THRON : Né poussière, tu retourneras poussière…

Moïse dit dans la Bible : « Tu es poussière et tu retourneras en poussière » expression qui inspira David Bowie pour son tube « Ashes To Ashes » en 1980. A présent, pour ce qui nous concerne ici, à savoir du black metal, c’est au tour de l’excellent quintet allemand Thron de nous proposer Dust, quatrième opus studio, avec sa vision sombre et pessimiste du monde post-covid-19… [Entretien intégral avec PVIII (guitare) par Seigneur Fred – Photos : DR]

Thron

Avez-vous pu quand même défendre sur scène votre précédent méfait Pilgrim après notre entretien à son sujet en 2021 ? Éprouves-tu un sentiment de frustration peut-être envers cette satanée pandémie qui a empêché Thron de se produire en live autant que tu l’aurais voulu ?
En Allemagne du moins, c’est encore compliqué en raison des conséquences de la pandémie et de la guerre en Ukraine, etc. Tout est devenu beaucoup plus cher à présent, tandis que les revenus pour les artistes ont diminué. C’est toujours le bordel ici pour les petits groupes comme nous… Pour les très grands groupes, cela semble être presque « de retour à la normale ». Bien sûr, c’était frustrant pendant les confinements et la pandémie. Mais je suis plutôt du genre à me dire dans ce cas : « tirons le meilleur de la situation », alors du coup j’ai écrit notre nouvel album entre-temps que voici… (sourires)

Quel bilan du coup dresses-tu de Pilgrim aujourd’hui ? C’est un album qui a permis un grand pas en avant malgré le contexte, je pense, pour Thron, non ?
Pilgrim a été un grand pas en avant pour nous, assurément. C’était une sorte de succès et nous sommes toujours très fiers de cet album. J’aime toujours jouer ces chansons en live. Et tu as raison, étant donné qu’il est sorti pendant la pandémie, donc les opportunités de le promouvoir en live furent limitées. Mais comme je le disais précédemment, on n’abandonne jamais. Nous avons quand même réussi à jouer quelques concerts et avons fait un show live où nous avons joué cet album dans son intégralité. Ce n’était pas le moment idéal pour le sortir, mais je suis content que nous l’ayons fait dans tous les cas.

Entre-temps, deux nouveaux mystérieux membres ont intégré votre line-up : J à la batterie, et R à la guitare. Peux-tu nous les présenter ? Sont-ils là à plein temps ou uniquement des musiciens de session ?
Ces deux mecs géniaux viennent de Suisse (qui se trouve pas très loin de chez nous), et jouent dans divers groupes (Malphas, Aara, Ghörnt… pour n’en citer que quelques-uns). Ce sont des membres à temps plein. Nous avons eu déjà pas mal de changements à ces deux postes, moi, le chanteur et le bassiste étant les seules constantes.

Thron

Si Pilgrim était un album profond, sombre et puissant de black/death metal mélodique inspiré exclusivement par la scène metal suédoise des années 90, votre quatrième album Dust semble plus diversifié, catchy, orienté heavy metal dans ses soli et riffs de guitares : par exemple sur les chansons « The True Belief » ou « The Wrong God ». On peut même y déceler quelques influences progressives ici et là (comme sur « The Golden Calf » avec sa guitare aérienne à la Amorphis période Tuonela). Pourquoi l’apparition de ces nouvelles influences à présent ? Penses-tu avoir déjà fait le tour du genre d’une certaine façon ?

Oui, d’une certaine manière, j’avais le sentiment que nous couvrions ce domaine et que l’on ne pouvait rien apporter de nouveau sur la table. Je ne veux pas être considéré comme un groupe « hommage » qui recycle sans cesse de vieilles idées. Je suis aussi un grand fan de rock prog’ et de heavy metal classique période fin années 80/début années 90, tu sais. Et j’ai eu le sentiment cette fois que je voulais y intégrer ces styles plus qu’auparavant.

Néanmoins, une influence musicale majeure demeure dans le son de Thron : c’est Dissection. En quoi l’héritage du fameux groupe culte suédois t’inspire-t-il encore aujourd’hui, selon toi ? Qu’est-ce qui te passionne dans l’œuvre de Jon Nödtveidt (R.I.P.) ?
Dans les années 90, j’étais un grand fan des styles death, black, et heavy metal (Iron Maiden, Judas Priest, Mercyful Fate, etc.). Mais pour moi, ces genres étaient vraiment cloisonnés à l’époque. Lorsque les albums The Somberlain et Storm of the Light’s Bane de Dissection sont sortis en 1993 et 1995, j’ai eu le sentiment que mes genres préférés étaient enfin réunis dans un mélange parfait, chose que personne n’avait vraiment réussi avant à faire. Ce que j’aime dans son jeu et son écriture, c’est qu’il transportait cette noirceur et cette fureur absolue, avec en même temps tellement de musicalité et de sentiments dans son travail. J’ai tout de suite accroché.

As-tu eu l’occasion d’ailleurs de le rencontrer avant sa mort en 2006 ?
Non, je ne l’ai jamais rencontré. Et à vrai dire, je ne suis pas sûr de l’avoir voulu un jour…

Le nouvel artwork de Dust est encore une fois très réussi, et sombre aussi. J’ai cru juste une seconde qu’il s’agissait d’une œuvre réalisée par l’artiste israélien très demandé dernièrement, Eliran Kantor, mais pas du tout… Il a été réalisé par Khaos Diktator Design, je crois. Était-ce inspiré par votre humeur au cours des deux dernières années dépressives que le monde a connu là encore (pandémie, la guerre aux portes de l’Europe…) et la mort en général ? Comment a-t’il été réalisé cet artwork : en fournissant à l’artiste simplement des brides de nouvelles chansons ou des paroles peut-être ?
Tu n’as pas tort. C’était vraiment inspiré par mon humeur du moment qui se reflète aussi dans les paroles par conséquent de Dust. Pour l’artwork, je lui ai envoyé les paroles et une idée de tout le concept que l’on voulait, et il a eu cette idée géniale. C’est un vrai maître de son art et aussi le type le plus gentil de tous les temps.

Une nouvelle fois, les titres des chansons sont très inspirés par nos religions monothéistes et surtout du christianisme : « The Golden Calf » (NDLR : Le Veau d’or » inspiré de la Bible), « The Eve », « The Wrong God », « Martyr », et aussi vos paroles… Quelles sont tes cibles ici au juste ? Ne crois-tu pas que les religions comme le judaïsme et le christianisme sont des pouvoirs obsolètes et des institutions anciennes ayant bien moins d’impact dans nos comportements quotidiens et nos esprits de nos jours en 2023 par rapport à notre passé, contrairement à la politique, les réseaux sociaux, les téléphones portables, le consumérisme et l’argent qui envahissent notre quotidien et sont source de conflits, de guerres et d’individualisme aujourd’hui ?
En fait, ces métaphores religieuses que nous utilisons ne visent pas seulement les religions, elles sont destinées à être dirigées vers l’humanité elle-même. Le veau d’or n’est pas seulement le veau d’or biblique, c’est aussi un symbole du consumérisme. Nos téléphones portables sont le veau d’or moderne, ou nos voitures de luxe, etc. Du côté des textes et paroles, tout l’album est beaucoup plus basé sur la réalité que nos précédents albums. Il s’agit de la stupidité de la race humaine, son arrogance, sa tendance à se détruire, ce qui rejoint d’une certaine manière ce que tu as dit pour notre époque actuelle.

Et qu’est-ce que tu veux dire à travers ce titre d’album Dust et cet artwork ? Que les êtres humains ne sont que des passagers mortels sur Terre et que nous venons de rien et retournerons tous six pieds sous terre, nous transformant à nouveau en poussière et en nourriture pour les vers ? Même si c’est le cycle de la vie, avoue que ce n’est pas très réjouissant comme programme… (rires)
En effet, là encore tu as trouvé. En combinaison avec ce que j’ai dit précédemment, c’est l’un des thèmes principaux des paroles de Dust. C’est vraiment déprimant, non ? (rires)

Musicalement, une chanson comme « Face of Despair » s’avère plus mélancolique et montre une version plus contrastée de Thron ; la seconde partie d’une autre chanson aussi, « The Wrong God ». Pourrais-tu développer davantage ce genre d’atmosphère dans de longues chansons plus atmosphériques peut-être à l’avenir ?
Je n’ai pas encore de nouvelles idées pour le prochain album. Mais là, oui, sur ces passages, il y a plus de mélancolie… En fait, tout est possible et réalisable, même de longues chansons atmosphériques. Je ne pense jamais à comment un album doit être avant de le faire à vrai dire. Je prends juste ma guitare et je la laisse couler, ha ha ! (rires) Je laisse alors les choses venir d’elles-mêmes.

J’aurai tendance à dire que Dust est probablement votre album le plus accessible et le plus ouvert de Thron parmi les quatre albums dans votre discographie plutôt jeune mais déjà fournie. Es-tu d’accord et était-ce ton but quand tu as composé les nouveaux morceaux après Pilgrim ?
Je suis d’accord, mais je dois dire que je n’ai jamais de but précis quand j’écris un nouvel album, sur comment cet album doit sonner comme ceci ou cela. Mon seul objectif est de m’améliorer à chaque disque. Avec le temps et l’expérience, je pense que je suis meilleur en tant que compositeur, et du coup plus satisfait de mon travail. Et heureusement, j’en suis très satisfait pour le moment à cette heure ! (rires) Nous n’avons jamais voulu être ce genre de groupe où les gens disent avec nostalgie toujours la même rengaine : « Seul le premier album (ou démo !) était bon, ils ont empiré à chaque disque ».

À  présent, à quoi peut-on s’attendre live de Thron lors de vos prochains concerts sur scène ? Des corpse paints, des maquillages grimaçants, des cartouchières, des vestes à patches et des bracelets à clous, des armes blanches, et peut-être des sacrifices de cochons avec du sang de porc sur scène comme Mayhem ou Gorgoroth dans le passé ? (rires)
Nos concerts sont sauvages et furieux, mais nous n’avons pas de grands éléments et artifices de spectacle, tu sais. On veut briller à travers notre musique et ne pas être trop théâtraux, hé hé ! (rires) Cela ne correspond pas au nouvel album, je pense.

Et avez-vous un rêve de d’ouvrir un jour en première partie d’un plus grand groupe autre que Dissection (R.I.P.) ? Je vous verrais bien en en support de Necrophobic, Watain ou Satyricon par exemple…
Bonne question… Hum… En support éventuel d’un grand groupe, de façon irréaliste, je dirais : Iron Maiden ou Mercyful Fate, hé hé ! (sourires) De manière plus réaliste : disons Satyricon ou Necrophobic, ce serait vraiment sympa, oui. Ou bien aussi Mayhem ou Watain…

Pour conclure, quels sont tes projets de Thron pour cette année et par la suite ? Peut-on espérer vous voir bientôt en France peut-être dans le cadre d’une tournée ou lors des festivals d’été ?
Nous sommes en train de programmer des spectacles pour le reste de l’année. En Allemagne, c’est toujours difficile, beaucoup de spectacles ont encore été annulés en raison de très faibles préventes malheureusement. J’espère sincèrement que cela ira mieux bientôt, et partout. Pour jouer en France, ce serait vraiment cool ! J’habite à quinze kilomètres de la frontière avec la France, donc cela devrait être possible d’une manière ou d’une autre tôt ou tard ! (sourires)

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