travaillent pour Septicflesh, je ne suis pas tout seul, attention. On fonctionne comme une équipe et on travaille super bien ainsi. Chacun d’entre nous bosse de son côté en composant et en enregistrant des idées dans son home-studio. J’enregistre mes morceaux, mon frère Chris enregistre ses propres parties avec toutes les orchestrations dont il est le concepteur, Sotiris (guitares, chant clair) également. On a un nouveau membre, notre batteur Kerim « Krimh » Lechner (ex-Decapitated, Behemoth live…) qui a également participé au nouvel album. Ensuite, une fois que l’on a assemblé toute la musique, quand tout est fini à ce niveau-là, imagine un peu : on a commencé à enregistrer une pré-production de l’album en septembre dernier, puis en janvier, on a fini il y a quelques mois. Ensuite, c’est moi cet été qui m’occupe de toute la partie visuelle avec l’artwork du nouvel album ainsi que tout le merchandising dérivé, donc tu vois un peu…

Alors c’est intéressant et l’occasion justement d’aborder l’aspect visuel très important de Septicflesh et tes sources d’inspiration. Le nouvel artwork de Codex Omega reprend le style de tes précédentes œuvres, mais dans cette tête de femme, on y voit un fœtus qui fait penser à un développement d’Alien (cf. le film) dans ce crâne à la forme étrange… Alien de Ridley Scott est-il une influence par exemple ou bien les sculptures ou peintures de H.R. Giger ? As-tu vu Alien Covenant dernièrement ?
Oui, alors concernant tout d’abord l’aspect graphique général de la pochette, j’ai voulu faire quelque chose de différent de Titan ou de The Great Mass, avec des couleurs moins sombres, voilà pourquoi le visuel est plus clair et tend vers le blanc dans ses teintes si on compare surtout par rapport à Communion ou Sumerian Daemons. On ne sait pas trop s’il s’agit d’un homme ou d’une femme ce personnage, c’est un être étrange, une sorte d’organisme de synthèse qui amène quelque chose de nouveau, comme une matrice ou un utérus donnant naissance à quelque chose d’hybride. Au début, honnêtement, quand j’ai démarré, je suis me suis dit en effet à un moment : « tiens, on dirait un Alien, c’est bizarre ?! ». Dans mon esprit, sincèrement, je n’ai pas voulu faire cela, mais après beaucoup de travail et divers procédés, cela rappelle en effet le xénomorphe, mais quand tu regardes bien en détail, c’est plus complexe que cela dans la tête de la créature qui est totalement différente. Il y a un serpent avec le fœtus dans la tête… Le message principal est minime, très précis, relativement dynamique. Il s’agit d’une matrice pour ce codex, un codexmorphe… (rires)

Et quel est le concept alors de Codex Omega à présent ? Comment est-il né ? (NLDR : un codex étant une compilation par écrit de feuilles de parchemin à l’origine inventé au IIe siècle avant J-C, en quelque sorte l’ancêtre de nos livres actuels)
Au sujet du titre Codex Omega dans un premier temps, l’idée provient à la base de notre guitariste et chanteur (chant clair) Sotiris Vayenas qui est aussi le principal parolier du groupe, c’est-à-dire en quelque sorte le cerveau de Septicflesh. Ensuite, moi, je suis celui qui visualise tout et met en forme la thématique et les textes à travers l’artwork. Tu sais, on se voit souvent et nous nous réunissons pour trouver et échanger sur tout l’aspect graphique de l’album en lien avec son/ses thème(s). Et Codex Omega correspond en fait au Troisième et dernier Testament. Il s’agit en fait de quelque chose de totalement antireligieux comme concept, et uniquement concentré sur le fait que tous les livres sont issus de l’esprit des Hommes. Dieu, Satan et les autres, ne sont que des créations de l’Homme. Et ce Troisième Testament est le livre secret qui met fin à ce conte de fées autour de Dieu et Satan, etc. et permet ainsi de s’affranchir de tout ce passé, donnant l’opportunité aux êtres humains de créer un Nouveau Testament basé sur l’Homme et non sur les dieux.

Comme une sorte de livre prophétique post-apocalyptique centré sur l’Homme ? Un concept de nouvelle vision sur le passé et l’avenir de l’Homme ?
L’avenir appartient aux Hommes, mais non ce n’est pas l’Apocalypse comme dans la Bible. Il y a un film de science-fiction par exemple se rapprochant justement de cette vision : Prometheus de Ridley Scott, la préquelle d’Alien… Si tu prêtes bien attention aux détails dans ce film, tu peux comprendre cela.

On en revient donc toujours à Alien !
Oui, je t’explique, mais il faut faire attention à l’interprétation. Si tu regardes bien les détails dans ce film plus mystique de Ridley Scott même si orienté action, cette vision de création des Hommes par d’autres Hommes qui sont des extra-terrestres (NDLR : les Ingénieurs) est développé, et ces derniers sont presque considérés au départ comme des Dieux créateurs, mais en fin de compte non. Le film en connexion ensuite avec Alien et sa genèse possède une approche plus philosophique et mystique qui se rapproche de notre thème.

La première chanson s’intitule « Dante’s Inferno » en rapport avec la célèbre œuvre littéraire. Chaque chanson est-elle un concept à elle toute seule dans cet album alors ?
Ce morceau est lié à la Divine Comédie de Dante Alighieri, oui, mais chaque chanson sur l’album est différente. Elles sont reliées entre elles bien sûr, comme une chaîne d’ADN, car il y a des éléments communs entre elles qui composent ce Codex Omega. Par exemple sur « Dante’s Inferno » qui se situe entre la vie et la mort, dans le chemin qui mène vers l’Au-delà parmi les neuf cercles composant l’Enfer et le héros est banni selon son péché, car il n’a pas suivi les règles de Dieu, le premier cercle étant celui des Limbes où l’on retrouve d’abord les païens et êtres impies, etc. Puis « 3rd Testament (Codex Omega) » fait donc référence au livre secret dont je te parlais qui contient ce savoir mystique sur l’Homme et son identité. « Portrait of a Headless Man » traite en fait de ceux qui ont choisi de se rebeller de façon extrême à cause du lavage cerveau quotidien (la théorie de l’apocalypse, la conspiration, etc.). Et la question première à ce sujet est une contradiction : comment peut-on faire le portrait d’un homme sans tête, qui n’est plus lui-même ?! Toute cette illusion dans laquelle on vit et on est manipulé. « Martyr » est celui qui se sacrifie pour une cause qui lui semble bonne, etc. Toutes ces chansons décrites à l’instant ont quelque chose en commun dans les émotions partagées : la peur, la foi, l’illusion en un dieu, etc. Et nous voulons comme d’habitude que chaque auditeur ait sa propre interprétation sur nos paroles. Leur signification diverge donc selon les points de vue et leur interprétation personnelle que chacun peut en faire.

Septicflesh a toujours su évoluer en proposant une musique fraîche et avant-gardiste, et là, sur la thématique des religions et malgré vos racines dans la mythologique grecque et la présence de la religion orthodoxe qui vous entoure dans votre pays, vous voulez que l’on fasse table rase du passé et définissez en fin de compte un nouveau Testament antireligieux à notre époque ?
Dans un premier temps, tu as dit quelque chose de tout à fait vrai : nous voulons rester « frais » dans notre travail, tant musicalement que lyriquement. Tu sais, j’ai étudié l’art à l’université : la photographie, le graphisme, la peinture, etc. Mais je dois dire qu’à notre époque, dans notre XXIe siècle, je ne vois rien de vraiment nouveau. C’est difficile de créer véritablement quelque chose de nouveau, cela reprend forcément des influences en recyclant des idées, ou alors ça ne ressemble à rien d’existant et les gens ne comprennent pas… (rires) Or, nous n’avons pas la prétention avec Septicflesh de faire quelque chose de nouveau, cela s’inscrit dans la continuité de l’œuvre que l’on a commencé il y a déjà quelques temps. On construit quelque chose que l’on détruit ensuite, puis c’est une résurrection comme un cycle, avec de nouvelles idées en reprenant des anciennes. Nous voulons être modernes dans notre art, innover, et restés frais par contre, oui. Chaque album que l’on fait, on l’aime, on l’adore et on y donne toute notre énergie pour qu’il nous plaise, et il y a toujours ces éléments standards qui caractérisent le son de Septicflesh avec ces orchestrations. Et si tu regardes bien, il y a eu une évolution, car chaque album est différent même si on retrouve ces éléments : ma voix, celle de Sotiris (moins sur certains albums), les guitares, les orchestrations de Chris, etc.

Pourquoi Sotiris Anunnaki Vayenas ne joue plus avec vous en tournée hors de Grèce désormais ? Les samples de sa voix claire et de ses parties de guitares ne remplacent pas le musicien sur scène…
Laisse-moi t’expliquer la situation. Sache qu’un groupe en provenance de Grèce ne fonctionne pas vraiment comme un groupe scandinave ou bien français. C’est extrêmement difficile pour nous d’avoir un groupe et de survivre à côté de son travail. Et Sotiris a la fonction de cerveau au sein du groupe en quelque sorte, et avec Sotiris, lui et moi sommes à la base des compositions, y compris pour ce nouvel album. C’est quelqu’un de très intelligent et très sociable, avec beaucoup de qualités, et il occupe un poste à haute responsabilité dans une banque et ne peut se permettre de partir en tournée avec nous. Septicflesh est un groupe très actif et qui tourne régulièrement donc c’est très difficile.

Mais la scène ne lui manque pas tout de même ?
Si, Sotiris aimerait jouer davantage live, en effet, pourtant ce n’est pas possible pour lui, il faut se faire une raison, Septicflesh tournant souvent à l’étranger. Par exemple, on a une tournée sud-américaine cet automne en octobre, il y a près d’une trentaine de dates en trente jours. C’est tout simplement impossible donc. Mais Psychon le remplace depuis 2011 à la guitare sur scène.

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Enfin, pourquoi ne faites-vous plus appel à la chanteuse Natalie Rassoulis depuis l’album Sumerian Daemons ? Cela ferait très plaisir aux fans nostalgiques de l’époque A Fallen Temple (1998)…
Tout d’abord, je dois dire que Natalie est une chanteuse soprano à la voix formidable, mais elle a sa propre carrière. Et nous avons évolué depuis notre reformation en 2007 et Communion en 2008, et nous ne souhaitons donc pas forcément nous répéter. Nous avons eu recours nos propres orchestrations et avons déjà recours à de nombreux chœurs sur The Great Mass et Titan, dont des chœurs d’enfants sur ce dernier. C’est différent bien sûr, mais nous n’avons plus besoin systématiquement de chant féminin, notamment sur Codex Omega car il est agressif, très dynamique, avec de nombreuses mélodies. On veut expérimenter de nouvelles choses avec notre son qui demeure bien entendu celui de Septicflesh.

Mais tu peux comprendre que les fans seraient ravis !
Oui, malheureusement nous ne sommes plus du tout en contact ou très rarement, et chacun a sa vie et sa carrière. Je comprends bien sûr que certaines personnes attendent cela un jour, tout spécialement en France où nous avons toujours eu une relation spéciale avec le public avec notre ancien label français à nos débuts Holy Records… Et encore maintenant avec Season Of Mist, notre label actuel sur lequel sont sortis nos derniers albums et le nouveau. Tu sais, en France, ce sont les premières personnes qui ont cru à nos débuts…

D’ailleurs, j’ai noté quelques influences de Gojira dans les rythmiques très massives et dans les riffs modernes sur une ou deux chansons « 3rd Testament (Codex Omega) » et « Dark Art »…
OK, je reconnais certaines parties sur « Dark Art », en effet… Par contre sur « 3rd Testament (Codex Omega », je ne sais pas trop, il y a peut-être un peu un riff oui, mais c’est peut-être plus inspiré par Morbid Angel, tu sais ! C’est comme Opeth à ses débuts qui s’inspirait de Morbid Angel, et Gojira s’est beaucoup inspiré du riffing de Morbid Angel, alors oui, peut-être indirectement ! (rires) Mais chaque groupe reprend plus ou moins des éléments d’un autre qui l’influence pour créer quelque chose de nouveau, etc. Cependant, je ne pense pas que nous ayons d’autres similarités avec Gojira. Septicflesh est totalement différent. Tu sais, c’est comme le single le plus commercial de Rammstein, « Du Hast », le riff est inspiré de Ministry ! (rires)

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