WORMED
Dans l’espace, personne ne vous entend crier…

L’une des premières baffes de ce printemps en matière de Brutal Death Metal technique est assurément l’excellent troisième album des Madrilènes de Wormed. D’une technicité et précision hors-pair doublée d’un concept futuriste passionnant (chose rare dans le genre), Krighsu vous scotche d’abord dans votre cockpit puis vous envoie à des années-lumière dans la froideur de l’espace… Heureusement, la formation espagnole est plutôt chaleureuse quand il s’agit de parler musique et science-fiction, à l’image de son sympathique chanteur.

[Entretien avec Phlegeton (chant) par Seigneur Fred]

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Pourquoi ne pas avoir sorti d’album entre votre premier long-format Planisphærium (2003) et Exodromos (2013) ? Durant ces dix années, vous n’avez sorti qu’un split CD et un single ; êtes-vous fainéants à ce point ou avez-vous rencontré des problèmes pour enregistrer ou sortir un nouvel album ?

Nous avons dû faire face à quelques changements difficiles dans le line up. quand Planisphaerium est sorti, nous nous sommes concentrés sur une grosse tournée qui est passée par l’Europe, les US et le Japon. Au fur et à mesure, notre batteur a perdu sa motivation, ce qui a ralenti le processus de composition. En 2008, je me suis mis à la batterie pour composer quelques titres qui finiraient sur l’EP Quasineutrality. Après ça, Riky est officiellement arrivé au sein du groupe, pour enregistrer Exodromos, qui a été suivi d’une intense période de concerts. Nous avons à nouveau recruté un nouveau batteur, G-Calero, qui a enregistré Krighsu. À ce train-là, il n’est pas forcément facile d’avancer.
Comment est née l’idée d’écrire sur la science-fiction, l’espace, le futur ?

Le cosmos a toujours été un grand mystère pour l’humanité. Quand nous avons formé le groupe, peu parlaient de SF ou d’espace, alors on s’est dit qu’on allait le faire. On se renseigne, on puise notre inspiration dans la science, on en emprunte le vocabulaire… c’est quelque chose qui nous démarque par rapport à d’autres groupes de death metal. Le death metal, finalement, c’est des rythmes complexes, des structures… La musique, c’est comme les maths. Du coup, tout ce vocabulaire s’adapte parfaitement à notre musique, et ça sort un peu de l’ordinaire.

J’imagine alors que vous êtes fans de roman fantastique, de films SF depuis votre plus tendre enfance… Quelles sont vos influences ?

En fait, je n’ai pas lu tant de SF classique que ça. Je préfère parcourir les sites de cosmologie, de futurisme, de technologie, ceux qui parlent de l’espace… Je puise aussi mon inspiration dans les films de SF, dans les documentaires… J’aime des auteurs comme Stephen Hawking, Isaac Asimov, Lovecraft, des réalisateurs comme James Cameron, Paul Verhoeven, Ridley Scott, les frères Wachowski, Stanley Kubrick, les films Interstellar, District 9, Melancholia, Cube, Pi, Primer, Matrix, Oblivion, Ender’s Game, The Signal, Elysium, Children of Men, Gravity, Lucy, Prometheus, Transcendence…

Quel est le concept de Krighsu ?

Le synopsis est le suivant : alors que Krighsu sort de son sommeil, la galaxie est consumée par des essaims de nanomachines. Les robots sont maintenant la race dominante, tandis que la dernière lignée humaine, connue sous le nom d’Agliptian, a peur de perdre le sens de son existence. Les Agliptians ont colonisé 80% de la Voie lactée. Ils ont trouvé de la vie, mais primitive. La galaxie regorge de colonies de Terrax et robots intelligents. Les ressources sont rares et les temps sont incertains pour la race humaine. Sachant que l’exploration intergalactique est impossible sans se transcender dans une intelligence artificielle effrayante, ils ont essayé d’éviter la disparition du dernier maillon humain, en inoculant désespérément un virus très puissant. Son but : la destruction des robots. Cependant, ils ont commis une grave erreur : le virus avait une mutation inattendue, et des millions de nanomachines se retrouvent dispersées, sans contrôle, construisant des copies d’eux-mêmes à l’aide de toute la matière et de l’énergie disponible dans la galaxie. Mais avant que ce scénario apocalyptique ait lieu, de l’autre côté de la galaxie, le projet de CONEKTNITY prévoyait l’activation du protocole Neomorph, communément appelé « Réveil des cent Chryms » : une armée de cyborg, préservée pour tout événement qui menacerait l’existence humaine. Ces Chryms puissantes ont été conçues pour établir la vie dans un système planétaire en toute sécurité. Tous se sont réveillés, tous sauf un, Krighsu.
En gros, ce nouvel album évoque la destruction de l’intelligence artificielle à cause de la peur qu’elle suscite chez les humains. Les humains veulent la détruire, parce qu’ils veulent rester les maîtres. On passe de l’Homme qui déambule seul dans l’espace (la première partie) à une histoire complète avec la dernière civilisation humaine (les Agliptiens) qui se bat contre l’intelligence artificielle qu’elle a elle-même créé. Krighsu ne s’est pas réveillé quand le protocole Neomorph a été activé, pourtant il est la clé pour sauver l’existence humaine – mais pas les humains eux-mêmes. C’est clair, non ?

À quel point les paroles et les thèmes sont-ils importants dans le Metal extrême ? Dans le Death metal, on ne comprend généralement pas les paroles, et ceux qui écoutent la musique sur Internet n’ont pas accès aux paroles…

La musique de Wormed est assez étrange, frénétique ; le chant doit coller à cette ambiance, à ces rythmes complexes, et à ce concept futuriste en général. Si tu lis les paroles en écoutant l’album, tu reconnaîtras les paroles sans problème. Beaucoup de personnes prêtent attention aux paroles. Même si on ne les comprend pas forcément les paroles, parce que le concept de chaque album est comme un film.

Votre musique est très technique et brutale. Comment travaillez-vous ? Vous répétez tous ensemble ?

D’abord, on travaille sur l’idée d’une chanson. On commence par les guitares, puis on réfléchit à la batterie. Enfin, on fait les arrangement qui rendront le morceau plus complexe, plus riche. Quand le musique est prête, j’y ajoute le chant. La difficulté, c’est que nous n’habitons pas tous dans la même ville, alors on répète surtout chez nous. On fait quand même une ou deux répète par mois tous ensemble.

Le son de ce nouvel album est incroyable, à la fois clair et puissant. Avez-vous enregistré en Espagne ?

On a essayé de rendre tout ça plus compréhensible, que ce soit cosmique mais en conservant la même intensité. Toutes les textures, tous les effets sont volontaires. Généralement, on fait un script de tous les trucs qu’on trouve intéressants à ajouter. La production a été faite par Carlos Santos aux Sadman Studios (Madrid), et le mastering a été confié à Brad Boatright d’Audiosiege (Portland, USA). Ils ont tous les deux fait un travail incroyable.

De manière générale, le groupe n’utilise pas beaucoup de samples sur cet album à l’ambiance futuriste, contrairement à Fear Factory par exemple, excepté dans la chanson “578893308161”… Pourquoi ?
On reste un groupe de death metal. On préfère mettre des samples ou des intros entre les chansons, et laisser la musique tranquille, ne pas la surcharger. En live, c’est pareil : on aime jouer des samples pour ne pas laisser de silences entre les morceaux.
N’est-ce pas compliqué de reproduire votre musique sur scène ? Aura-t-on l’occasion de vous croiser en France cette année ?
Pour nous, recréer notre musique est assez aisé : on a seulement besoin d’un bon soundcheck, un bon ingé son, de bonnes lumières et un bon public. C’est très important, ça fait 18 ans qu’on marche comme ça ! On compte faire une tournée européenne à la fin de l’année, mais il n’y a encore rien de définitif.

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