W.A.S.P.
Idole à nouveau

Pour célébrer le vingt-cinquième de la parution de The Crimson Idol, W.A.S.P. a décidé de réenregistrer son concept album culte, en y ajoutant un élément qui manquait à l’époque et qui est devenu une arlésienne : son film !

[Entretien avec Blackie Lawless (guitar, chant) par Philippe Jawor – philippe@metalobs.com]

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Tout d’abord, j’aimerais que l’on retourne ensemble en 1992, à l’époque de la sortie de The Crimson Idol ; il paraît qu’à l’origine, ce devait être un disque solo ?
Je ne sais pas d’où vient cette rumeur : on n’a jamais vraiment parlé de ça, mais la rumeur a continué de se propager, et encore jusqu’à maintenant ! On avait pensé à ce que je fasse deux trois trucs en solo à une époque, mais les fans nous on vite fait comprendre que W.A.S.P. c’était plus que ça : c’était une idée, à la manière de Motörhead par exemple. Ils avaient sûrement raison. Alors on a abandonné cette idée très vite.

Qu’est-ce qui t’avait donné l’idée d’écrire ce concept album ?
Quand j’ai écrit ce disque, les fans ne me posaient sans cesse ces questions : « Comment puis-je monter un groupe ? Comment arriver là où tu en es aujourd’hui ? ». Je leur répondais systématiquement : « il faut vraiment le vouloir, et être prêt à travailler très dur ». Mais je voyais dans leur regard qu’ils ne comprenaient pas. Alors j’ai décidé d’écrire une histoire, qui raconterait le pire aspect de ce business. Après l’avoir écoutée, ils ne pourraient pas dire qu’ils n’avaient pas été prévenus ! La première fois que cette idée m’a traversé l’esprit, c’était dans un restaurant de Londres, à l’automne 1986. Mais ça a pris quelques années avant que cette idée ne mature, on a fait The Headless Children entre temps… À Hollywood, quand on crée un personnage, il faut lui « donner du corps » : qui est-il ? D’où vient-il ? Qu’est-ce qu’il aime ? Qu’est-ce qu’il n’aime pas ? Du coup, le début de cette histoire était simple : il s’agissait juste d’un garçon qui cherchait l’amour. Au fil des années, je me focalisais de plus en plus sur ce qui arrivait à quelqu’un qui obtient un succès immense. En additionnant ces deux éléments, j’avais mon concept, mais j’ai tout de même le sentiment que le public s’est davantage identifié à la première partie de cette histoire.

De fait, The Crimson Idol est toujours considéré comme l’un des meilleurs concept albums jamais écrits…
On me demande souvent « combien as-tu mis de toi dans ce personnage ? » : mais la vérité, c’est que je n’en ai pas mis tant que ça, peut-être dix pour cent, à tout casser. Je n’ai pas du tout eu ce genre d’enfance ! Je connais pas mal de gens dans le business, et j’ai surtout pioché à droite à gauche, m’inspirant un peu d’untel, un peu d’untel autre… Moi, je me suis surtout identifié à la deuxième partie de l’histoire, celle du succès.

Il y a d’ailleurs quelque chose qui ne se dément pas au fil des années, c’est ta relation avec le public ; comment la décrirais-tu ?
Il y a une chose que j’ai apprise il y a bien longtemps : si tu veux avoir une carrière digne de ce nom – et je ne parle pas de sortir deux, trois disques e basta, je parle d’une carrière de plus de quinze, vingt ans – tu dois laisser les fans entrer dans ta tête. Tu dois être prêt ouvrir ton crâne en grand, et laisser ces gens enlever leurs chaussures pour y déambuler comme s’il étaient chez eux. Si tu ne fais pas ça, ils ne sauront jamais vraiment qui tu es. À nouveau, je connais pas mal de monde dans ce business, et j’en connais beaucoup qui ne sont pas prêts à ça, qui ne veulent pas partager cette partie d’eux-mêmes avec d’autres gens, leurs mauvais côtés, les insécurités, etc. Pour ma part, je suis convaincu que si tu dois faire un bout de chemin avec ces gens, il faut entretenir une relation qui confère à l’intime.

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Pourquoi avoir décidé de réenregistrer les chansons de The Crimson Idol plutôt que de simplement les remasteriser, comme le fait bon nombre de groupes ?
Tout d’abord, nous n’avions pas les droits contractuels pour le faire. Je suis content d’avoir réenregistré ces chansons. C’était tout de même une expérience étrange : je n’avais jamais marché à nouveau dans mes propres pas ! Quand tu fais un nouveau disque, tu le crées à partir de rien ; là, on ne créait pas, on suivait un chemin déjà tracé auparavant. Ça peut sembler facile au premier abord, mais c’est tout aussi difficile que de créer un nouvel album : on s’aventure dans un territoire inconnu, on devient un cover band de nous-mêmes, et je n’ai pas joué de reprises depuis le lycée ! (rires) La première chose qui m’a marqué, c’est quand j’ai réécouté les bandes master – que je n’avais pas entendues depuis 20 ans – pour la première fois : j’ai eu l’impression de recevoir un coup de pied en plein estomac. Je n’avais pas réalisé à quel point ces titres avaient été travaillés. Plus j’écoutais, et plus je me rendais compte de l’énorme masse de travail que ça allait nous demander. On a réussi à rejouer environ 95 % de l’album note pour note, mais on n’avait pas le même son du tout : le matériel avait évolué, nous avons mûri également, et quand nous sommes passés au mix avec Logan Mader, nous avons décidé d’aller dans une toute autre direction. Après plusieurs essais, il a mis l’orchestration plus en avant : ça sonnait comme une bande originale de film. J’étais choqué, je ne voulais pas ça ! Mais à le réécouter, je me suis rendu compte que c’est comme ça que cet album devait sonner, puisqu’il était censé accompagner un film.

Parlons justement du film qui accompagne Re-Idolized ; était-il à l’origine prévu pour une sortie simultanée avec The Crimson Idol ?
Ce devait être un film muet, qui devait être accompagné live par un groupe de rock, à la manière des vieux films, qui étaient illustrés dans les cinémas par un pianiste ou un orchestre. L’idée, c’était vraiment d’en faire une performance artistique. On a tourné les images, mais on ne les a jamais montées. Pourtant, les gens n’arrêtaient pas de me demander quand le film allait sortir. Je leur répondais alors ce que je pensais être vrai : « je ne sais pas, probablement dans quelques années ». Il y a cinq ans de cela, je suis retombé sur ces rushes et je me suis dit « le 25e anniversaire de l’album arrive bientôt ; si on ne le fait pas maintenant, nous ne le ferons jamais. » C’était vraiment énormément de travail, et c’est sûrement pour ça que j’avais autant laissé traîner cette idée. Je n’ai jamais autant travaillé sur quelque chose, et j’avoue, je n’ai pas envie de le refaire ! (rires)

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