THE CONTORTIONIST Portrait de la divination

Associé depuis ses débuts à la mouvance djent, et bien qu’étant toujours attaché à la communauté qu’elle représente, The Contortionist revendique aujourd’hui voguer vers des horizons plus alternatifs et progressifs, citant des références comme Tool ou Deftones voire Muse comme points de rapprochements . [Entretien avec Michael Lessard (chant) par Loïc Cormery]

Tu as déclaré à propos de votre nouvel album Clairvoyant qu’il était « la première occasion pour vous en tant que groupe de vous poser et faire le point sur ce que vous êtes aujourd’hui, explorer un The Contortionist mélodique, dynamique et particulièrement concentré. » Plus concrètement, qu’est-ce que ça voulait dire par rapport à la conception de l’album et l’état d’esprit du groupe ?

Nous avons la chance qu’aujourd’hui le nom et le son liés au nom The Contortionist soient très fermement établis sur les scènes rock alternatives et métal. Donc les gens ont une idée de ce à quoi ils peuvent s’attendre, ce qui signifie réciproquement que nous pouvons sans doute sortir l’album que nous voulons sortir plutôt que, comme c’était le cas avec le premier album, de se retrouver dans une situation où, bien que la scène métal technique/djent était nouvelle à ce stade, les attentes de la communauté sur la façon dont c’était supposé sonner restaient très rigides. Nous nous sommes retrouvés dans une situation où nous avions l’impression de devoir être un certain groupe. Par exemple, nous devions utiliser des vocaux agressifs lorsque nous n’avions pas forcément envie de faire des cris ou, disons, des chansons plus heavy. Et puis, avec Language, il a fallu que nous prouvions notre valeur encore une fois . Nous avons l’impression d’avoir été assez clairs autant auprès des fans que de la scène que nous sommes intrinsèquement un groupe plutôt mélodique, et que nous nous dirigerons toujours vers une approche plus rock alternative ou post-rock que metal technique ou djent. Je sais que ça peut paraître étrange parce que nous sommes fermement attachés à l’étiquette djent mais nous n’avons jamais vraiment été à l’aise d’être mis dans le même panier que, disons, Monuments, Periphery ou Meshuggah. Nous pensons être plus proches de groupes comme Tool ou Deftones, et même à certains égards de groupes de rock de stades comme Muse, pour ce qui est de notre approche de la musique et certainement vis-à-vis de notre rapport à des groupes plus vieux comme Pink Floyd, Led Zeppelin ou The Doors. Nous estimons avoir des affinités plus proches de ce genre d’artistes que, disons, Chimp Spanner ou Uneven Structure ou d’autres groupes qui sont des pairs contemporains. Donc Clairvoyant représente où nous en sommes aujourd’hui, c’est l’album que nous voulons sortir sans avoir trop peur des réactions. Et dans cette situation, il faut avoir conscience que si les fans n’apprécient pas l’album, il faut simplement l’accepter, il n’y a rien que nous puissions faire contre ça. Lorsque nous jouons ces chansons, si on compare aux anciennes musiques, nous avons le sentiment d’être davantage satisfaits et contents de ce que nous faisons.

Artwork de « The Clairvoyant »

Est-ce que ça veut dire qu’auparavant vous limitiez volontairement votre musique pour vous conformer aux attentes du genre ?

Non, je pense que nous rajoutions des éléments sans lesquels, peut-être, nous pensions que nous ne serions pas acceptés. Par exemple, il y a une chanson intitulée « Contact » sur le premier album qui est très… C’est presque l’archétype de la chanson djent, et elle a du chant crié d’un bout à l’autre. C’est une chanson qui nous met très mal à l’aise à jouer en concert. En l’occurrence, nous ne l’avons pas jouée depuis un bon bout de temps parce qu’elle nous donne l’impression de n’avoir jamais été ce que nous voulions qu’elle soit. Même si nous avons effectivement des cris, des parties heavy et certainement des chansons qui sonnent typiquement djent sur le nouvel album,Clairvoyant, ça ne représente pas tout. Ce n’est à peine qu’un aspect de notre son, au lieu de le résumer. C’est donc ce que je voulais dire par… Nous avions l’impression par le passé de devoir adhérer à un son, alors qu’aujourd’hui, nous sommes à l’aise en nous en éloignant.

The Contortionistest considéré comme l’un des leaders du genre assez jeune qu’on appelle le djent. Et je sais qu’internet a joué un rôle prépondérant pour le groupe. Peux-tu nous en dire plus sur la relation qu’entretient le groupe avec internet et, plus généralement, les technologies ?

En gros, nous nous sommes tous rencontrés via divers forums qui ont poussé autour du groupe Meshuggah et les forums de fans. Il y en avait un qui s’appelait tandjent.net qui a été assez essentiel et c’est ainsi que tout le monde a pu se connaître. Par exemple, Misha de Periphery était dessus, Paul de Chimp Spanner était dessus, les gars de Fellsilent – donc Acle et Browne – étaient dessus et aussi quelques autres groupes qui sont aujourd’hui en train de se faire également un nom. C’est comme ça qu’on a pris contact. Et même aujourd’hui, la technologie est telle que nous sommes capables d’enregistrer dans différents studios à travers le pays et, en l’occurrence, dans différents pays. J’ai la possibilité de répéter et enregistrer avec le groupe via cette merveilleuse technologie qu’est internet. Donc, je pense que The Contortionist aurait été un autre groupe s’il n’y avait pas eu l’énorme impact que les réseaux sociaux et internet ont eu sur nous.

The Contorsionist photo promo.


THE CONTORTIONIST

Clairvoyant

Metal progressif / Djent atmosphérique

AAAAE

Technique, The Contortionist l’est assurément. Démonstratif, jamais. Une composition comme « Monochrome (Passive) » voit d’ailleurs tout son intérêt dans la création d’une ambiance aérienne portée par l’une des plus belles lignes de chant de l’album. Parfois des accents « pop » viennent ponctuer l’œuvre, à l’instar de l’intro de « TGodspeed » qui rappelle certains crescendo de Racing Glaciers. Le refrain de « Clairvoyant » a ce côté « catchy » propre au genre, similaire à ce que peut parfois produire The Intersphere par moment. Sans compter certaines sensibilités directement inspirées de l’œuvre post 97 de Radiohead comme l’intro de « Absolve ». Cependant, on ne peut s’empêcher de regretter la trop forte ressemblance avec ce que proposait le groupe sur son précédent album. La manière d’articuler les compositions reste sensiblement la même. The Contortionist ne se répète pas exactement, mais il a tendance à se paraphraser. Mis à part ce point négatif, le groupe livre avec Clairvoyant un album remarquable qui ne laissera certainement pas les amateurs de musique progressive de marbre. Moins conceptuel dans sa construction que Language , ce nouvel album se veut plus focalisé sur ce qui fait et fera désormais l’essence de la musique de The Contortionist : la mélodie et les atmosphères.

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